La victoire en demi-finale contre Alajuelense a été célébrée humblement. Pour l'Impact, c'est un pas de plus vers la dernière étape qui pourrait nous permettre de savourer le grand titre.

Après la saison difficile de l'an dernier, peu de gens croyaient qu'on atteindrait la finale de la Ligue des Champions de la CONCACAF.

Nous avons échappé la partie retour 4-2, mais nous avons gagné au total des buts. On était sur les talons en fin de rencontre alors que c'était devenu tendu et qu'on jouait sur les nerfs. Après l'euphorie du triomphe, les gars ont jasé de l'allure de la partie en n'oubliant pas que nous jouons samedi en MLS à Houston et que les matchs vont maintenant s'enchaîner.

La fin de la partie mardi nous a mis sur les nerfs, il ne faut pas se le cacher. Même quand nous avons égalisé le pointage 2-2, on savait que ce serait encore plus difficile. On a réussi à marquer un but en terrain adverse en première demie, mais on s'est endormi au départ de la deuxième demie. Nos adversaires ont réussi à prendre les devants et à réveiller leur foule. Ils ont réussi à reprendre l'avance 3-2 et finalement 4-2 dans les dernières secondes.

Il fallait donc relever nos manches et combattre la fatigue qui nous gagnait parce que nous avons couru après le ballon pendant une partie importante du match. Nous devions retrouver une concentration et une sérénité pour conclure la partie

On ne voulait pas donner ce cinquième but et on n'a jamais senti que la série au total des buts nous glissait entre les doigts, même si la partie en tant que telle devenait hors de notre portée. La rencontre se déroulait à vive allure et on avait du mal à maîtriser le ballon pour donner une pause à notre bloc défensif. À la fin, on était fatigué et on commençait à manquer de concentration, mais personne n'a paniqué. Il nous fallait juste être plus alertes compte tenu de l'enjeu.

Alajuelense s'est réveillé en deuxième demie avec un but rapide sur un coup franc. On a senti que ce but, qui faisait 1-1, a redonné un nouveau souffle à l'équipe et ses partisans. Quand l'adversaire a marqué son deuxième but, ça nous a mis sur les talons et on est peut-être devenu plus nerveux. Je connais les pays latins et je sais que les foules jouent un rôle. Ça devient alors très émotif. Les gens ont vu les deux parties et on n'a pas vu la même équipe d'Alajuelense à chaque fois. C'était cette fois une équipe qui poussait et qui n'avait plus rien à perdre.

L'arbitre a voulu laisser le match aller et n'a pas cherché à influencer le résultat final. Je pense qu'il aurait dû distribuer quelques cartons jaunes de plus. Le jeu était physique et les gens comprennent qu'il n'est pas facile d'aller jouer au soccer dans cette région du monde.

Quand je suis entré dans le jeu, l'entraîneur m'a dit qu'on allait changer la formation. À ce moment-là, Calum Mallace et Nigel Reo-Coker jouaient devant la défense et on allait maintenant jouer à trois. Calum allait jouer devant la défense alors que moi et Nigel allions être plus en avant pour neutraliser leur milieu de terrain. On m'a aussi demandé de conserver le ballon et de temporiser. On voulait alors retrouver un contrôle que nous avions perdu.

Puis, j'ai fait ce que je sais faire, c'est-à-dire bouger le ballon rapidement et le conserver. Le sort a voulu que deux des trois substitutions aient été à l'origine de notre deuxième but qu'il allait faire la différence au final. C'est le genre de match que l'on veut jouer comme athlète. Quand tu es un joueur de foot professionnel, c'est dans cette ambiance que tu aimes jouer. J'ai vécu ce type d'ambiance en Europe et avec l'équipe nationale. La motivation vient toute seule tellement l'ambiance cristallise le stade.

Un monde de différence

Les gens qui ont vu la rencontre ont pu constater que la culture du football est différente de ce que nous vivons en Amérique du Nord. Les sensations, les émotions et les chants font partie des moeurs des amateurs dans ces pays. L'hostilité, l'agression verbale et même lancer des objets sur le terrain sont des choses courantes. Je l'ai vécu souvent avec l'équipe nationale et en Europe. Ç'a créé une ambiance extraordinaire, mais on n'est pas encore habitué à cela ici. À Montréal, on a les Ultras, mais dans certains pays, c'est tout le stade qui est comme les Ultras. Même au Centre Bell, vous ne voyez pas ça.

La foule latine joue son rôle de 12e joueur en intimidant les adversaires, qui peuvent se sentir tout petits. Cette partie sera formatrice pour nos joueurs qui n'avaient pas joué dans une telle ambiance. C'est quelque chose que l'on doit vivre.

Les partisans font tout pour contribuer à la victoire de leur équipe même s'ils dépassent parfois les règles. Avec notre mentalité de guerrier, je pense que nous avons bien réagi. On savait que ça n'allait pas être joli, mais qu'il fallait faire le nécessaire pour obtenir le résultat souhaité. Notre gardien Evan Bush a reçu une pièce de monnaie par la tête. Ces pièces, il faut le savoir, sont plus grosses que notre dollar au Canada. On a aussi vu pleuvoir des pastilles Halls, de la glace et des souliers sur le terrain. Ce n'est pas évident pour un gardien qui a la foule derrière lui de se protéger. Evan a même vu une brosse à dents atterrir sur le terrain.

Je suis déjà passé par le Honduras, Panama et le Guatemala avec l’équipe du Canada. J'ai vécu ce genre d'expérience dès l'âge de 15 ans au El Salvador où nous avions gagné et où l'on avait vu notre autobus être attaqué.

Le racisme

Mon coéquipier Dominic Oduro a dénoncé des gestes à caractères racistes des partisans de l'Alajuelense. Les choses ont commencé avant la partie alors que les amateurs imitaient des bruits de singes. Comme on ne comprend pas la langue espagnole, j'imagine que plein d'injures que nous n'avons pas comprises ont été dites. Je ne crois pas que ça fasse partie de la culture du Costa Rica. C'est peut-être une façon de chercher à déstabiliser les joueurs.

Je félicite Dominic d'avoir bien agi dans les circonstances. Comme il joue plus sur les ailes, il est plus près des spectateurs lors des remises en jeu. Ça ne l'a pas empêché d'être impliqué dans nos deux buts. Évidemment, ce sont des choses qu'on ne veut pas voir ou entendre au foot. Je pense qu'une plainte a été déposée à la CONCACAF, mais je doute que ça change quelque chose.

Je crois qu'il s'agit à la fois d'une façon d'intimider l'adversaire et de faire preuve de racisme. Les gens croient peut-être qu'en agissant de la sorte, ça va nous jouer dans la tête. Il y a peut-être une minorité qui est raciste, mais je ne veux surtout pas dire que les Costaricains sont racistes parce que j'ai des amis et d'anciens coéquipiers qui viennent de ce pays et je sais qu'ils ne le sont pas.

Malheureusement, on retient que les faits et gestes d'une minorité. Quand on sent que tu es bon, on essaie de prendre tous les moyens pour te déranger. Peut-être que si on avait cru que nous étions une proie facile, on n'aurait rien entendu.

En finale contre Club America

Le match aller de la finale aura lieu au Mexique face à l'équipe America qui a éliminé Herediano mercredi avec une victoire à sens unique de 6-0. Comme nous étions en déplacement, on n'a pas vu la partie, mais on a vu cette équipe à l'oeuvre au stade Aztèque plus tôt dans l'année quand on affrontait Pachuca en quart de finale

America est l'un des plus gros clubs sinon le plus gros en Amérique du Nord. Ce sera un rival très intéressant. Quand tu veux en jouer en finale, tu veux jouer contre les plus grands.

C'est une très belle équipe de soccer, mais il ne faut pas oublier qu'elle avait un score de 0-3 à rattraper. Le club a poussé pour venir à bout de Herediano, mais je doute qu'America utilise le même style contre nous parce que le premier match sera chez eux. Je crois aussi que Herediano n'a pas joué un grand match. Cette formation a sans doute été déstabilisée avec deux buts en huit minutes

America est une équipe qui aime jouer avec le ballon. De notre côté, nous sommes un club plus défensif, qui aime contre-attaquer et qui nous permet de maîtriser les opposants. On l'a vu contre Pachuca et lors du premier match contre Alajuelense. La beauté de la Ligue des Champions est d'affronter des formations qu'on ne connaît pas.

Le stade Aztèque peut accueillir plus de 100 000 personnes. Ce sera impressionnant, mais en Europe j'ai joué souvent devant 50 000 ou 60 000 personnes. Au Stade olympique, on a déjà eu 60 000 spectateurs. Ce sont des matchs que tu veux jouer. Si on m'avait posé la question quand j'étais tout petit, j'aurais dit que mon rêve était de jouer les finales dans un gros stade plein. Je suis heureux de constater que nos partisans répondent à l'appel pour la rencontre du 29 avril à Montréal.

Le niveau d'intensité sera plaisant à vivre. J'ai eu la chance d'aller deux fois en finale au Danemark, mais cette fois ce sera plus spécial parce que je vais jouer et vivre l'effervescence de ces rencontres avec l'équipe de ma ville. Ce n'est pas quelque chose qui s'écrit, mais quelque chose qui se vit. Ça n'arrive pas souvent dans une carrière d'avoir une telle opportunité. Ce sera un grand moment dans ma carrière.

Avec la saison 2014 que nous avons connue, personne n'aurait pu croire qu'on atteindrait la finale. Si on m'avait fait cette promesse en 2011, j'aurais signé tout de suite!

*propos recueillis par Robert Latendresse