MONTRÉAL – Cameron Porter avait l’air d’un jeune homme tout droit sorti de l’école quand il s’est présenté devant les journalistes, crampons aux pieds sous un uniforme à peine mouillé, une trentaine de minutes après le match nul salvateur que l’Impact venait de soutirer à Pachuca.

Jusque-là rien d’anormal, puisque c’est exactement ce qu’il est. En fait, l’Américain de 21 ans doit encore compléter trois cours et rédiger sa thèse avant d’obtenir son diplôme à Princeton.

Ce qui cloche, c’est que l’auteur du but qui a sauvé l’Impact mardi soir n’obtient pas, depuis son arrivée officielle chez les professionnels, les responsabilités généralement conférées à une recrue repêchée en troisième ronde. Et il faut aussi dire qu’il s’en acquitte comme personne ne l’aurait cru possible il y a à peine quelques mois.

« Nous, dans le vestiaire, ça ne nous surprend pas, rectifie immédiatement le défenseur Bakary Soumaré. Il vient d’arriver mais depuis le premier jour, il nous a montré qu’il avait de la qualité. C’est quelqu’un qui sort d’une grosse saison universitaire et qui bosse beaucoup. S’il y en a un qui méritait de marquer ce soir, c’est peut-être lui, honnêtement. »

N’empêche, l’entraîneur Frank Klopas en avait fait sursauter plusieurs en envoyant Porter dans la mêlée à la place de Jack McInerney à la 82e minute du match aller du duel quarts de finale de la Ligue des champions, la semaine dernière au Mexique. Pour le match retour, alors que son équipe avait désespérément besoin d’un but égalisateur qui lui permettrait de prolonger son impressionnante aventure outre-mer, Klopas a réitéré sa confiance envers le cadet de son effectif. Cette fois, il l’a lancé dans la mêlée à la 85e minute en remplacement du vétéran milieu de terrain Nigel Reo-Coker.

La suite est désormais gravée à tout jamais dans l’histoire de l’Impact.

« On accorde beaucoup d’importance à ce que l’on ne voit pas dans les matchs, expliquait Klopas pour justifier son audacieuse, mais payante décision. On regarde comment les gars se comportent à l’entraînement, l’effort qu’ils donnent, l’engagement qu’ils démontrent, la charge de travail qu’ils sont prêts à supporter. Et il faut savoir les récompenser et les mettre sur le terrain quand ils le méritent. »

« C’est un jeune qui travaille extrêmement fort. Je croyais en lui quand on a décidé de le garder. Tous les entraîneurs ont décelé en lui quelque chose de prometteur. Il n’est pas à destination encore, mais il s’y prend de la bonne façon pour y arriver », a poursuivi le sélectionneur.

« C’est quelqu’un qui ne lâche rien, il se bat toujours sur tous les ballons. Même quand tout le monde croit qu’un ballon est perdu, il va aller au bout, a remarqué Laurent Ciman, lui aussi impressionné par l’ardeur au travail de son jeune coéquipier. Quand il joue contre nous à l’entraînement, on l’a vraiment difficile. Il nous donne du fil à retordre à ‘Baky’ et à moi. C’est bien pour le groupe d’avoir plusieurs éléments offensifs et de la concurrence devant. »

« Quand j’ai vu qu’il s’apprêtait à sauter sur le terrain à Pachuca, j’étais un peu surpris, a admis le gardien Evan Bush. Mais il pourchasse inlassablement le ballon, prolonge la vie de plusieurs jeux et ce soir, il a démontré qu’il possédait également une belle touche autour du filet. Je crois qu’une belle carrière se dessine devant lui. »

L’éclosion de Porter est d’autant plus inattendue qu’il n’a même pas été le premier attaquant sélectionné par l’Impact en janvier. Pendant qu’il gruge le temps de jeu à McInerney, aucune trace de Romario Williams, le troisième choix au total de cet encan.

« Je suis quelqu’un qui se fixe des buts et qui travaille fort pour les atteindre, dit le principal intéressé, 45e joueur choisi à même le bassin dans lequel pigeaient les vingt équipes de la MLS. Quand j’ai été repêché, je me suis dit que j’allais tout donner pour mériter un contrat. Je dois cette attitude à mon père, qui m’a toujours dit qu’à chaque fois que je sautais sur le terrain, je devais travailler fort et avoir du plaisir. »

Du monde, du bruit, un rêve

Porter ne semblait pas saisir la pleine ampleur du monstre qu’il avait créé lorsque les caméras ont éclairé sa tronche juvénile, presque imberbe, dans les minutes qui ont suivi son petit exploit. Moins d’un mois après avoir signé son premier contrat professionnel, il était l’auteur du but le plus important de l’histoire de sa nouvelle équipe.

« Maintenant que vous me le dites comme ça, oui, je commence à le réaliser », a-t-il répondu, en esquissant un sourire timide, lorsque confronté au constat.

« Si j’additionne tous les spectateurs qui sont venus nous voir jouer pendant mes quatre années à Princeton, ça n’arrive même pas proche du nombre de spectateurs qu’il y avait dans le stade aujourd’hui. Alors ce qui s’est passé ce soir, c’est un rêve devenu réalité », tentait de mettre en perspective le natif de l’Ohio.

Parce qu’il avait eu la chance de se saucer une semaine plus tôt dans un contexte un peu moins urgent, Porter dit s’être senti dans son élément lorsqu’il est plongé parmi 38 000 spectateurs mardi.

« Est-ce que j’étais nerveux au moment de sauter sur le terrain? Bien sûr, mais c’était d’abord et surtout de l’enthousiasme. Le premier match au Mexique m’a vraiment permis de me débarrasser de mon stress. Ma bouche n’était pas aussi sèche quand l’entraîneur m’a fait signe aujourd’hui! »