C'était la première fois de ma carrière que j'héritais de deux cartons jaunes dans un match. Une fois en Allemagne, j'avais écopé d'un carton rouge direct, mais comme j'ai vécu samedi dernier à Philadelphie, jamais.

Je vais vous expliquer les étapes émotives que vit un joueur de soccer qui se fait chasser d'une partie. À tout le moins, comme je les ai vécues.

Quand tu es expulsé, tu ressens dans les secondes qui suivent une injustice, car tu te demandes si tu méritais bien ce deuxième jaune et si l'arbitre aurait pu être un peu plus tolérant.

Par la suite, tu ressens la culpabilité de laisser ton équipe en infériorité numérique avec une égalité de 1-1. Tu sens que tu n'as plus de contrôle sur la suite du match, que tu n'es plus un acteur, mais un simple spectateur. La culpabilité s'amplifie quand tu te questionnes à savoir si tu as bien fait de réaliser un tacle, moi qui ne tacle pas souvent. Dans ton esprit, tu revois les images de tes actions et la frustration se transforme en colère.

Je ne vous cacherai pas qu'à mon entrée dans le vestiaire, il y a des choses qui ont volé sous l'effet d'un coup de pied. Je criais contre moi-même, je m'en voulais parce que je sentais que je venais d'abandonner mes coéquipiers et que je nuisais aux chances de mon club de gagner. On jouait à l'extérieur et je ne voulais surtout pas que mon carton rouge soit encore plus lourd à porter.

Écoper d'un carton rouge entraîne aussi une forme d'humiliation. Le préposé à notre vestiaire m'a demandé si je voulais regarder la partie à la télévision en me signalant que nous étions en avance 2-1. Ça voulait dire que j'avais manqué le but de Jack McInerney et j'ajouterais que la colère et la frustration se sont un peu transformées parce que je savais qu'on avait quand même des chances de gagner. Cette avance n'effaçait pas le carton rouge, mais ça m'enlevait un peu de pression. Si on avait gagné, le carton rouge n'aurait finalement eu aucune incidence sur l'issue de la rencontre.

J'étais vraiment content de savoir mon équipe en avance même avec un joueur en moins. Quand le pointage est venu 2-2, j'étais un peu sur les nerfs parce qu'il était important qu'on récolte au moins un point sur la route. Dans ma tête, les images de la saison 2012 me revenaient en boucle alors que nous avions laissé filer une avance de 2-1 pour perdre 3-2 dans les dernières minutes.

Bernier écope d'un carton rouge

Au sifflet final, j'ai ressenti un certain soulagement et de la frustration à savoir que je serais suspendu pour le match suivant. Au moins, on rentrait à la maison avec un point dans les bagages.

Je ne veux pas me prononcer à savoir si les cartons étaient justifiés. J'imagine que l'arbitre peut facilement les justifier lui. Disons que j'aurais pu éviter de faire un tacle sur l'action qui a mené à mon deuxième carton. Je tacle rarement et je ne veux pas commenter si c'était mérité, mais disons que j'ai ouvert la porte à l'arbitre. Dans le feu de l'action, il y a une fraction de seconde où il te passe à l'esprit que ton action pourrait entraîner un deuxième carton et c'est arrivé.

Je ne peux pas justifier ce qui est arrivé. Sur le moment, tout joueur sanctionné ne croit pas que son geste méritait un carton, mais j'aurais pu éviter de me placer dans cette situation. Le rouge passe un peu mieux étant donné que nous avons récolté un point.

Du mauvais temps

La rencontre face au Union samedi dernier s'est jouée dans des conditions difficiles. Je dois dire que ce n'est pas arrivé souvent depuis quatre ans de jouer sous un temps si peu radieux. Au soccer, on joue malgré les intempéries et même si ce n'était pas idéal, on a tenu bon pour récolter un précieux point au classement.

On a démontré du caractère en revenant dans la partie après avoir concédé le premier but assez rapidement. La grande majorité du temps, on ne parvenait pas à revenir de l'arrière. Je pense que nous avons dominé la première demie au niveau de la possession du ballon et du contrôle du match en général. Avec un peu de chance, on aurait pu gagner.

Les choses s'améliorent sur les pelouses ennemies. On a obtenu trois points à Columbus il y a un mois et cette fois, on a récolté un point à Philadelphie où nous n'avons pas été dominés par l'Union. Nous étions dans un état d'esprit où l'on se sentait dans la partie et où l'on avait le sentiment qu'on pouvait gagner cette rencontre. Ça veut dire qu'on joue moins craintif et que l'on sait que nous sommes capables d'aller arracher des points sur la route.

Il y a plusieurs points positifs qui ressortent de cette partie à Philadelphie. On a peut-être trouvé la recette pour gagner à l'étranger.

Je dirais que nous sommes dans une bonne position au classement avec nos matchs en main à disputer. Sur papier, c'est un avantage sur les autres clubs, mais ça demeure un point d'interrogation parce qu'il faut les gagner ces matchs. Pour l'instant, tout le monde se dit « si on gagne », mais ça demeure toujours des « si ». Ce sera à nous à concrétiser les « si » en points au classement. Dans le mois qui vient, on disputera trois de nos quatre prochains matchs au Stade Saputo et deux des parties seront jouées contre des formations près de nous au classement. À nous d'en profiter.

Samedi, l'équipe d'expansion NYCFC sera en ville et je peux vous garantir qu'aucun de mes coéquipiers n'a oublié la gênante défaite de 3-1 encaissée au Yankee Stadium le mois dernier. C'est un match à oublier pour nous. Cette fois, nous sommes à la maison et nous allons démontrer nos qualités. New York va vite constater que le dernier match était une erreur de parcours.

NYCFC mise sur le joueur vedette David Villa, que l'on connaît. Il faudra l'avoir à l'oeil parce qu'il peut faire la différence. Il nous a fait mal au dernier match et on ne veut pas qu'il répète. Si on domine à la maison comme lors des dernières parties, on peut éliminer le facteur David Villa.

Au cours des prochaines semaines, cette équipe va présenter un visage différent avec les acquisitions de Frank Lampard et Andrea Pirlo, mais même si ce sont des joueurs vedettes sur la planète foot, mon expérience me dit qu'ils auront besoin d'une période d'adaptation comme ce fut le cas avec Marco Di Vaio avec l'Impact.

*Propos recueillis par Robert Latendresse