MONTRÉAL – Pour sa victoire en finale de la saison 2020 de la Première Ligue Canadienne, le Forge FC de Hamilton devrait peut-être penser envoyer un petit mot de remerciement à Didier Drogba.

Tous ceux qui ont été témoins du but d’assurance de Maxim Tissot dans la victoire de 2-0 du Forge aux dépens des Wanderers de Halifax samedi dernier ont vu la maladresse d’un gardien déjoué par un tir d’une quarantaine de mètres. Christian Oxner, c’est vrai, a mal paru sur la frappe de l’ancien joueur de l’Impact. 

Mais bien humblement, Tissot croit qu’il mérite plus de crédit qu’on veut bien lui en donner pour le jeu qui a couronné sa première saison en CPL.

« Honnêtement c’est un truc que je pratique depuis quelques années. Celui qui m’a montré comment bien frapper ce ballon-là, c’est Didier Drogba », raconte en entrevue celui qui a partagé le vestiaire pendant une saison et demie avec la légende ivoirienne. 

« Quand il faisait ses coups francs, il mettait un effet dans le ballon qu’on dirait qu’on voyait juste à la télé. Je l’ai beaucoup observé, il m’a montré un peu comment le faire aussi. Quand je suis parti de l’Impact, j’ai commencé à le pratiquer un peu pour le fun. Tu peux demander à n’importe quel gars dans le Forge, c’est un truc que je fais peut-être une vingtaine de fois par entraînement. »

Quand il s’est placé pour tirer le coup franc, Tissot a demandé conseil à son coéquipier David Edgar. La 90e minute du match s'écoulait au chrono. Devait-il viser le but? Était-il plus prudent d’envoyer la balle dans un coin pour écouler du temps?

« Il ne m’a pas vraiment donné de réponse, alors j’ai décidé de tirer et voir ce qui allait arriver, répond Tissot. Quand je me suis exécuté, le ballon s’en allait vers le milieu du but et à la dernière seconde, il a comme descendu pour aller vers le poteau. Le positionnement du gardien a l’air mauvais, mais c’est parce que le ballon a tellement bougé dans les airs, et il y avait beaucoup de vent aussi à Charlottetown. Est-ce que j’étais surpris quand ça a rentré? Oui, un peu... mais pas tant que ça! »

La poussée d’adrénaline qui a mené Tissot vers le banc de touche, où l’ont vite enlacé ses coéquipiers, a donné lieu à une belle scène de célébration, un câlin de groupe auquel s’est permis de se greffer l’entraîneur-chef Bobby Smyrniotis. 

« C’est quelque chose qu’il ne fait pas vraiment habituellement. Mais c’est un tir qu’il m’encourageait énormément à faire. Il me dit tout le temps : "Il faut juste que tu le cadres, il peut arriver n’importe quoi après ça". Dans la célébration, il me disait qu’il me l’avait bien dit. C’était un beau moment. »

Dissiper les doutes

Pour Tissot, ce coup de grâce mémorable vient marquer une pause dans une année riche en émotions. Le Gatinois a longtemps été dans l’inconnu après la dissolution du Fury d’Ottawa à la fin de la saison 2019. C’était la deuxième fois en l’espace de deux ans que son équipe fermait les livres et le forçait à se trouver un autre boulot. La recherche a été compliquée, tellement qu’elle l’a fait songer à la retraite. 

« Trois mois jours pour jour avant la finale, je ne savais même pas si j’allais jouer cette année, raconte-t-il. J’ai reçu l’appel de Hamilton autour du 19 juin. C’est fou comment tout a changé vite depuis ce jour-là. Je suis vraiment content d’avoir pu jouer. Parce que je savais que j’étais capable. Je ne comprenais pas trop d’où venaient les doutes de certaines équipes, de certains médias. Du jour au lendemain, c’est comme si je n’étais plus capable de jouer. Mais je savais que j’étais capable et je suis content d’avoir pu le prouver. »

À Hamilton, dans un club qui avait remporté le championnat de la CPL la saison précédente, Tissot a trouvé un environnement propice à l’affranchissement. La présence du capitaine Kyle Bekker, un ancien coéquipier avec l’Impact ainsi qu’en NASL et en équipe nationale, l’a vite rassuré. Mais son intégration dans l’effectif n’a pas été la plus fluide. 

« Quand je suis arrivé là-bas, ils me voyaient plus comme un milieu défensif, explique celui qu’on a connu à Montréal dans les rôles de défenseur latéral et d’ailier. C’est une position que je n’avais jamais joué avant. Il a donc fallu que j’apprenne une nouvelle position en un mois, avant de partir. On n’a pas eu de matchs amicaux, alors je n’ai pas vraiment eu la chance d’essayer ça en matchs. C’était tout un test quand même, mais je l’ai pris positivement. »

À Charlottetown, où la CPL avait établi sa bulle, Tissot a finalement été titularisé dans trois des onze matchs du Forge. Ses entrées comme réservistes l’ont forcé à se déplacer à différents postes, autant de « petites missions » qu’il a acceptées sans broncher. 

« On était vraiment un groupe soudé. Les gars jouaient pour plus que leur nom à eux. J’ai été vraiment content de faire partie de ça. »

Retrouver Toronto 

Tissot aurait bien aimé voir l’Impact remporter son dernier match contre les Whitecaps de Vancouver. Des retrouvailles avec son club formateur auraient constitué le scénario idéal pour celui qui a soulevé deux fois la Coupe des Voyageurs à Montréal. 

Mais un duel contre Toronto n’est jamais banal pour quiconque a grandi dans l’uniforme Bleu-blanc-noir. 

« Comme joueur professionnel, tu ne peux pas ne pas y croire. On sait qu’on ne sera pas les favoris pour ce match-là, mais c’est sûr que ça va être le fun. Surtout qu’on a une équipe qui est quand même jeune. Pour la moitié de l’équipe, c’était la deuxième saison pro. Ça va être le fun pour eux de pouvoir se mesurer à une équipe MLS. C’est toujours le fun aussi de jouer contre Toronto, ça va être un bon test. Je crois que ça va être plus serré que les gens le croient. »

La date de ce match qui donnera accès à l’édition 2021 de la Ligue des champions de la CONCACAF n’est pas encore déterminée. N’en déplaise aux joueurs du Forge, qui auraient bien aimé transporter le momentum de leur récent triomphe dans ce derby ontarien, Tissot ne serait pas surpris qu’ils doivent patienter jusqu’en décembre avant d’y participer. Entre-temps, les champions de la CPL Forge amorceront en octobre leur parcours en CONCACAF League, une autre avenue qui pourrait les mener à la Ligue des champions l’an prochain.