MONTRÉAL – Eric Alexander est le contraire d’un livre ouvert. Alors que les éloges à son endroit arrivent de tous les côtés depuis le début de la saison, le taciturne milieu de terrain continue de cultiver son petit coin d’ombre.

Aux yeux d’Ambroise Oyongo, il est un joueur « magnifique ». Son entraîneur vante son calme, son instinct et son intelligence chaque fois qu’on lui en donne l’occasion. Son gardien de but le voit comme la pièce maîtresse du jeu collectif au poil de l’Impact depuis le début de saison.

Pendant ce temps, Alexander assimile tous ces compliments avec une certaine indifférence, pour ne pas dire une indifférence certaine.

« Correct », a-t-il répondu après une brève hésitation, mardi, quand on lui a demandé d’évaluer la qualité de son jeu depuis le début de sa deuxième campagne à Montréal. « Nos succès sont surtout une affaire d’équipe. J’ai été capable d’aider l’équipe et c’est tout ce qui m’importe. »

Les chiffres permettent d’affirmer qu’Alexander, à défaut de se mettre dans le pétrin sur le terrain, est au moins coupable de fausse modestie. Lors du premier match de la saison, à Vancouver, il a disputé un match pratiquement sans faille au cours duquel il a complété 93% de ses passes. La semaine suivante, à la fin du match contre les Red Bulls de New York, il a été le maestro d’une séquence d’environ deux minutes durant laquelle ses coéquipiers et lui ont complété 43 passes presque sans interruption à un moment où l’adversaire avait désespérément besoin d’une étincelle en attaque.

Lorsqu’il repensait à cette démonstration de contrôle du ballon qui s’est déroulée devant ses yeux, en début de semaine, Evan Bush affirmait qu’il y avait belle lurette qu’il avait vu une équipe de la MLS jouer de la sorte.

« Et je crois qu’Eric Alexander en a été la clé, n’hésitait pas à dire le cerbère. Son calme avec le ballon dépeint sur tout le monde. Auparavant, dans une situation pareille, on aurait probablement essayé de dégager notre territoire pour tenter de se regrouper. Mais Eric possède cette volonté de vouloir conserver le ballon. »

« Il comprend comment doser la patience et le besoin d’accélérer le jeu et ça, j’aime ça », dit Mauro Biello.

« Chaque fois que j’ai une chance d’aider l’équipe, que ça soit en gagnant un duel ou en conservant la possession, j’en retire beaucoup de fierté, commente Alexander, qui a mis sa timidité de côté en acceptant de se soumettre à un rare entretien avec les médias. Cette séquence s’inscrit dans ce genre de moment. C’était un point crucial du match, l’adversaire devait marquer pour rester dans le coup. C’est toujours bien quand on peut refroidir ses ardeurs de cette façon. »

Oublier 2015

Alexander n’est pas très enclin à revenir sur le passé. Ses réponses brèves et un peu sèches permettent de croire qu’il préférerait oublier sa première saison avec l’Impact, au terme de laquelle il est arrivé à court des 1000 minutes de temps de jeu pour la première fois de sa carrière.

Membre du noyau fort des Red Bulls pendant deux saisons sous les ordres de Mike Petke, le natif du Michigan n’a pas été capable de s’imposer comme partant dès son arrivée à Montréal. L’énergie investie par l’Impact dans le tournoi de la Ligue des champions, pour lequel il était inadmissible, et une blessure qui l’a affecté en cours de saison n’ont rien fait pour aider sa cause. Il a terminé l’année avec seulement dix départs au compteur.

« Je ne crois pas que ce soit pertinent d’en parler à ce moment-ci », répond Alexander quand on lui demande s’il croit avoir eu une réelle la chance de se faire valoir sous le règne de Frank Klopas. « Je préfère me concentrer sur cette année. On connaît un bon début de saison et c’est à ça que je veux me consacrer. »

Malgré des succès parcimonieux en 2015, Alexander, qui aura 28 ans le mois prochain, dit n’avoir jamais souhaité un changement de décor pour relancer sa carrière.

« J’aime Montréal, j’aime mes coéquipiers et mes entraîneurs ici. Et puis avec les discussions que j’avais eues avec Mauro et le reste du staff durant l’hiver, je savais que si je travaillais fort, cette saison allait être différente. Et jusqu’ici, elle l’est. Il me suffit de continuer dans la même voie pour demeurer au même niveau. »

« C’est normal, quand tu ne joues pas, de manquer de confiance, souligne Biello. L’année passée a été difficile pour lui, mais après la saison, je lui ai dit de revenir au mois de janvier et de se concentrer sur ses qualités. Si tu es capable de me montrer tes qualités, je vais te donner ta chance. »

Biello sourit quand on lui fait remarquer que le joueur qui a gagné sa confiance semble réticent à accorder la sienne si facilement, du moins publiquement.

« Sur le terrain, vous voyez qu’il est toujours calme, il ne panique pas. C’est un peu ça son caractère à l’extérieur du terrain, dévoile le coach. C’est un gars très intelligent qui a aussi une certaine expérience. Quand il parle, c’est parce qu’il veut aller chercher des connaissances ou transmettre son savoir. Il veut gagner et avoir du succès avec cette équipe. »