Didier Drogba a confirmé l'immensité de son talent en marquant trois buts la semaine dernière dans un gain de 4-3 sur le Fire de Chicago. Les attentes étaient grandes à son sujet et il y avait des sceptiques dans la salle. À la fin de la journée samedi dernier, il avait touché la cible trois fois et il avait aidé le club à gagner. En MLS, on veut que les joueurs désignés, qui arrivent avec leur prestige, fassent la différence surtout dans les parties serrées.

Didier possède des qualités individuelles que d'autres n’ont pas. Dès ses premières foulées à l'entraînement, on voyait qu'il était dans une classe à part. Il est une coche au-dessus des autres et il comprend le jeu plus rapidement. On voit qu'il a joué à un niveau plus haut. C'est un peu comme lors du passage de Marco Di Vaio avec l'Impact. Les deux ne sont pas identiques parce que Didier a des composantes physiques plus imposantes, mais quand Marco s'est joint à nous, on pouvait observer ses déplacements et sa volonté d'aller au filet. Les deux joueurs sont dans la même gamme.

Vous avez pu voir la grandeur de son art sur son premier but et comment il a pu récupérer un ballon aérien avant de toucher la cible. Le défenseur adverse a eu l'air d'un amateur sur la séquence. On voit qu'il va apporter quelque chose de nouveau à notre offensive parce qu'il va gagner la majorité de ses duels aériens et les centres. Il va pouvoir apaiser la souffrance défensive quand on va vouloir s'en sortir.

Avec lui, on sera beaucoup plus menaçant avec les centres comme on l'a vu sur son premier but. Je suis heureux qu'il ait marqué dès son premier départ parce que c'est bon pour la confiance de l'équipe et pour la sienne.

On a vu qu'il est capable de maintenir le ballon et il attire les fautes. En deuxième demie de la partie contre le Chicago, Didier doit avoir provoqué au moins cinq fautes. Dans les duels physiques, les défenseurs étaient peut-être plus dominants face à notre type d'attaquants auparavant, mais Didier gagne les duels et attire des fautes. Ça permet à l'équipe de souffler et d'être en bonne position. Et même quand il n'attire pas les fautes, il permet à ses coéquipiers derrière lui de récupérer parce que l'on sait qu'il va garder le ballon.

Les gars savent que si on donne le ballon à Didier, il ne va pas le perdre. C'est un aspect important au niveau de la confiance. Il permet aux autres joueurs de se dégager. De plus, nous avons profité de plusieurs coups francs près de la surface de réparation. À un certain degré, il rend les joueurs meilleurs, car ils gagnent en confiance. Il ne craint pas non plus de guider ses coéquipiers quand il a la balle au pied.

Je suis vétéran dans cette équipe avec d'autres coéquipiers, mais Didier jouit avec raison d'un autre statut. Il est un joueur qui s'est imposé à l'échelle mondiale. Sa présence à elle seule impose le respect. On voit qu'il a pris Anthony Jackson-Hamel sous son aile en dialoguant avec lui en détail sur ses fonctions d'attaquant. Son langage corporel démontre qu'il est vraiment à l'écoute de Didier et ça fonctionne, car Anthony semble gagner en confiance. Au niveau du groupe, c'est la même chose. Quand Didier parle, tout le monde écoute.

Didier ne fait pas que se soucier d'être à l'avant et de marquer des buts, il essaie de faire en sorte que l'équipe soit bien. C'est bon pour moi et les autres vétérans du club de miser sur une autre voix dans le vestiaire, une voix plus portante. Il apporte une autre dimension. Il ne parle pas souvent, mais il sait quand le faire. Je pense qu'il a déjà prouvé qu'il n'était pas ici pour profiter d'une préretraite. Il est ici pour apporter à l'équipe et la faire gagner. Il veut poursuivre dans la même ligne de ce qu'il a accompli depuis le début de sa carrière.

Didier Drogba est le joueur possédant la plus grande renommée avec lequel j'ai joué. Je ne veux rien enlever à Alessandro Nesta qui a été aussi mon coéquipier. Il a remporté des coupes du monde et on peut lancer un débat sur la renommée des deux hommes, mais au niveau planétaire, Drogba est dans la même ligne que David Beckham et Thierry Henry. Il est un joueur qui sort du cadre du soccer, il est plus grand que ça. On sait ce qu'il a fait pour aider au cessez-le-feu en Côte d'Ivoire son pays et ce qu'il fait pour l'ONU. Il n'y a pas beaucoup d'athlètes comme ceux que j'ai nommés qui ont ce statut.

Didier est charismatique et il est connu à travers le monde. Ses trois buts contre le Fire ont trouvé écho ailleurs dans le monde. On en a parlé en Angleterre, en France et en Côte d'Ivoire notamment. Quand il fait quelque chose, on n'en parle pas qu'à Montréal. Sa présence apporte une renommée à l'équipe et à la ligue.

Rien n'est parfait

Les amateurs ont eu droit au spectacle de Didier samedi dernier, mais il ne faut pas oublier que nous avons accordé trois buts à Chicago. Je sais que les partisans aiment les matchs qui se terminent 4-3 parce que c'est enlevant, mais je suis persuadé que pour l'entraîneur Mauro Biello, ce n'était pas ce genre de match qu'il recherchait.

Ça apporte des sensations ambivalentes, car d'un coup, les gars vivent une certaine euphorie de marquer un but, mais ça tombe vite à plat quand on laisse l'adversaire répliquer rapidement. Je pense qu'on doit être plus fort mentalement et en structure défensive. C'est étrange à dire, mais c'est quand une équipe compte un but qu'elle est le plus susceptible d'en encaisser un parce qu'on a une impression de confort et on relâche la garde. Un gendre de laisser-aller inconscient.

Mauro, avec raison, a mentionné qu'il fallait être plus fort mentalement. Quand on prend l'avance, il faut arriver à la garder et éviter de tomber dans un combat coup pour coup.

Une nouvelle façon de voir les choses

Comme dans n'importe quelle équipe sportive, un changement d'entraîneur amène un nouveau stimulus. Ce que j'aime de Mauro, c'est sa passion pour le soccer et il la démontre chaque jour. C'est une énergie qu'il veut insuffler à l'équipe pour qu'elle conserve sa motivation. Les joueurs ne demandent pas mieux de se nourrir de cette passion.

On sent sa passion dans sa façon d'aborder les joueurs et dans son dialogue. À chaque entraînement, il y a plus d'intensité et les gars sont plus sollicités en espérant que cette énergie se transporte dans les matchs. C'est évident que l'Impact ne sera pas modelé à son image après deux parties, mais c'est sur la bonne voie.

Mauro est maintenant le chef et il veut que l'équipe adhère à sa philosophie, à ses valeurs et à ses principes. Il cherche à transmettre ses valeurs au club et je dirais qu'à ce niveau, c'est différent. Il avait peut-être remarqué que le groupe avait besoin d'un peu de positivisme. Ce qui arrive est le résultat de son énergie et de son positivisme. Il exprime ce qu'il recherche et il exprime aussi ce qu'il note de négatif.

Mauro a sa chance et on veut qu'il profite de cette chance le plus longtemps possible. Il veut saisir l'opportunité qui se présente à lui. Il a dix matchs pour le prouver et si les choses vont bien, ça va plaider en sa faveur.

Je vise un retour la semaine prochaine

Je poursuis ma remise en forme et j'espère être disponible pour la partie de la semaine prochaine. Depuis deux jours, je suis sur le terrain pour tester mes changements de direction. On évalue la progression sur une base quotidienne, mais je sens que ça va bien. Chaque jour sans douleur est une victoire dans l'espoir de m'entraîner avec le club la semaine prochaine.

Pendant que mes coéquipiers sont à Los Angeles en prévision de la partie contre le Galaxy, je suis resté à Montréal pour poursuivre les traitements spécifiques pour soigner cette blessure que je traine depuis un certain temps. Je trainais cette douleur depuis longtemps. Je jouais malgré la douleur et rien ne me permettait de croire que les choses allaient empirer au point que ça devienne une blessure.

*propos recueillis par Robert Latendresse