Comme d'autres favoris de l'Euro, l'Angleterre jouera gros mardi contre la République tchèque, où elle ne sera pas jugée que sur une qualification probable en huitièmes de finale de l'Euro, mais aussi sur la manière.

Simultanément, Ecosse et Croatie s'affronteront à Glasgow, un éventuel vainqueur pouvant encore espérer accrocher au moins une des places de meilleur troisième.

Avec quatre points, l'Angleterre est actuellement deuxième du groupe D, derrière son futur adversaire à la seule différence de buts (+1 contre +2).

Un nul entre Anglais et Tchèques suffirait à assurer la qualification des deux équipes.

Mais il priverait les « Three Lions » d'un huitième de finale à Wembley, même si l'adversaire pourrrait être relevé (France, Allemagne ou Portugal).

Signe du trouble profond laissé par le 0-0 insipide contre l'Ecosse vendredi, certaines voix se sont d'ailleurs interrogées ce week-end sur les mérites d'une deuxième place et de son huitième moins relevé, contre le deuxième du groupe E (Espagne, Suède, Pologne et Slovaquie).

Le Tchèques ne calculeront pas, eux, a assuré lundi leur capitaine et milieu de terrain, Vladimir Darida: "personne dans l'équipe ne veut perdre, on veut tous gagner le match, le reste se règlera tout seul".

Mais côté anglais, le désenchantement - encore contenu - est à la mesure de l'enthousiasme qui entourait cette équipe jeune et talentueuse à son entrée dans la compétition.

Toujours en rodage

Avec un groupe de 26 construit autour de Manchester City, champion d'Angleterre et finaliste de la Ligue des champions, Chelsea, vainqueur de la C1, et Manchester United, finaliste de la Ligue Europa, l'Angleterre espérait surfer sur la dynamique positive de ses clubs.

Mais après un début encourageant contre la Croatie (1-0), les doutes sur le système et les hommes ont ressurgi.

La jeunesse de l'effectif - le onze aligné vendredi, âgé de 25 ans et 31 jours en moyenne, était le plus jeune pour l'Angleterre dans une compétition internationale - a parfois été avancé comme explication.

« C'est un groupe relativement inexpérimenté, je crois que c'est le troisième plus faible total de sélections dans le tournoi », avait plaidé Gareth Southgate.

Mais il est surprenant que trois ans après une demi-finale de Coupe du monde, dont huit des onze titulaires sont encore dans le groupe, l'équipe de Southgate semble encore en rodage.

« Contre l'Écosse (...) beaucoup ont vécu une expérience très différente de ce qu'ils ont pu connaître avant », a-t-il asséné, alors qu'ils affrontaient une équipe qui n'avait pas disputé de phase finale majeure depuis 23 ans.

« Nous voulons nous améliorer et c'est ce pour quoi on va travailler avant de jouer la République tchèque », avait encore ajouté le sélectionneur.

Kane reste intouchable

Face à une équipe qu'ils avaient laminée (5-0) à Wembley en éliminatoires, avant de subir leur seul accroc à Prague (2-1) dans un groupe A qu'ils avaient survolé en marquant 37 buts en 8 matches, des changements sont à attendre.

À l'arrière, un retour de Harry Maguire, qui apporterait un supplément de leadership à une équipe qui en manque cruellement, n'est pas à exclure, mais c'est surtout en attaque que se situe le chantier.

Bien que très décevant jusqu'ici, Harry Kane garde son totem d'immunité.

« Il est fondamental non seulement par les buts qu'il marque, mais aussi dans la construction et par tout ce qu'il apporte d'autre. C'est notre joueur le plus important », a affirmé Southgate, balayant tout doute sur la présence de son capitaine, malgré six petits tirs, dont aucun cadré, en deux matches.

Les regards se tournent forcément vers Jack Grealish et Marcus Rashford, peu utilisés jusqu'ici, ou Jadon Sancho, inutilisé, pour prendre la place de Phil Foden et Mason Mount, voire de Raheem Sterling, malgré son but victorieux du premier match.

Southgate est resté muet sur ses choix à venir, reconnaissant juste avoir « des options explosives » dans son groupe.

« Le plus important, c'est que tout le monde se regroupe derrière l'équipe (...) Nous savons que nous avons de très bons joueurs, nous savons qu'ils peuvent jouer mieux qu'ils ne l'ont fait mais il faut les aider à atteindre ce niveau », a-t-il presque imploré.

L'Écosse aura-t-elle la recette?

L'Ecosse ne compte pas de Ballon d'Or mais s'en remettra à « Super John McGinn » contre la Croatie de Luka Modric à Glasgow pour espérer se hisser en huitièmes de finale de l'Euro aux dépens des vice-champions du monde, apparus sur le déclin.

Dans le sillage de la « Tartan Army », le milieu relayeur d'Aston Villa (26 ans) a jusqu'ici plus fait parler par les chants écossais que les buts: l'équipe n'en a toujours inscrit aucun après deux matches.

Pour autant, l'Ecosse peut rêver de passer le premier tour d'un grand tournoi pour la première fois de son histoire: une victoire contre la Croatie suffirait à sceller sa qualification. Soit comme l'un des quatre meilleurs troisièmes, soit directement comme deuxième du groupe D si l'Angleterre est battue simultanément par la République tchèque et que sa différence de but est inférieure à celle de la bande de McGinn.

Raison pour laquelle le nul valeureux contre le voisin anglais vendredi (0-0) a été vécu comme un succès ou presque.

« Ce n'est pas une victoire mais c'est certainement une performance dont nous pouvons être fiers, savourait ce week-end McGinn (10 buts en 35 sélections). Il n'y avait que 2.500 supporters mais nous avons plus que senti leur soutien. »

Retourné acrobatique

En plus de Flower of Scotland et du tube disco « Yes Sir, I Can Boogie », devenu hymne officieux écossais dans cet Euro, les fans se sont époumonés avec un chant dédié à leur no 7: « On a McGinn, Super John McGinn, je ne crois pas que vous compreniez. »

Le natif de Glasgow, dont le grand-père Jack McGinn fut président de la Fédération écossaise, a été le meilleur buteur de l'équipe lors de la campagne de qualification à l'Euro avec sept buts, pas négligeable pour un milieu de terrain.

Et il est actuellement le meilleur réalisateur de la sélection en 2021 avec trois buts dont un de toute beauté contre l'Autriche en mars. Un retourné acrobatique à la 85e minute qui a permis aux siens d'accrocher un nul dans ce match de qualification à la Coupe du monde 2022.

« Cela montre tout le chemin que nous avons parcouru », appréciait alors le meneur passé par St. Mirren et Hibernian. « Nous avons des joueurs de qualité et nous avons juste besoin d'y croire maintenant. »

Mardi contre les Croates, visés par une salve de critiques au pays pour leur inefficacité, ils auront toutes les raisons d'y croire.

« Poulet sans tête »

Certes, McGinn n'affiche pas la même aisance que Luka Modric. « Si vous demandez à tous ceux qui m'ont observé depuis mon plus jeune âge, ils me décriraient au mieux comme rudimentaire, sinon comme un poulet sans tête », reconnaît-il dans un entretien au magazine FourFourTwo.

De son côté, Luka Modric a pour lui cette technique fine et ces ouvertures ciselées qui ont fait de lui, en 2018, le premier Ballon d'Or en 10 ans à briser le duopole Messi-Ronaldo, après avoir gagné la Ligue des champions et atteint la finale du Mondial cette année-là.

Mais « Lukita » est à la peine dans cet Euro, à l'image d'une équipe croate évanescente.

« Nous sommes loin de la façon dont nous jouions avant », a admis Modric après le match nul 1-1 contre la République tchèque lundi.

Sans l'énergie dans l'entrejeu d'Ivan Rakitic et sans le tranchant en attaque de Mario Mandzukic, qui ont tous deux pris leur retraite internationale, la Croatie a paru poussive lors de ses deux premières rencontres.

« Pour l'instant, nous ne sommes pas la Croatie que nous souhaiterions tous », a été obligé de constater Modric, 61 matches au compteur cette saison, entre le Real Madrid et la sélection.

L'Ecosse n'a ni le lustre, ni les noms de la Croatie, mais elle sera poussée à Hampden Park par 12 000 fidèles de la Tartan Army rangés derrière « McGinn, Super John McGinn ». De quoi faire déjouer les vice-champions du monde?