MONTRÉAL – La saison est jeune, s’empresse de rappeler Patrice Bernier quand on lui fait remarquer qu’il ne fait justement pas son âge depuis le début de sa sixième campagne en MLS.

Le capitaine de l’Impact doit trimer dur pour repousser les éloges depuis sa performance de samedi dernier contre New York City FC. Sur la surface contraignante du Yankee Stadium, Bernier a dirigé d’une main de maître le trafic en milieu de terrain. Il a complété 93 % de ses passes, dont celle qui a mené au but égalisateur de Dominic Oduro. Son rendement lui a valu une place au sein du XI étoile de la semaine à l’échelle de la Ligue.

Pas si mal pour un « vieux » de 37 ans qui a déjà annoncé que la saison 2017 serait la dernière de sa carrière.

« Il y a un dicton qui dit que seuls les fous ne changent pas d’idée », répond Bernier en souriant quand on lui demande si son rendement pourrait le forcer à reconsidérer ses plans.

« Ce n’est qu’un match. Il y en a une trentaine d’autres à jouer et je ne veux pas regarder vers la fin parce que si je commence à faire ça, je vais tomber dans la nostalgie. Pour l’instant, je veux juste vivre de belles émotions avec cette équipe et prendre plaisir sur le terrain. Je crois que ça paraît. »

Evan Bush confirme. « J’écoutais Tim Howard l’autre jour qui disait qu’à 37 ans, il ne savait même pas s’il allait être capable de jouer un autre match à 100% de ses capacités, comparait le gardien du Bleu-blanc-noir. C’est le cours normal des choses. Mais Patrice, parce qu’il est plus futé et techniquement plus doué que bien des jeunots dans cette ligue, continue de trouver des façons de se démarquer. C’est ce qui explique comment il peut encore livrer des performances de si haut niveau. »

Reconnu pour son intelligence footballistique, sa vision du jeu et sa patience en milieu de terrain, Bernier a démontré à New York qu’il avait encore les aptitudes physiques pour complémenter l’aspect plus cérébral de son jeu. En début de deuxième demie, il s’est payé le luxe, pour dégager le devant de la surface montréalaise, de berner Andrea Pirlo en lui passant le ballon par-dessus la tête en pivotant, ce que les érudits de soccer appellent un coup du sombrero. L’internet s’est rapidement emparé de la séquence pour la rendre virale.

« Je ne savais même pas que c’était [Pirlo], jurait Bernier mardi. Tout s’est fait rapidement et c’est seulement après le match que mes coéquipiers m’ont dit que c’était lui. Ensuite, les réseaux sociaux ont fait le reste du travail! C’est sûr que je vais garder ça dans ma poche pour la fin de ma carrière. Je pourrai dire que j’aurai été capable de dribbler et faire un petit geste technique contre une légende du soccer. »

À peine cinq minutes plus tard, Bernier interceptait une tentative de relance en territoire new-yorkais et repérait instantanément Oduro qui rôdait près du filet adverse. Sa passe lobée fut d’une précision exquise et a mis la table pour le but qui a éventuellement permis à l’Impact de récolter un important point au classement.

« Depuis le début du match, ça faisait déjà quelques fois que je remarquais que l’espace était là. Dom était là, dos au but. Suffisait de le mettre en position pour marquer. Il faut lui donner le crédit parce qu’il fait un bon contrôle de la poitrine et c’est lui qui finit le travail. Comme je l’ai souvent dit, ça prend une bonne finition pour qu’une passe reçoive le respect qui lui revient. S’il n’y a pas de but, on ne parle pas de la passe! »

Bernier revendique trois passes décisives depuis le début de la saison. Après la troisième semaine d’activité dans la MLS, son nom apparaît tout en haut du classement des meilleurs distributeurs du circuit.

La position lui est familière. Le Brossardois avait flirté avec l’élite en 2012 et en 2013 avant de finir chaque saison avec huit passes décisives. On peut déjà dire qu’il est en bonne position pour améliorer cette marque personnelle.

« Avant tout, je préférerais avoir eu trois points pour une victoire, mais c’est vrai que d’un côté personnel, ça démontre que ça va bien. C’est la première fois en trois ans que je peux enchaîner après une présaison sans anicroche. C’est ce qui permet ce genre de résultat. »

Du bleu au rouge?

Les performances de Bernier surviennent au moment où l’équipe nationale canadienne a procédé à l’embauche de son nouveau sélectionneur. Octavio Zambrano, un Équatorien de 59 ans, s’est vu confier les rênes de la sélection la semaine dernière. Il succède à Michael Findlay, qui assurait l’intérim depuis le congédiement de Benito Floro en septembre dernier.

Depuis 2003, Bernier a été convoqué pour 53 matchs sur la scène internationale, mais son pays l’a ignoré au cours des deux dernières années. Sans rancune, le numéro 8 de l’Impact accepterait certainement l’invitation de Zambrano si elle devait venir, mais à certaines conditions.

« L’équipe canadienne, je n’ai jamais fermé la porte, mais je crois qu’ils sont déjà passés à l’étape de la jeunesse. Une chose est sûre, si j’y vais, ce n’est pas pour être sur le banc. Je vais là pour apporter quelque chose directement. Alors on verra. Si le téléphone sonne, ça sera quelque chose à discuter. »

Bernier ne connaît pas le nouvel homme de confiance de Soccer Canada. Eric Kronberg, qui l’a connu comme entraîneur-adjoint à Kansas City, lui en a parlé un peu. Sinon, il a entendu la même chose que tout le monde par le truchement des médias. Ce qu’il a entendu lui a plu.

« Au Canada, il y a un complexe d’infériorité très flagrant mais déjà, il semble au moins se poser les bonnes questions. Ça ne sera pas évident, il a beaucoup de pain sur la planche, mais il a du temps devant lui et des bons jeunes joueurs à sa disposition. J’espère juste qu’on va lui donner le temps de travailler pour bâtir une équipe compétitive qui décroche des résultats. »