ZURICH - Des procureurs fédéraux suisses ont confirmé qu'ils ont lancé des procédures judiciaires à propos de malversations notamment dans l'octroi des Coupe du monde de soccer des années 2018 et 2022, embarrassant davantage la FIFA quelques heures seulement après que sept dirigeants de l'organisation eurent été arrêtés et 14 autres interrogés mercredi dans une enquête distincte des États-Unis pour corruption.

Les procureurs américains ont indiqué qu'ils avaient découvert une dizaine de stratagèmes différents alors qu'ils enquêtaient sur la corruption au sein de la FIFA - et certains de ces stratagèmes ont été utilisés pour l'octroi de la Coupe du monde à l'Afrique du Sud en 2010.

Lors d'une conférence de presse mercredi à New York, le procureur américain de Brooklyn Kelly T. Currie a précisé que neuf de ces stratagèmes impliquaient des sociétés de marketing qui souhaitaient obtenir leur part du gâteau dans les événements organisés par la FIFA. La procure générale des États-Unis, Loretta Lynch, a ajouté que les pots de vin et la corruption gangrènent l'organisation depuis au moins 24 ans.

En dépit de ces révélations, la FIFA a indiqué que l'élection présidentielle de vendredi ira de l'avant tel que prévu. L'UEFA a cependant demandé en soirée mercredi qu'on remette l'élection présidentielle de la FIFA, sinon elle menace de boycotter le congrès. Sepp Blatter, qui vise un cinquième mandat, ne fait pas partie des personnes visées par les enquêtes.

L'organisation a également écarté la possibilité de recommencer le vote pour l'octroi des Coupes du monde de 2018 et 2022, qui auront lieu en Russie et au Qatar, respectivement. Le ministre du sport russe Vitaly Mutko, qui fait partie du comité exécutif de la FIFA, a d'ailleurs déclaré à l'Associated Press dans une entrevue téléphonique « que nous n'avons rien à cacher ».

Entre-temps, la FIFA a indiqué qu'elle accueillait favorablement les arrestations de certains de ses dirigeants et l'enquête dans l'octroi des Coupes du monde parce que ces gestes démontrent que la corruption est en voie d'être éradiquée du soccer à travers le monde.

Quelques heures après les arrestations, le porte-parole de la FIFA Walter de Gregorio a dit que l'organisation « avait initié le processus » en logeant une plainte aux autorités suisses l'an dernier.

De Gregorio a ajouté que la FIFA est la « partie plaignante » et que les gestes posés par les autorités suisses et américaines « pourraient aider à déloger la racine du mal dans le football ».

Des documents et des renseignements électroniques ont été saisis aux quartiers généraux de la FIFA, à Zurich. Les enquêteurs ont interrogé une dizaine de membres du comité exécutif de la FIFA qui ont pris part au scrutin d'octroi des Coupes du monde en décembre 2010. Neuf d'entre eux sont des élus de la FIFA, tandis que quatre sont responsables de sociétés de marketing et un autre travaille à la télédiffusion. Jack Warner, un ancien vice-président de la FIFA issu de Trinité-et-Tobago, figure parmi ceux qui ont été interrogés.

Le ministère public suisse précise que les poursuites criminelles « font état de fraude et de blanchiment d'argent », remettant en doute la crédibilité du processus électoral.

Blatter devait assister à une réunion de la Confédération africaine de football dans un autre hôtel du centre-ville de Zurich, mais il a annulé sa présence.

Des fraudes totalisant plus de 100 millions $

Plus tôt en journée, mercredi, plusieurs médias ont rapporté que des haut placés de la FIFA avaient été arrêtés dans un luxueux hôtel de Zurich. Les personnes concernées seraient extradées aux États-Unis afin de faire face à des accusations de corruption.

Le Département de la justice américain a indiqué par voie de communiqué que deux vice-présidents actuels de la FIFA figurent parmi les personnes arrêtées - Jeffrey Webb, des îles Caïmans, et Eugenio Figueredo, de l'Uruguay. Les autres sont le Costaricain Eduardo Li, le Nicaraguéen Julio Rocha, le Britannique Costas Takkas, le Venezuélien Rafael Esquivel et le Brésilien Jose Maria Marin.

Les sept hommes sont associés aux organismes qui chapeautent le soccer en Amérique du Nord et du Sud, et pourraient écoper d'une peine pouvant atteindre un maximum de 20 ans d'emprisonnement.

FIFA : « On voit que les choses avancent »

Les allégations font état de fraudes totalisant plus de 100 millions $ qui seraient aussi liées à des ententes commerciales remontant jusqu'aux années 1990 aux États-Unis et en Amérique latine.

Les enquêtes menées en Amérique et en Europe sont distinctes, mais les autorités des deux continents assurent qu'elles travaillent ensemble.

Ces arrestations portent un dur coup à la FIFA, une association multi-milliardaire qui régit le sport le plus populaire de la planète, mais qui a souvent fait l'objet d'allégations de corruption.

Le seul adversaire de Blatter à l'élection présidentielle prévue vendredi, le prince Ali de Jordanie, a déclaré que c'était « un jour triste pour le football ». Il a aussi profité de l'occasion pour faire mousser sa candidature.

« Nous ne pouvons pas continuer avec cette crise à la FIFA, une crise qui se poursuit et qui n'est pas seulement attribuable aux événements d'aujourd'hui, a noté le prince Ali dans un communiqué. La FIFA a besoin de leadership qui régit, guide et protège nos associations nationales... Du leadership qui restaure la confiance des centaines de millions d'amateurs de football à travers le monde. »