MONTRÉAL - La France et l'Allemagne s'affronteront en demi-finale de la Coupe du monde U-20 de soccer féminin, mercredi, au Stade olympique de Montréal. Ces deux sélections profitent de programmes de développement étoffés, mais ce n'est pas le cas de toutes les formations qui ont participé à ce tournoi disputé en sol canadien.

Certaines équipes ont été formées à la dernière minute, en raison d'un financement bien modeste.

C'est là un contexte que connaît bien Sylvie Béliveau. La Sherbrookoise était l'adjointe de l'entraîneur-chef Neil Turnbull, en 1986, quand la toute première équipe nationale canadienne de soccer féminin a été mise sur pied.

« Il n'y avait qu'un camp d'entraînement par année, d'une semaine à 10 jours, et après on allait jouer trois matchs aux États-Unis », s'est rappelée Béliveau lors d'un entretien avec La Presse Canadienne.

« Quand on a commencé, il n'y avait pas de Coupe du monde ou de Jeux olympiques (pour les femmes). Il n'y avait pas vraiment d'objectifs à atteindre, a expliqué celle qui observe et analyse présentement les matchs du Mondial U-20 féminin en tant que chef d'équipe du groupe d'étude technique de la FIFA. Ç'a été comme ça les deux premières années. »

Puis, le Canada a été invité à participer à un tournoi mondial de 12 équipes en Chine en 1988. Cette compétition a servi de prélude à la première Coupe du monde féminine officielle, dans ce même pays en 1991. La sélection américaine a été la seule à représenter la zone CONCACAF à cette occasion. Elle a toutefois remporté le titre mondial, ce qui a incité la FIFA à accorder une deuxième place à cette confédération en vue de la Coupe du monde de 1995.

Le Canada s'est qualifié pour ce Mondial-là. Béliveau était alors devenue entraîneur-chef de la sélection canadienne.

Le contexte avait progressé pour les Canadiennes, mais pas au point d'épargner de gros maux de tête à Béliveau.

« Les joueuses jouaient sans recevoir la moindre compensation, a souligné celle qui occupe également le poste de responsable du développement à long terme du joueur à Soccer Canada. Celles qui étaient aux études, c'était pas si mal, mais chez celles qui travaillaient, plusieurs mettaient leur emploi en péril. »

Certains employeurs refusaient qu'une athlète s'absente pendant plus d'un mois _ pour le camp en plus du Mondial. Béliveau a notamment dû accepter qu'une joueuse rate le camp et ne prenne part qu'au tournoi de 1995.

« J'essayais d'avoir un seul standard pour tout le monde, mais il fallait y aller au cas par cas », a expliqué Béliveau.

La participation du Canada au Mondial de 1995 a néanmoins amené Sport Canada à accorder des brevets aux joueuses. Celles-ci ont donc commencé à empocher un salaire en tant qu'athlète.

Le séjour d'une décennie du Norvégien Even Pellerud à la barre de la sélection canadienne, à partir de 1999, a par ailleurs amené Soccer Canada à doter le programme féminin de plus grands moyens. Les progrès au niveau de l'encadrement se sont poursuivis à l'arrivée du Britannique John Herdman en 2011. Une quinzaine de personnes travaillent aujourd'hui pour le programme féminin, comparé à cinq à l'époque de Béliveau.

On peut observer les mêmes progrès à l'échelle internationale. La FIFA a activement cherché à permettre cette progression, notamment en lançant une Coupe du monde U-20 en 2002, puis un Mondial U-17 en 2008. Le soccer féminin U-15 se développe aussi: le Canada a remporté, dimanche dernier, le tout premier Championnat de la CONCACAF disputé dans cette catégorie d'âge.

« Avant qu'on ait ces tournois, seules les joueuses seniors avaient accès à l'international, a souligné Béliveau. Le soccer féminin se développait, sans nécessairement avoir l'appui nécessaire pour développer les jeunes et alimenter les sélections seniors.

« On s'est donc retrouvé pendant des années avec les mêmes quatre pays qui se partageaient les quatre premières places dans les grands tournois, a noté la Sherbrookoise. Je trouve que la FIFA a vraiment bien fait en forçant la main des pays afin qu'ils investissent (chez les jeunes). »

De la même façon, Béliveau trouve que la FIFA a pris la bonne décision en augmentant à 24 - au lieu de 16 - le nombre d'équipes qui participeront à la prochaine Coupe du monde féminine senior. Celle-ci aura lieu l'été prochain au Canada. Un plus grand nombre de fédérations nationales de foot doivent maintenant prendre leur programme féminin au sérieux, estime-t-elle.

« Les gens se demandent si on va voir des bons matchs tout le temps. Peut-être pas au début, mais si on ne fait pas ça, les pays ne vont pas investir. Ils vont se dire que puisque leurs femmes ne se qualifieront pas, il ne sert à rien de travailler sur leurs propres réseaux de compétition.

« Plusieurs pays laissent leurs équipes féminines à l'abandon. Mais d'autres nations qui ont commencé à se qualifier (pour des Mondiaux), comme le Paraguay et l'Argentine, ont investi parce qu'ils veulent bien faire, ils ne veulent plus vivre des défaites de 11-0.

« Pour bien faire, ça prend un investissement, il faut offrir quelque chose de régulier aux joueuses. »

C'est ce que font la France et l'Allemagne. D'où leur présence en demi-finale à l'Euro U-19, l'an dernier, et dans le carré final de ce Mondial U-20.

Le Nigeria affrontera la Corée du Nord à Moncton dans l'autre demi-finale prévue mercredi. Les quatre équipes encore en lice se retrouveront toutes à Montréal, dimanche, en vue des finales pour les première et troisième places.