Quelle soirée! Nous sommes passés par toute la gamme des émotions : exaltation, euphorie, crainte, déception, fatalisme et enfin, résignation. Mais le rêve aura quand même duré un match et demi. C’était le combat de David et Goliath, du Petit Poucet et de l’Ogre. C’était la poursuite d’un mirage qui se sera finalement effacé sous la lumière des projecteurs. Les joueurs de l’Impact baissaient la tête à l’issue de la rencontre, secoués par l’explosion de la seconde mi-temps qui a vu Golitah se réveiller. Mais il n’y avait pas lieu d’être honteux. L’Impact s'est dressé face à la plus grosse équipe du Mexique jusqu’à ce que celle-ci retrouve l’aplomb qui lui avait permis de combler un déficit de trois buts en demi-finale, en marquant six fois au match retour contre Herediano.

Le 12e joueur n’aura pas suffi, mais ce ne sera pas faute d’avoir essayé! Dès la sortie du métro, on était accueillis par les « Allez! Allez! Allez! » Le ruban des partisans s’étirait jusqu’aux portes du stade où il allait rejoindre l’autre grande file qui venait de l’extérieur. Les maillots bleus abondaient, les écharpes flottaient autour des cous, la foule compacte était pressée de prendre place dans les gradins pour voir une page d’histoire s’écrire sous ses yeux.

À l’intérieur, au fur et à mesure que les bancs se remplissaient, l’ambiance gagnait en intensité. La galerie de presse était bondée, beaucoup de visages connus, des habitués des rencontres du Bleu-Blanc-Noir, mais aussi des étrangers venus d’autres pays ou d’un autre sport. Le pouvoir d’attraction de ce match ultime était immense. Et le bruit… Une rumeur qui grondait constamment, qui a éclaté une première fois quand l’Impact est entré pour l’échauffement d’avant match et qui a fluctué par la suite suivant l’évolution du ballon sur le terrain. Cette rumeur allait en s’amplifiant, dans un crescendo à la limite du supportable. On avait l’impression que la toile argentée du stade en était agitée de frissons…ou étaient-ce peut-être ceux qui couraient sur notre échine qui nous en donnaient l’illusion?

Quand Andrès Romero a marqué le premier but, le bruit était tel qu’aucune conversation, aucun commentaire n’étaient possibles. Un vacarme qui traduisait la joie des partisans de voir leurs favoris se rapprocher de l’exploit historique, un tonnerre libérateur qui permettait aux rêves de monter en vrille vers le ciel. Mais la réalité nous a rattrapés en deuxième mi-temps. Les joueurs de l’América se sont finalement souvenus de qui ils étaient. Ils sont rentrés sur le terrain avec une attitude très différente, une détermination qui allait leur faire oublier leurs errements des trois premières demies de cette finale aller-retour, et qui allait permettre à Benedetto de marquer son premier but.

C’est là que la crainte s’est installée. Puis le but de Peralta, suivi deux minutes plus tard du deuxième de Benedetto. Là, c’était la débandade, la cassure. Le point de bascule était atteint. Le 12e joueur était touché en plein cœur et tranquillement les gradins ont commencé à se vider, le bleu des maillots des partisans coulant dans les escaliers, comme un ruisseau au printemps, pour laisser place au jaune des sièges, la couleur de l’América. Benedetto a complété son tour du chapeau tandis que McInerney, rentré à la 67e minute, permettait aux fans de l’Impact de s’exprimer une dernière fois. Finalement, les feux d’artifice, les serpentins et les confettis auront été pour les Mexicains. La Coupe de la Ligue des Champions remise au capitaine de l’América. Mais il faut regarder avec fierté ce que l’Impact a accompli. Cette équipe jeune, qui n’en est qu’à sa quatrième saison en MLS, s’est rendue jusqu’au bout de la Ligue des Champions, s’inclinant logiquement devant un adversaire plus fort qu’elle. Mais un adversaire qu’elle aura fait trembler, douter, errer, avant qu’il ne retrouve finalement un aplomb salvateur.

L’impact a gagné ses lettres de noblesse dans cette aventure. Il a montré qu’il existait et qu’il devait être pris au sérieux. Il a montré qu’il avait un cœur et une âme, du courage et de la volonté; des atouts certains pour séduire une foule qui ne demande qu’à être conquise. Et puis, on ne peut qu’être touchés par l’implication totale des joueurs dans cette aventure, un Laurent Ciman qui s’est battu jusqu’au bout, un Dominic Oduro en larmes à la fin de la rencontre, malgré le fait que son association avec l’équipe soit récente. On a vu, avec sa coiffure fleurdelisée, qu’il portait déjà la cause dans son cœur. Un Evan Bush, dramatiquement privé de finale, qui reçoit le titre de meilleur gardien du tournoi. Un Toia tellement efficace dans le couloir gauche, un Piatti toujours engagé et dangereux, un Reo-Coker au rôle déterminant…un Patrice Bernier qui entre en fin de rencontre et reçoit une immense dose d’amour des partisans. Oui, on peut ressentir de la fierté devant cette équipe.

Le retour en métro a été moins euphorique qu’à l’aller. Mais pour apprécier la joie de la victoire, il faut aussi avoir connu l’amertume de la défaite. Ce n’est que partie remise, l’Impact a toute la vie devant lui.