Didier Drogba. Il y a à peine deux ou trois semaines, ce nom n’évoquait rien pour qui n’est pas amateur de soccer, de soccer international qui plus est. Mais après le remue-ménage qu’a provoqué son arrivée à Montréal, difficile de l’ignorer.

Mais en quoi Didier Drogba est-il différent des autres joueurs internationaux qui ont joint les rangs de l’Impact de Montréal ces dernières années? On a même eu un champion mondial, Alessandro Nesta, considéré comme l’un des meilleurs défenseurs centraux de son époque, et qui a passé 10 ans dans l’équipe nationale italienne, remportant la Coupe du monde en 2006. Didier Drogba n’a pas remporté de Coupe du monde, mais son passage à Montréal n’est pas passé inaperçu sur la planète.

Partout en Europe, en Afrique, en Amérique centrale, en Amérique du Sud, en Asie, on a fait écho à la signature de Drogba à l’Impact. Les grands titres autour du monde ont aussi salué son arrivée : « Didier Drogba arrive à Montréal comme super-star et provoque le délire » écrivait le site 20minutos.

« Didier Drogba accueilli en héros à Montréal » citait le Côte-d’Ivoire sports. « Didier Drogba accueilli avec faste à Montréal » relatait la BBC Afrique.

C’est que ni l’homme, ni le joueur n’ont jamais laissé personne indifférent. Du joueur, on connaît les exploits, de ses buts qui se retrouvent au palmarès des plus beaux marqués, de ses jaillissements vertigineux qui laissent tous les défenseurs dans le vent, de ses tirs foudroyants qui mettent à rude épreuve les filets des buts adverses. On se rappellera aussi cette finale de la Ligue des champions 2012, où Drogba égalise pour Chelsea contre le Bayern Munich, à la 88e minute de jeu... Et il lui revient de marquer le pénalty vainqueur dans la séance de tirs au but qui a suivi. Dans un élan d’enthousiasme, il a été voté dans la foulée « meilleur joueur de Chelsea de tous les temps » par les lecteurs du magazine officiel de l’équipe.

Et si avec Drogba il y a le résultat, il y a aussi la manière. « Drogba, à son apogée physique, bousculait les défenseurs, utilisait son anticipation aiguisée pour se défaire de ceux qui le couvraient et se transformait en implacable loup solitaire d’une efficacité redoutable pour une reddition totale de ses adversaires », trouve-t-on sur le site du Telegraph, dans une magnifique envolée lyrique.

Voir Drogba jouer, c’est être le témoin privilégié d’un spectacle qui dépasse les simples bases du soccer. Sa façon de courir, féline, élastique, son regard affuté, acéré, son sens du jeu inégalé, sa force de frappe étourdissante, son brin d’arrogance dans la réussite, ce port altier qui le distingue du commun des mortels, font de lui l’un des joueurs les plus beaux à voir évoluer sur un terrain.

Il y a le joueur, mais il y a surtout l’homme. « C’est un véritable héros, s’enthousiasme Cédric Ago, originaire de la Côte d’Ivoire. L’annonce de sa venue à Montréal a causé un véritable raz-de-marée dans la communauté, c’est la folie sur Facebook. On va tous acheter des maillots à son nom. J’ai un ami qui demeure au Texas et qui m’a aussitôt téléphoné quand la nouvelle a été sue, et qui m’a dit qu’il viendrait à Montréal le voir jouer. »

Et ici, la dimension du héros dépasse largement les limites du terrain. Au moment où il venait d’aider la sélection nationale à se qualifier pour la Coupe du monde 2006, son pays était dévasté par la guerre civile qui y faisait rage depuis cinq ans. Spontanément, alors qu’il était en direct à la télé nationale, Drogba a empoigné le micro et s’est laissé tomber à genoux pour demander aux factions ennemies de déposer les armes, ce qui fut fait dans la semaine suivante. Il a réussi là où tous les politiciens avaient échoué.

Le cessez-le-feu a ensuite été suivi par un véritable accord de paix. Un peu plus d’un an plus tard, les deux leaders des factions opposées étaient assis côte à côte pour voir un match de qualification pour la Coupe d’Afrique des nations, entre la Côte d’Ivoire et le Madagascar, au cœur même du fief rebelle de Bouaké, à 300 kilomètres au nord d’Abidjan.

« C’est à ce moment que j’avais senti que la Côte d’Ivoire pouvait renaître », avait alors déclaré, ému, Didier Drogba. L’histoire fait partie de la légende et de l’auréole de Drogba. Dans la réalité, les faits étaient peut-être légèrement différente. La guerre commençait possiblement à s’essouffler, l’intervention de Drogba et de ses coéquipiers était peut-être vaguement planifiée, mais peu importe. Le résultat était là et la paix qui a suivi bien tangible. Cette histoire illustre parfaitement le magnétisme de l’homme et l’influence positive qu’il peut avoir sur un peuple.

« Il a énormément de charisme, me disait Cédric Ago. Et quand il est devenu quelqu’un d’important, il n’a jamais tourné le dos aux obligations qui venaient avec. C’est quelqu’un d’exceptionnel. » En 2007, Drogba mettait sur pied une fondation pour venir en aide à l’enfance africaine en matière de santé et d’éducation. Il a tenu parole. Le printemps dernier, le premier des cinq hôpitaux qu’il a promis a vu le jour à Attecoubé, un district de la capitale Abidjan. Il devrait être suivi par quatre autres, à Yamoussoukro, San Pedro, Man et Korthogo. Leur vocation sera d’apporter des soins à moindre coup notamment aux familles démunies. Drogba n’a pas hésité à mettre généreusement la main à sa poche pour aider à la construction de ces hôpitaux. De plus, à chaque rentrée, la Fondation remet 5 000 ensembles scolaires aux enfants nécessiteux, afin qu’ils aient eux aussi ce dont ils ont besoin pour aller à l’école.

Le joueur, l’homme, la star. Je parlais, en début d’article, des multiples échos qu'avait eue la signature de Drogba avec l’Impact. C’est le signe d’une grande star. Demandez n’importe où dans le monde, qui est Didier Drogba. Il y a de grandes chances qu’on sache vous répondre. Que vous soyez au Tibet, dans le Sahara ou sur la pointe du Chili. Essayez avec Sidney Crosby pour voir... Le soccer, c’est planétaire et un joueur de l’envergure de Drogba l’est aussi.

Il arrive à Montréal. Par sa présence, il donne une visibilité incommensurable à la ville et le seul fait de l’avoir choisie parle aussi sur l’homme. Pour tous les joueurs européens, africains, asiatiques, le rêve américain passe bien souvent par Los Angeles, New York, peut-être même Chicago. Didier Drogba a choisi Montréal en s’appuyant sur des valeurs familiales, humaines, linguistiques. Pas sur le bling-bling d’Hollywood ou de la vibe  de New York. Son premier contact avec le public a été chaleureux et, autant lui que nous, brûlons d’impatience de le voir sur le terrain. C’est une belle aventure qui commence.