Le froid de canard qui frappe Montréal cette semaine nous fait tous un peu rêver à l’arrivée du printemps. Signe qu’on en n’a plus pour très longtemps à geler dès qu’on met le bout du nez dehors, le camp préparatoire en vue de la deuxième saison de l’Impact en MLS est en branle depuis lundi.

Pour moi, ce retour au travail signifie la fin d’une période d’inactivité inhabituellement longue. Quand j’évoluais en Europe, je revenais au Québec pour trois ou quatre semaines une fois la saison terminée, après quoi c’était déjà le temps de retraverser l’Atlantique pour reprendre le collier. Mais en MLS, la saison morte se prolonge pendant deux mois alors cet hiver, je vous avoue avoir ressenti un certain vide après quelques semaines de congé!

Je suis habitué de m’entraîner et de rester dans un mode compétitif pendant toute l’année, alors je me suis maintenu en forme en jouant au hockey. Ça faisait très longtemps que je n’avais pas joué, mais ça m’a permis de garder l’esprit connecté avec le sport. Toutefois, je dois avouer que depuis le jour de l’An, j’ai des fourmis dans les jambes et j’attendais impatiemment le jour où je serais convoqué au complexe d’entraînement pour retourner aux choses sérieuses.




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Une semaine avant le jour J, je suis allé m’entraîner avec les jeunes de l’Académie, notre équipe des moins de 21 ans. Ça faisait tellement que je n’avais pas touché à un ballon, je voulais m’assurer d’avoir retrouvé mes sensations avant de sauter sur le terrain avec mes coéquipiers.

Le retour au travail s’est bien déroulé. Lors de la première journée d’un camp, le personnel technique et médical s’assurent de nous accueillir de façon progressive. On remet tranquillement les jambes en marche en n’en demandant pas trop à notre corps, surtout qu’on s’entraîne présentement sur une surface artificielle. On reprend contact avec les amis et on renoue avec le métier qui est pour nous tous une passion.

Le lendemain, on a commencé à pousser beaucoup plus au niveau de la capacité cardiovasculaire et à former la fondation qui va nous aider à maintenir la forme.

Après un si long temps d’arrêt, le retour à Montréal n’a pas dû être facile pour tout le monde. J’ai la chance d’évoluer dans ma cour arrière, mais pour la plupart de mes amis, le début du camp signifie une séparation avec la famille et les amis. C’est déchirant, mais de ce que je peux voir jusqu’à maintenant, tout le monde semble avoir la tête au soccer et être prêt à remettre l’épaule à la roue.

Le noyau de l’équipe sera sensiblement le même chez l’Impact en 2013, mais il y a quand même un changement majeur dans l’entourage de l’équipe cette année. Si vous n’étiez pas déjà au courant, sachez que c’est le Suisse Marco Schällibaum qui a remplacé Jesse Marsch au poste d’entraîneur. La présence d’un nouveau chef d’orchestre rend donc la dynamique particulière en ce sens que même si l’effectif du club n’a pas subi de modifications majeures, il y a chez chaque joueur une certaine volonté de faire ses preuves de nouveau.

Le nouveau coach n’est pas totalement étranger aux joueurs qu’il a sous la main. D’après ce que j’ai entendu, il a vu certains de nos matchs d’après-saison en Italie et a visionné quelques bandes vidéos, mais tout ça n’a pas le même impact que le regard qu’il peut poser sur nous chaque jour à l’entraînement. Alors même si je ne qualifierais pas la situation d’un retour à zéro, tout le monde est conscient qu’il doive se battre pour démontrer ce qu’il a dans le ventre.

Jusqu’à maintenant, ça se passe assez bien. L’entraîneur réalise que le groupe qu’il a sous la main a beaucoup de potentiel et en même temps, il commence à implanter sa vision. Une circulation plus rapide du ballon au niveau des lignes du milieu de terrain et une distribution plus fluide sont les premiers rudiments qu’il nous a relayés.

Les principes que Marco Schällibaum souhaite instaurer ressemblent beaucoup à ce qui m’a été inculqué lors de mes années au Danemark : du jeu offensif rapide basé sur le contrôle du ballon « à la barcelonaise », si on peut dire. Pour moi, ça signifie un retour à ce que je connais, alors ça me remet dans le bain et me stimule encore plus.

Schällibaum est un bon communicateur et un homme très charismatique. Il est sans l’ombre d’un doute la figure d’autorité, mais il sait comment obtenir l’effet recherché sans crier. Il demande et on applique, tout simplement. Nos entraînements sont très dynamiques et tous les joueurs sont alertes et à l’écoute des consignes.

Les liens se tissent lentement, mais sûrement. On sent qu’il apporte quelque chose, que sous ses ordres l’équipe pourra progresser, mais aussi que chaque joueur pourra grandir individuellement.

Deux cultures, deux styles de jeu

Quand la direction de l’Impact a annoncé l’identité du candidat qui avait été retenu pour prendre la barre de l’équipe, plusieurs personnes ont fait l’association suivante : dirigé par un européen, le onze montréalais allait désormais embrasser un style de jeu à l’européenne.

Mais qu’est-ce qui différencie au juste le soccer européen de celui qu’on peut voir en Amérique du Nord? Je vais tenter de vous l’expliquer.

En Amérique du Nord, on donne plus de liberté aux joueurs en espérant qu’ils fassent eux-mêmes la différence. On le voit régulièrement dans le monde du sport : on espère qu’un individu plus fort guide le reste du troupeau. En Europe, tout est davantage basé sur des systèmes de jeu en fonction du groupe, du collectif. On joue de façon plus posée, plus tactique.

En Amérique du Nord, on connaît les schémas, mais on s’en formalise peu et le jeu est davantage nord-sud. En Europe, on se déploie aussi beaucoup sur un axe est-ouest. Je ne dis pas qu’une option est plus intelligente que l’autre. Ce sont tout simplement deux façons différentes de voir les choses.

Sur le Vieux Continent, on a tendance à concéder le ballon à l’équipe adverse lorsqu’elle est reculée dans sa propre zone, mais on se tient proche, plus regroupé. Les équipes s’attendent et parfois, tu dois te déplacer à gauche et à droite avant d’aller vers l’avant. Ici, on a tendance à faire de l’échec-avant plus profondément et à vouloir forcer l’adversaire à commettre des erreurs. Ça donne du jeu beaucoup plus direct.

Tout le monde veut allouer jouer en Europe et l’exécution, surtout dans les plus gros championnats, y est souvent meilleure. Les joueurs sont forcés d’agir plus vite puisque les espaces sont plus restreints.

On peut établir un parallèle inversé avec le hockey. En Europe, les patinoires sont plus grandes et les joueurs bénéficient de plus de temps avec la rondelle pour construire les jeux. Ici, la surface de jeu est plus petite, le jeu est plus rapide et les schémas tactiques sont plus sophistiqués. Tu dois donc exécuter plus rapidement quand tu arrives dans la Ligue nationale.

Ceci dit, toutes ces conversations relatives aux cultures nord-américaine et européenne demeurent un gros cliché. En bout de ligne, un entraîneur va stimuler les joueurs qu’il a sous la main et maximiser leur apport à sa façon. L’an dernier, par exemple, on a été très bon au niveau de la circulation de jeu; passes courtes, beaucoup de mouvement, jeu en possession. Mais beaucoup de choses passaient par le milieu et quand les équipes adverses ont découvert nos points forts, on a eu de la misère à trouver d’autres solutions.

Alors ce n’est pas nécessairement le style européen nous rendra meilleur, mais plutôt la capacité de l’entraîneur à nous ouvrir plus d’options pour éviter qu’on soit une équipe prévisible.

En Marco Schällibaum, la direction de l’équipe a amené un coach qui, on le pense, va jumeler les deux cultures pour faire de nous une équipe à l’image de Montréal.

Nos performances répondront aux sceptiques

L’embauche d’un homme peu connu en provenance d’un championnat peu relevé, pour une durée garantie d’une seule année de surcroit, a fait jaser à Montréal. Sceptiques et pessimistes ne se sont pas retenus pour critiquer cette décision en prêtant toutes sortes de mauvaises intentions à Joey Saputo et Nick De Santis.

Vous savez, plusieurs personnes ne savent pas ce qui se passe à l’interne dans une équipe sportive. Même moi je ne sais pas ce que les gens en haut pensent la plupart du temps. Nos patrons ont nommé un désigné un entraîneur qui, croient-ils, possède les compétences pour nous amener vers nos objectifs. C’est tout ce qui m’importe.

On sait que le sport est aujourd’hui une business et que les choses peuvent changer très vite. Schällibaum a décidé de venir à Montréal en étant tout à fait conscient de sa situation contractuelle particulière. Pour moi, ça démontre qu’il est prêt à relever le défi. Il y aura toujours des gens qui se concentreront sur le négatif d’une situation, mais ultimement, nos performances sur le terrain feront foi de tout. C’est là que toutes les questions trouveront leurs réponses.

Plus de profondeur

Comme je le mentionnais précédemment, la plupart des visages sont familiers au camp d’entraînement. Le changement le plus important est l’arrivée de l’Italien Andrea Pisanu, un bon ami de Marco Di Vaio. Andrea a pris part à un essai lorsqu’on a joué en Italie et avait été utilisé dans un match contre Fiorentina. Dès ce moment, on a vu qu’il avait une chimie évidente avec Marco. On pouvait voir qu’ils avaient déjà joué ensemble et qu’ils se connaissaient bien. Il avait été suffisamment bon pour mériter un contrat.

Son adaptation à son nouvel environnement devrait être facilitée par la présence de compatriotes contre Marco, Alessandro Nesta et Matteo Ferrari qui sont passés par là avant lui. Mais il devra aussi s’habituer au jeu préconisé en MLS. Andrea peut jouer partout sur le front de l’attaque et sa présence améliorer l’équipe à coup sûr. Je ne sais pas s’il se taillera une place sur notre alignement de départ, mais j’espère certainement qu’il sera un pion qui nous poussera vers le haut.

Les autres nouveaux venus sont de jeunes Américains obtenus récemment via le repêchage. Faudra maintenant voir s’ils pourront nous permettre de solidifier notre base pour faire en sorte qu’il n’y aura pas d’écart lorsqu’on effectuera une substitution en cours de partie. L’an passé, quand quelques joueurs étaient blessés ou suspendus, on ne voyait plus exactement la même équipe, surtout parce que ceux qui étaient soudainement utilisés n’avaient pas joué depuis trop longtemps.

Devant le filet, j’ignore si Evan Bush pourra déloger Troy Perkins du poste de numéro un. Une chose est sûre, l’arrivée d’un nouvel entraîneur ne peut qu’aider la cause du jeune qui tente de déloger le vétéran. Il y a fort à parier que Schällibaum se fiera moins sur le passé et davantage sur ce qu’il verra de ses propres yeux au cours des prochaines semaines.

Troy a l’expérience de son côté et il a bien fait l’an passé quand il a chaussé les souliers de Donovan Ricketts. De son côté, Evan est un très bon gardien qui avait tiré son épingle du jeu avant que l’Impact ne passe en MLS.

Les objectifs

Sachant que le groupe de joueurs en place à Montréal en est un de qualité, reste à voir si nous pourrons nous élever à un rang supérieur et pousser le potentiel du groupe à son maximum. Nous avons tous une année d’expérience supplémentaire derrière la cravate et je crois personnellement que nous avons les éléments pour faire quelque chose de bien, de très grand même.

D’un point de vue collectif, le baromètre du succès est généralement une participation aux séries éliminatoires. C’est ce qu’on aurait aimé faire l’an passé, mais pour une première saison, avec le recul, on respire et réalise que c’était quand même bien.

Notre plan exact n’a pas encore été élaboré, mais dans l’air, on sent un vent d’optimisme. On regarde comment la dernière saison s’est terminée et tout le monde vous dira qu’on vise une bonne position au classement et une place en séries.

Sur le plan personnel, je veux simplement connaître une aussi bonne année, sinon meilleure, que la précédente. Si j’aide l’équipe à maintenir les standards établis et à abattre d’autres obstacles, je dirai mission accomplie.

Comme je ne suis pas un attaquant, ce ne sont pas les statistiques qui valorisent ce que je fais sur le terrain. Les chiffres disent que j’ai eu une très bonne année en 2012 et c’est bien, mais j’ai connu des meilleures saisons alors que je n’avais pas les stats pour épater la galerie.

Si l’équipe gagne, je serai heureux. Si j’ai les statistiques pour aller avec ce succès collectif, tant mieux!

*Propos recueillis par Nicolas Landry.