BERLIN - Le football, sport numéro un en Allemagne, reste l'un des derniers domaines où survit le tabou de l'homosexualité, mais ses instances dirigeantes ont lancé la bataille contre les discriminations.

Contrairement aux milieux économiques et politiques, il semble toujours très périlleux de dévoiler son homosexualité dans le monde sportif, particulièrement dans le football. En Allemagne, si le maire de Berlin Klaus Wowereit ou le ministre des Affaires étrangères Guido Westerwelle ont fait leur coming-out, aucun footballeur professionnel n'a franchi le pas.

En septembre 2012, un footballeur de Bundesliga avait ouvert une brèche en révélant qu'il était homosexuel au magazine pour jeunes Fluter, mais il avait conservé son anonymat par crainte de compromettre sa carrière.

Ce témoignage avait ému l'opinion et fait réagir la chancelière Angela Merkel. « N'ayez aucune crainte », avait-elle lancé, en invitant les sportifs homosexuels à ne plus se cacher.

Il a aussi poussé la puissante Fédération allemande de football (DFB) à réagir. Depuis novembre 2012, un groupe d'experts prépare un rapport sur l'homosexualité dans le sport le plus populaire du pays avec ses 6,8 millions de licenciés.

Le texte, imaginé comme un vade-mecum, doit être finalisé en mars. Il "est destiné à tous les clubs allemands, pros ou amateurs, masculins ou féminins, pour qu'ils soient capables d'accompagner au mieux le coming-out d'un joueur", a expliqué à l'AFP le sociologue Günter Pilz, directeur des travaux.

M. Pilz collabore avec d'autres sociologues, des membres de la DFB, un réalisateur, une ancienne footballeuse lesbienne. Ainsi qu'avec Marcus Urban, grand espoir de la RDA qui avait préféré arrêter le haut niveau au début des années 90, à l'orée d'une carrière professionnelle, en raison d'une homosexualité qu'il n'a révélée qu'en novembre 2007 dans l'hebdomadaire Welt am Sonntag.

« La majorité des études établissent qu'il y a entre 5 % et 10 % d'homosexuels dans la société. Alors, qu'il n'y en ait aucun chez les footballeurs professionnels, ce serait inimaginable! Dans mes recherches, rien qu'au sein de l'équipe nationale allemande, il s'est avéré qu'il y avait déjà eu deux homosexuels », a expliqué à l'AFP le journaliste Dirk Leibfried, coauteur du livre Le silence des hommes en 2011.

Le coming-out d'un footballeur pro en Allemagne - déjà accompli par des footballeuses et de rares joueurs amateurs - récompenserait la politique de la DFB entamée sous la présidence de Theo Zwanziger (2006-2012).

Celui-ci s'était pour la première fois risqué à aborder le sujet de l'homophobie en juin 2007, lors d'un congrès de supporters à Leipzig (nord-est). « Si un joueur de football faisait son coming-out, je trouverais cela courageux [...] il aurait le soutien de la Fédération et le mien », a-t-il dit en mars 2011.

Une position qui tranche avec celle du capitaine de la sélection allemande, Philipp Lahm, lequel déconseillait deux mois plus tard tout coming-out : « Un footballeur connu pour son homosexualité s'exposerait à des commentaires injurieux ».

Dans d'autres pays, la situation n'est pas meilleure. L'attaquant international américain Robbie Rogers a récemment divulgué son homosexualité, et l'angoisse d'avoir vécu avec ce secret... Au moment où il annonçait sa retraite sportive à l'âge de 25 ans.

« Autant le football allemand a du retard sur le reste de la société, autant il joue un rôle précurseur par rapport à ce que font les dirigeants de football des autres pays », selon Tatjana Eggeling, membre du groupe de travail de la DFB.

« Dans ce sport très masculin, pour faire bonne figure avec leurs clubs, leurs coéquipiers, leurs agents, leurs commanditaires, (les footballeurs) se sentent obligés de dissimuler leur homosexualité 24 heures sur 24. Ce qui leur demande beaucoup de concentration et nuit à leurs performances sur le terrain », souligne cette sociologue également consultante auprès de joueurs gais dont elle doit tenir secrète l'identité.

En attendant, des supporters de clubs professionnels ont déjà revendiqué leur homosexualité. « Nous sommes le premier groupe de supporters gais et lesbiens d'Allemagne... et peut-être du monde », s'amuse Gerd Eiserbeck, le président des Hertha-Junxx.

Son collectif a été créé en 2001 pour soutenir le club professionnel du Hertha Berlin (D2). Des mouvements similaires ont émergé au Bayern Munich, à Dortmund ou encore à Hambourg. Ils espèrent préparer le terrain au premier coming-out du foot professionnel allemand.