Ligue des champions : Garven-Michée Metusala rêve éveillé à l’Azteca
Soccer mercredi, 23 févr. 2022. 07:32 vendredi, 13 déc. 2024. 16:29MONTRÉAL – Le premier match de Ligue des champions entre le Forge FC de Hamilton et le club mexicain de Cruz Azul n’avait pas encore passé la deuxième minute quand Garven-Michée Metusala s’est dit qu’il n’était jamais trop tôt pour passer un message. Tel la langue d’une grenouille qui a flairé un insecte trop téméraire, le jeune défenseur central a quitté sa position pour aller à la rencontre de l’attaquant Santiago Giménez.
Metusala est arrivé une fraction de seconde en retard au duel. Son adversaire venait à peine de pousser le ballon devant lorsqu’il a étiré la jambe droite pour le faucher à la hauteur du genou. Pendant que l’arbitre Armando Villarreal s’approchait pour l'avertir qu’il l’aurait à l’œil, le jeune Québécois retraitait vers sa ligne sans regret, son arme encore fumante bien rangée dans son étui.
« Ce n’est pas un truc que je fais souvent, mais contre les équipes mexicaines... », répond Metusala, une timide étincelle de fierté dans le regard, en se remémorant la scène.
« Notre entraîneur adjoint a joué en Angleterre et a affronté beaucoup d’équipes comme celle-là. Il nous avait prévenu que même un attaquant, il va sortir les coudes, il va venir avec les crampons, donc il faut s’imposer dès le début. Au premier tacle, que t’aies le ballon ou pas, il faut que tu montres que t’es là. C’est ce qui est arrivé. J’ai vu un challenge et j’y suis allé à 100%. Je n’ai pas eu le ballon, mais au moins j’ai montré à l’attaquant que ça n’allait pas être un match facile, que j’allais être derrière lui tout le match et que s’il essayait de jouer trop sur moi, il allait recevoir quelques petits coups. »
Certains de ses anciens entraîneurs se sont peut-être frotté les yeux d’incrédulité en visionnant la scène. C’est que de son propre aveu, Metusala n’a pas toujours eu en lui cette fibre compétitive nécessaire pour atteindre et survivre au niveau supérieur.
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Entre 2013 et 2016, le produit des Étoiles de l’Est, un club de Laval, a monté les rangs au sein de l’Académie de l’Impact de Montréal. Mais contrairement à de plus ambitieux compagnons, il en est ressorti à l’âge de 16 ans avec la tête pleine de doutes et un avenir incertain.
« C’est une période où physiquement, je n’étais pas prêt encore, explique-t-il avec une belle humilité. J’étais petit, pas costaud, pas grand. Mais aussi, je crois que je n’étais pas encore prêt à ce niveau de compétition. Je voyais encore le foot comme quelque chose d’amical, mais à l’Académie, tout le monde doit faire sa place, chacun veut un spot pour atteindre l’équipe première. Moi je ne le voyais pas comme ça, donc il y avait beaucoup de gars au-dessus de moi. »
Ce n’est qu’une fois sorti de cette structure que Metusala a réalisé que « si je voulais arriver à quelque part, je devais être en compétition avec tout le monde autour de moi ». Il est retourné brièvement aux Étoiles de l’Est, puis s’est aligné au CS St-Hubert dans la Première Ligue de Soccer du Québec (PLSQ). C’est à ce moment, juge-t-il, qu’une épiphanie l’a frappé.
« J’étais jeune, je venais d’avoir 18 ans. Quand j’ai vu que je pouvais être de taille contre des plus vieux, des joueurs qui étaient passés par le pro, quand j’ai vu que je pouvais me démarquer dans une ligue d’hommes, c’est là que j’ai commencé à prendre confiance. J’ai réalisé que je pouvais peut-être viser un plus haut niveau. »
« C’est fou comment ça va vite »
De St-Hubert, Metusala est allé butiner au CS Fabrose et à l’AS Blainville, période durant laquelle il s’est aussi engagé à joindre l’équipe de l’Université Concordia. Mais il n’a jamais joué un seul match avec les Stingers. En 2021, il a été repêché par le Forge en première ronde du repêchage de la Canadian Premier League (CPL) et a joué un total de 31 matchs avec sa nouvelle équipe.
En remportant le championnat de la CPL la saison précédente, le Forge avait mérité sa place dans la Ligue de la CONCACAF, une compétition parallèle à laquelle devaient aussi participer 18 clubs d’Amérique centrale et trois clubs des Caraïbes. À l’enjeu : six billets pour une participation à la Ligue des champions l’année suivante. Hamilton en a décroché un en accédant à la demi-finale grâce à une spectaculaire remontée contre l’AD Santos de Guapiles, un club costaricain.
Et donc, 24 heures après la défaite du CF Montréal aux mains du Club Santos Laguna la semaine dernière, Metusala et ses coéquipiers du Forge, dont les Québécois David Choinière et Aboubacar Sissoko, ont croisé le fer avec Cruz Azul, un club phare de la Liga MX.
« L’an passé, c’était des gros clubs aussi, mais plus au Honduras, au Salvador, au Costa Rica. Là, on parle du Mexique, un gros pays de foot et Cruz Azul est un des gros clubs là-bas. Disons qu’il y a des niveaux et ça c’est du très haut niveau. »
Fortement négligé, le Forge s’est admirablement tiré d’affaire dans la première portion du duel. Il a fallu une action mal calculée du gardien Triston Henry sur un long coup franc pour que les visiteurs quittent le Canada avec une courte victoire de 1-0. Metusala a joué les 90 minutes au centre d’une ligne arrière étanche.
Après la rencontre, on a cogné à la porte du vestiaire du Forge. Le défenseur Luis Abram, en prêt au Cruz Azul du club de La Liga de Granada, voulait rencontrer son vis-à-vis pour un troc de maillots. « On s’était parlé rapidement sur le terrain, je lui avais demandé s’il voulait qu’on échange, mais honnêtement, j’avais complètement oublié! Ça m’a surpris qu’il fasse les premiers pas pour venir me voir. C’est vraiment un bon gars. »
Le meilleur est encore à venir puisque ce jeudi, c’est sur la surface du fameux Estadio Azteca, à Mexico, que les deux rivaux compléteront leur série aller-retour. Metusala était encore dans la grande famille de l’Impact lorsque le Bleu-blanc-noir est allé s’y frotter à Club América lors de la mémorable finale de 2015.
« Juste le fait de pouvoir jouer un match là-bas, ça va être une expérience inoubliable, entrevoit l’athlète de 22 ans. Pour moi, ça montre à quel point le foot, ça va vite. Tu peux être au point A à un certain moment et en clignant des yeux, t’es déjà arrivé ailleurs. C’est juste vraiment fou comment ça va vite. »
Pour le Forge, y renverser la vapeur se dessine comme une mission colossale, voire impossible. Dans son histoire, Cruz Azul montre une fiche de 36-2-6 à domicile en Ligue des champions. Mais les négligés entendent aborder le défi avec la même attitude frondeuse qui fait jusqu’ici leur réputation sur la scène internationale. S’ils en sortent perdants, ça ne sera certainement pas parce qu’ils auront agité le drapeau blanc.
Et si Garven-Michée Metusala avait une autre occasion d’aller rendre visite à un attaquant un peu trop aventureux à son goût?
« C’est sûr que je lui rentre dedans! », promet-il avec un sourire brillant de reconnaissance.