MONTRÉAL – On l’avait déjà compris par les grimaces de plus en plus fréquentes et la démarche affaiblie par l’acharnement de ses adversaires. Vendredi, Didier Drogba a verbalisé ce que son corps criait à quiconque l’observait jouer.

Les derniers mois n’ont pas été de tout repos pour l’attaquant vedette de l’Impact et l’accalmie que lui offrira l’entre-saison lui fera le plus grand bien.

« Physiquement, ça a été une saison quand même assez difficile, parce que je n’avais pas la base », a-t-il rappelé lors de son bilan de fin de saison.

« Je n’oublierai pas cette saison »

« Il faut savoir que quand je suis arrivé, ça faisait deux mois que j’avais fait zéro entraînement. J’ai repris au bout de sept ou dix jours et ça n’a pas été facile. C’était un nouveau championnat. Je sortais d’une saison à Chelsea qui avait été assez longue, j’avais eu des vacances et une intervention au bras. Donc ça a été un peu pesant. »

Dès son arrivée, Drogba a été embêté par une blessure à un pied qui a limité son implication. L’Ivoirien a aussi révélé avoir subi une blessure dans l’un des deux matchs de fin d’année contre le Toronto FC.

« J’ai pris une semelle au niveau du tendon et ça m’a pas mal gêné sur la fin. C’est quand même dommage parce que je pense qu’avec plus de fraîcheur, les choses auraient peut-être été différentes », regrettait Drogba, écarté de la feuille de pointage dans les deux derniers matchs de la saison.

Les joueurs du Crew de Columbus, le club qui a éliminé l’Impact en demi-finale de l’Est, s’étaient visiblement donné le mot. Si Drogba intimidait par sa simple présence à son arrivée en Amérique, il n’a bénéficié d’aucun traitement de faveur en séries. Le défenseur Gaston Sauro, en particulier, s’est mis sur son cas.

Immédiatement après l’élimination, Drogba avait censuré ses commentaires de peur d’en dire trop. Il avait dit ne pas vouloir se « présenter en victime », tout en laissant transparaître son mécontentement envers l’arbitrage en MLS. Vendredi, il a accepté de partager davantage sa pensée.

« C'est un grand moment pour moi »

« Sans manquer de respect aux femmes, je dis toujours que le football, c’est un sport d’hommes. Mais il doit y avoir certaines limites. Ce n’est pas parce que tu mesures deux mètres qu’on a le droit de te cogner dans tous les sens. […] Je pense qu’une faute, c’est une faute. Un geste agressif est un geste agressif. Malheureusement, ça n’a pas trop été le cas sur moi. Je pense être devenu un peu le challenge de certains défenseurs. »

« C’est difficile pour moi d’en parler, je ne veux pas dire quoi que ce soit qui pourrait nuire au club. Mais c’était un peu frustrant pour moi par moments », a plus tard ajouté Drogba en anglais.

L’ancien international ivoirien et grande vedette de Chelsea, en première division anglaise, est d’avis que la MLS est en train de progresser, mais qu’elle n’est pas encore au niveau des circuits, même secondaires, d’Europe.

« Selon les échos que j’ai eus de joueurs qui y sont passés avant comme Thierry Henry, à qui je parle beaucoup, je pense que c’est un championnat qui va, d’année en année, être plus difficile à remporter. Mais pour que la MLS arrive au statut du championnat d’Angleterre, d’Espagne ou même de Turquie, il y a encore des choses à faire. Je me répète, mais faire six heures d’avion à deux jours du match, arriver fatigué et dans des conditions qui ne sont pas idéales… Je pense qu’avec les moyens que la Ligue a, elle peut améliorer ça très rapidement et très facilement. Et là, on aurait un vrai championnat avec le vrai niveau des équipes. »

Ces malencontreuses découvertes n’ont toutefois pas découragé le joueur désigné, qui entend respecter ses engagements en vue de la saison 2016.

« J’ai signé un contrat pour un an et demi et j’ai toujours aimé respecter ce que je signe. Mais au football, on ne sait jamais! Quand j’étais à Marseille, j’ai signé une prolongation de contrat au dernier match de la saison et un mois plus tard, j’étais parti! Mais présentement je suis ici et je veux rester ici. »

Drogba profitera des prochains mois pour prendre des vacances en famille et faire un détour vers Londres pour assister à quelques matchs de son ancienne équipe. Il dit ne pas être fermé à l’idée de s’affilier à un club en attendant le début de la prochaine saison en MLS, mais seulement dans un rôle limité.

« Pour garder la forme, pourquoi pas? Pour jouer, je ne suis vraiment pas chaud. J’ai besoin de bien me reposer et d’être prêt pour cette ligue. »

« Tout seul, c’est impossible »

Incluant les séries éliminatoires, Drogba a marqué 12 buts en 14 matchs avec le maillot de l’Impact. À partir du soir où il a réussi un tour du chapeau pour battre presque à lui seul le Fire de Chicago, Montréal a remporté neuf matchs.

Il avait insisté pour dire qu’il n’arrivait pas ici en sauveur. Mais sauver la saison de l’Impact, c’est précisément ce qu’il a fait.

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« Vous avez l’impression que je suis un sauveur, mais si vous regardez bien, chaque joueur de son équipe a haussé son niveau de jeu durant cette période, a-t-il décidé d’offrir comme perspective. Pour moi, c’était ça l’objectif : être capable de tirer le groupe vers le haut. Parce que tout seul, c’est impossible. »

Drogba a ainsi tenu à rendre hommage à Mauro Biello, dont la promotion au poste d’entraîneur-chef par intérim a coïncidé avec son arrivée.

« Mauro sous-estime un peu le travail qu’il a accompli. S’il a eu ce genre de résultat, il ne le doit qu’à lui-même et à sa capacité à s’adapter au groupe. C’est tout à son honneur et il n’y a que lui qui doit recevoir le mérite. Je suis très content de bosser avec lui, d’avoir Mauro comme leader de cette équipe. »

Arrivé dans un climat un peu malsain qui a mené au congédiement de l’entraîneur qui l’a accueilli, Drogba fait aujourd’hui partie d’un club qui caresse de grandes ambitions.

« Je pense que plusieurs au sein même de l’équipe ne s’attendaient pas à ça », a-t-il observé.

« On a prouvé qu’on pouvait être l’une des meilleures équipes de cette ligue et l’an prochain, on sera prêt. »