MONTRÉAL – Les Québécois ont toujours connu Laurent Ciman comme un homme de cœur pour qui la famille était au cœur des priorités. C’était vrai lorsqu’il est arrivé comme joueur à l’Impact en 2015 et ça l’est toujours six ans plus tard, alors qu’il rentre au bercail dans un rôle d’entraîneur-adjoint au CF Montréal.

Après trois années d’un exil forcé, dont deux au cours desquelles il a été séparé de sa femme et de ses deux enfants, il était temps pour Ciman de revenir à la maison. Sa deuxième saison au Toronto FC allait toujours être la dernière. Il l’avait juré à son épouse Diana, avec qui il a quitté la Belgique afin d’offrir les meilleurs soins à Nina, leur fille autiste. Et même s’il a dû faire des concessions inattendues, il a tenu promesse.

« Mon fils en a pleuré de joie tellement il était content, a partagé le Général vendredi lors d’une rencontre avec les médias montréalais. C’est pas facile pour un petit garçon de devoir se séparer de son papa et de ne pas savoir quand il va revenir. Là on s’entend, il y a la COVID et il y aura donc des situations à gérer, mais pour ça on est prêt. Juste le fait de savoir qu’on est ici ensemble, c’est du pur bonheur. »

Ciman avait quitté l’Impact contre son gré et dans un certain remous après sa troisième saison avec le club. Sans les documents nécessaires pour rester à Montréal, Diana, Nina et le petit Achille l’avaient suivi à Los Angeles, puis pour un bref passage en Europe. Quand un retour au Canada s’est imposé, le défenseur a trouvé preneur à Toronto tandis que les membres de sa famille sont revenus s’établir dans la métropole francophone.

La situation a tenu durant deux saisons. La prolonger n’était pas une option. « Ça devenait impossible à vivre, que ce soit pour moi tout seul là-bas ou pour mes enfants qui grandissent ici et ma femme qui s’en occupe seule », a dit Ciman. Il a offert ses services au directeur sportif du CF Montréal, Olivier Renard. La réponse qu’il a obtenue n’était pas celle qu’il souhaitait entendre, mais une solution a éventuellement émané de la discussion.

« Mon but premier, c’était de revenir de toute façon à Montréal. Ça, ça fait bien longtemps qu’on en discute avec Oli et Thierry [Henry]. Il y avait la possibilité que je revienne en tant que joueur. Pour X ou Y raisons, ça ne s’est pas fait. Après, c’était un peu difficile pour moi de tourner la page parce que mon but premier était de revenir. Je ne savais pas qu’il y allait avoir un poste disponible en tant qu’adjoint. Mais à partir du moment où Thierry et Oli étaient d’accord et qu’ils m’ont offert cette opportunité, je l’ai saisie à deux mains parce que l’important pour moi c’était de revenir. »

Ciman accroche donc ses crampons à 35 ans. En MLS, il aura notamment laissé sa marque en remportant le titre de défenseur par excellence du circuit en 2015. À l’international, son plus haut fait d’arme aura été d’endosser l’uniforme de la sélection nationale belge à vingt reprises, dont une fois à l’Euro de 2016.

« C’est certain que je pense que j’en avais encore sous le pied et que j’aurais pu apporter quelque chose sur le terrain, concède l’ancien Diable rouge. Mais je ne suis pas dans la rancœur ni dans la frustration. C’est un nouveau rôle. À mon âge, pourquoi pas? Je suis prêt à relever le défi et je suis très satisfait de mon choix. »

Un temps d’acclimatation

Ciman revient à Montréal avec l’humilité du débutant. Il a beau être bien avancé dans le processus d’obtention de ses licences d’entraîneur et avoir joué pour d’inspirants mentors, il ne retrouvera pas instantanément sur le banc de touche l’aisance qu’il avait en charnière centrale durant son premier séjour en ville.

« Je suis novice, je viens d’arriver. Je vais apprendre du staff qui est déjà en place, trouver mon positionnement en dehors du terrain. Encadrer, c’est facile, mais tous les à-côtés qu’il y a à gérer, c’est nouveau pour moi. Je vais avoir besoin d’un temps d’acclimatation, mais je suis prêt et très excité. »

« Lolo » arrive aussi avec une réputation, celle d’un grand impulsif au caractère bouillant et qui maîtrise mal la langue de bois. Son nouveau patron y a d’ailleurs fait référence lorsqu’il a été appelé à commenter son embauche, notant que Ciman avait le tempérament idéal pour « secouer le cocotier » d’un groupe trop complaisant.

« C’est certain que j’avais des réactions en tant que joueur qui des fois étaient peut-être un peu trop expressives pour certaines personnes, mais c’est ma façon d’être. Après, bon, j’ai mûri par rapport à ça. Je dois apprendre à gérer mes émotions et faire passer mon message d’une certaine façon et par rapport au prétexte qui s’y prêtera. Mais je suis prêt à apprendre et à apporter mon expérience et mon vécu. »

Ciman prévient toutefois qu’il restera le même homme.

« J’aurais les mêmes valeurs que celles que j’avais comme joueur. La façon de les transmettre sera différente, mais je vais rester moi-même. »

Des bons mots pour Nancy

À moins qu’un successeur à Henry ait déjà été identifié et qu’il fasse partie des rares personnes dans le secret des dieux, Ciman ignore toujours qui sera le maître du staff qu’il vient d’intégrer. Mais il a déjà commencé sa préparation avec Wilfried Nancy, qui assure pour l’instant sur une base intérimaire, et à la lumière des propos qu’il a tenus vendredi, il verrait d’un bon œil que cette dynamique soit frappée du sceau de la permanence.

« Pour moi c’est Will qui, à l’heure d’aujourd’hui, dans ma tête et dans ma vision, est le mieux placé pour s’occuper de l’équipe. J’ai eu une entrevue ce matin avec lui, on a eu une bonne discussion. Dans ma vision des choses, il est là pour m’aider et prendre bien soin de l’équipe. J’ai plein de choses à apprendre de lui. »

Nancy est arrivé dans le staff de la première équipe de l’Impact en 2016, la première saison complète de Mauro Biello au poste d’entraîneur-chef. Il a depuis survécu à toutes les tempêtes, conseillant tour à tour Rémi Garde, Wilmer Cabrera et Thierry Henry. Le contexte semble idéal pour qu’on lui confie finalement les rênes de l’équipe.

« Je pense qu’il connaît le club sur le bout des ongles, approuve Ciman. Il a été adjoint pendant pas mal d’années. Là il a un peu un rôle différent et je pense que ça peut être la personne qu’il faut. Ce n’est pas moi qui prend les décisions, mais il a tellement de vécu, il a tellement appris aussi de tous les entraîneurs, de tout ce qu’il a connu dans le football. Il a une bonne vision du football, il a beaucoup de qualités. Je ne peux t’en nommer qu’une seule, mais il y a beaucoup de choses en lui qui peuvent en faire un bon entraîneur principal. »