Mercredi dernier, un scandale de corruption a éclaté dans le monde du soccer international. En effet, la FIFA est présentement visée par une double enquête à la fois suisse et américaine. Mentionnons que ces deux enquêtes sont coordonnées, mais distinctes. Les allégations qui se trouvent dans ces procédures se rapportent à trois types de crimes : le racket, la fraude électronique et le blanchiment d'argent.

Teneur des enquêtes

D'une part, le Ministère public de la Confédération suisse a ouvert une enquête pour gestion déloyale et blanchiment d'argent autour de l'octroi des Coupes du monde de 2018 et 2022. C'est la première fois que la FIFA est concernée par une enquête au niveau fédéral. L'enquête fait suite à une plainte formulée par la FIFA elle-même après le rapport Garcia transmis aux autorités des poursuites pénales en novembre 2014. Selon cette enquête, certains membres de la FIFA se seraient enrichis illégalement dans le cadre de l'attribution des Coupes en Russie et au Qatar. Essentiellement, les allégations contenues dans cette enquête s'appuient sur des documents bancaires.

D'autre part, la FIFA fait l'objet d'une enquête menée par les autorités américaines. Dans cette seconde enquête, des hauts dirigeants de l'organisation sont soupçonnés d'avoir reçu des pots-de-vin et des commissions occultesde plus de 150 millions $ en échange de droits de distribution télévisuelle, de commandites et de marketing dans le cadre d'un complot de 24 ans visant à truquer le sélection de tournois de soccer internationaux. Par exemple, il est allégué que Jack Warner, l'ancien vice-président de la FIFA, aurait accepté un pot-de-vin de 10 millions $ en Afrique du Sud pour que le pays accueille la Coupe du monde en 2010.

Est-ce que les personnes arrêtées en Suisse seront extradées?

Les accusés visés par l'enquête américaine font l'objet d'une demande d'extradition. En effet, les accusés arrêtés en Suisse doivent physiquement être déplacés vers les États-Unis pour y subir leur procès. Il faut comprendre que les pays sont limités dans l'utilisation de leurs pouvoirs juridiques extraterritoriaux en raison de la notion de compétence.

À cet effet, précisons qu'il existe un traité d'extradition entre les États-Unis et la Suisse, lequel oblige l'extradition dans la mesure où notamment des crimes similaires existent en concomitance dans les deux pays. Notons que les crimes liés au racket, à la fraude électronique et au blanchiment d'argent sont légiférés à la fois par le système juridique suisse et américain.

Cela dit, les accusés ont tout de même la possibilité de consentir à une demande simplifiée d'extradition vers les États-Unis par laquelle l'Office fédéral de la justice pourrait approuver cette requête et l'exécuter sans délai. En fait, le Traité d'extradition la Confédération suisse et les États-Unis d'Amérique prévoit une extradition automatique si certaines conditions sont réunies. 

Toutefois, les accusés peuvent aussi s'y opposer et dans cette optique, l'Office fédéral de la justice demandera aux autorités américaines d'envoyer une demande formelle d'extradition. L'article 13 dudit Traité stipule que la requête d'extradition doit être faite dans un délai de 40 jours. Or, si la demande n'a pas été acheminée dans le délai imparti, l'arrestation provisoire prendra fin et les accusés cesseront d'être détenus pour des fins d'extradition, mais pourront l'être pour les accusations pendantes en Suisse.

Bien entendu, un refus ralentirait la procédure. Les accusés pourraient entre autres refuser sur la base que les accusations sont motivées par la politique plutôt que par la loi en ce que le Traité « refuse d'accorder l'extradition si les actes pour lesquels elle a été demandée constituent une infraction politique ou si la demande paraît être motivée par des considérations d'ordre politique »[1]. À ce titre, les arrestations surviennent en pleine élection présidentielle où Sepp Blatter devrait être réélu pour un cinquième mandat et il pourrait potentiellement être cité telle une motivation politique. Sans oublier que la Fédération américaine de soccer avait vigoureusement cherché à accueillir la Coupe du monde en 2022 et a été agacée lorsque la FIFA a plutôt choisi le Qatar. D'ailleurs, plusieurs pays, dont la Russie, se demandent pourquoi les États-Unis lancent leur propre enquête sur le sujetalors que la Suisse en a une pendante.

De telle sorte que le procès de ces accusés aux États-Unis n'est pas un processus automatique,ni nécessairement rapide. Il pourrait s’écouler des mois, voire des années avant que les accusés ne soient extradés et dans certains cas, ne le seront jamais. Par ailleurs, n'oublions pas que certains des accusés ne sont ni des citoyens suisses, ni américains. En concordance avec leurs pays d'origine, leur extradition pourrait devenir plus compliquée en ce que certains pays ne bénéficient pas forcément de traités d'extradition favorables avec les États-Unis.

Défense

Les avocats de la défense pourraient prétendre que beaucoup de ce qui est décrit dans l'enquête reflète les compétences d'hommes d'affaires avisés et agressifs, et non pas les méfaits de fonctionnaires corrompus. Autrement dit, les accusés pourraient alléguer que ce qui est encadré aux États-Unis comme des conspirations illégales sont plus précisément des activités considérées licites en raison des forces du marché.

Ceci étant, lorsque plusieurs personnes sont accusées dans le même complot, les procureurs de la défense tentent généralement de faire des ententes hors cours avec certains des accusés. Généralement, aux États-Unis, un accusé acceptera de plaider coupable à une infraction moindre ou recommandera une peine plus légère au juge. En échange, celui-ci devra coopérer en acceptant de témoigner contre les autres accusés.

Somme toute, la FIFA prend l'affaire très au sérieux et elle veut faire preuve d'une grande transparence en collaborant aux deux enquêtes.

 



[1] Traité d'extradition la Confédération Suisse et les Etats-Unis d'Amérique, article 3 (1)