MONTRÉAL – Patrice Bernier a dû composer avec une distraction inhabituelle vendredi au Centre Nutrilait, à un peu plus de 48 heures du coup d’envoi du dernier match de sa carrière.

Pendant qu’il envoyait des centres dans la surface de réparation à l’intention de coéquipiers qui, comme lui, terminaient l’entraînement dans la bonne humeur, le capitaine de l’Impact se faisaient haranguer par Sofia-Jade et Mia-Victoria, ses deux filles. Ballon au pied le long des lignes de touche, les énergiques spectatrices tentaient d’attirer l’attention de leur père en lui envoyant de bruyantes grimaces.

Les deux fillettes, qui avaient été invitées au centre d’entraînement de l’Impact en compagnie de leur mère, de leur petit frère et de quelques autres membres de la famille, ne sont pas les seules à accaparer l’attention de Bernier qui, entre les hommages et les invitations, est sollicité de toutes parts à l’approche de sa retraite.

« J’avoue que dans les dernières semaines, les choses avancent vite, a concédé Bernier. Je n’ai pas trop le temps de penser. C’est bien, ça fait en sorte que la semaine passe vite, aussi vite que la carrière a passé. Il me semble qu’hier, j’avais 20 ans et je jouais au Centre Claude-Robillard… »

Dimanche, alors que l’Impact terminera une saison décevante en accueillant le Revolution de la Nouvelle-Angleterre, ils seront une centaine rassemblés dans un coin du Stade Saputo à l’invitation du populaire numéro 8, qui tirera sa révérence à l’âge de 38 ans après une carrière de 18 saisons chez les pros.

« J’ai la chance de terminer ça chez moi, réalise Bernier. La famille et les amis les plus proches seront là, des gens qui me supportent depuis bien avant les six dernières saisons. C’est spécial. C’est un peu bizarre de célébrer avec autant de monde, mais c’est touchant de finir où tout a commencé. »

La débandade de l’Impact en 2018 a tué depuis longtemps le suspense : Bernier ne connaîtra pas la fin de parcours à laquelle il rêvait lorsqu’il a annoncé son intention de revenir pour une dernière saison l’hiver dernier, une fois la poussière retombée sur l’élimination de l’équipe en finale de l’Est. Mais les insuccès collectifs répétés auront eu ceci de positif : à mesure que le sable s’écoulait du sablier, Bernier a eu le temps de faire la paix avec l’imperfection de sa sortie.

« Je ne vais pas le cacher, avec ce qu’on a accompli l’an passé, j’étais revenu dans l’espoir qu’on se rende plus loin, jusqu’à la Coupe. Mais j’ai appris qu’aucune carrière ne se finit exactement comme on le souhaite. Ça finit par finir et après, on passe à un autre chapitre. Le bon côté, c’est que je finis avec un match à domicile. Il n’y aura pas d’enjeu, mais quand même… »

Un peu d’égoïsme

Reconnu comme l’ultime joueur d’équipe, Bernier a avoué qu’il se permettra d’ajuster son attitude pour son dernier tour de piste. Ses parents Jean et Gladys ont été invités par le groupe de supporteurs 1642 MTL pour activer la cloche qui raisonne après chaque but de l’équipe locale au Stade Saputo. L’auteur de 14 buts en MLS est ouvertement tenté d’en ajouter un petit dernier, symbolique.  

« Je ne vais pas le cacher : habituellement, j’ai tendance à passer le ballon, mais peut-être que cette fois-ci, pour ne pas laisser mes parents traîner là pendant tout le match, je vais travailler fort pour espérer marquer un but. Ça serait une bonne fin. »

Dans un collectif qui ne se battra pour rien d’autre que l’honneur – l’Impact est mathématiquement éliminé de la course aux séries depuis la qualification des Red Bulls il y a deux semaines – Bernier devrait pouvoir compter sur la complicité de ses coéquipiers afin de quitter par la grande porte. Ignacio Piatti, par exemple, devrait logiquement lui céder le parquet si l’équipe se voyait accorder un penalty.

« Ça n’a pas été discuté, mais comme c’est le dernier match, je présume que ça serait le style de Nacho. Je m’imposerai un peu plus que d’habitude! »

Et pourquoi pas les coups francs? Après tout, ce n’est pas comme si l’Impact comptait dans ses rangs une menace constante dans cette phase du jeu…

« Si c’est près du but, ouais! On va voir, mais je ne vais pas me gêner. Dans ma tête, il y a pas mal d’affaires que je vais faire que je ne fais pas normalement », promet Bernier.

D’autres rêves à réaliser

Bernier est visiblement serein à l’idée de laisser derrière lui une si grande partie de sa vie. Une fois les lumières éteintes sur près de deux décennies de rêves et d’accomplissements, ses pas le guideront vers une carrière d’entraîneur dans laquelle tous ceux qui l’ont connu prédisent qu’il fera un tabac.

Bilan de la carrière de Patrice Bernier

« J’ai quelque chose qui m’attend, je ne m’en vais pas dans le néant. Je vais continuer de grandir avec le club et aider le club à grandir. Ça va être bizarre l’année prochaine de regarder les matchs en tant que spectateur, mais avant tout, j’étais un partisan de l’Impact de Montréal. Je sais qu’il y en a qui n’aiment pas trop rester accrochés, qui ont de la difficulté à revenir au terrain, mais pas moi. Maintenant, je vais regarder les autres jouer. »

Bernier est un maniaque de sports qui n’a toujours vécu que pour le sien. Maintenant que le soccer ne sera pas aussi accaparant, il se promet de porter à terme des projets qui ont toujours été réalisables.

« J’ai ma bucket list, comme on dit! J’ai deux mois devant moi avant que tout reprenne, alors il y a certains matchs de la NFL ou de foot européen que je pourrais aller voir. Le bon côté, c’est que quand tu joues au foot, tu te fais des amis et certains ont des grands statuts. Il y a quelques personnes en Europe qui pourront m’ouvrir les portes des grands clubs. Il y a 18 ans, si tu m’avais dit que je connaîtrais un jour Drogba, Nesta et Henry, j’aurais répondu qu’on n’est pas sur la même planète, même pas dans le même monde. Là, je peux les joindre en un coup de fil. »