MONTRÉAL – Matteo Mancosu est arrivé à Montréal au beau milieu de l’été. Sourire timide sous une coiffure impeccable, les manches retroussées, le grand Italien a rapidement trouvé ses aises sous le chaud soleil de juillet.

S’imaginait-il, à ce moment, qu’il vivrait l’arrivée de l’hiver, crampons aux pieds, dans sa nouvelle ville d’adoption?

« On m’avait prévenu que ça pouvait arriver, répond-il en riant, la goutte au nez et une tuque enfoncée par-dessus les sourcils, à la fin d’un court entraînement sous la neige. C’est sûr qu’il fait un peu plus froid, mais je suis quand même content d’être là. Je me sens bien. »

Si Mancosu avait été mis au courant de la possibilité d’être encore sur les terrains en novembre, c’est que même avant son arrivée, ses coéquipiers nourrissaient de grandes ambitions pour la saison en cours. Éliminés en demi-finale de l’Association Est l’année précédente, les joueurs de l’Impact ne se sont jamais gênés pour dire qu’ils se croyaient capables de mieux en 2016.

Non, ce qui est surprenant, ce n’est pas que le onze montréalais soit encore dans la course à une période de l’année où ses joueurs doivent se couvrir la tête, mais plutôt que la tête la plus convoitée, celle du classement des buteurs de l’équipe, soit présentement occupée par cet attaquant humble et calme, débarqué sans grand coup de publicité et sans attente particulière pendant un voyage dans l’ouest américain à la mi-saison.

« C’est sûr que lorsqu’il est arrivé, je ne pense pas que grand-monde dans l’équipe le connaissait », admet sans gêne le défenseur Wandrille Lefèvre.

Mais Mancosu, rappelez-vous, n’avait pas trop perdu de temps pour faire son nom. À son deuxième match avec l’Impact, il a profité des onze minutes de temps de jeu qui lui ont été allouées pour mettre sa touche personnelle à un festival offensif de 5-1 contre l’Union de Philadelphie. Une semaine plus tard, toujours dans un rôle de remplaçant, il a été crédité d’une passe décisive sur le but égalisateur d’Hernan Bernardello à Washington, alors que l’Impact devait se débrouiller avec un joueur en moins.

Mancosu a obtenu son premier départ lors du premier week-end du mois d’août pour la visite à Montréal du Dynamo de Houston. Il a répondu avec une performance de huit tirs au filet, inscrivant avec l’un d’eux le seul but du match. Déjà, on commençait à le comparer à Marco Di Vaio, un compatriote et, comme lui, ancien joueur du Bologne F.C. qui n’a plus besoin de présentation à Montréal. Précoce parallèle, certes, mais il devenait néanmoins clair que son rôle au sein de l’effectif allait devoir être revu.

« Assez rapidement, aux entraînements, tu pouvais voir que ce gars-là avait une intelligence dans ses déplacements, une intelligence dans son positionnement qui est particulière, avait noté Lefèvre. Il sait toujours se placer entre les deux défenseurs centraux, il se met dans ton angle mort, ce qui fait en sorte que l’un ou l’autre doit toujours se questionner : est-ce que c’est moi qui le prend ou l’autre? Didier [Drogba] fait le même genre de course. C’est difficile pour un défenseur. Il te fait beaucoup réfléchir. »

Dominic Oduro avoue avoir entretenu un certain scepticisme envers les tactiques offensives de son nouveau coéquipier, qui gagne sa vie à flirter avec le hors-jeu pour s’offrir en cible sous le nez des gardiens adverses. Mais lui aussi a vite été convaincu.

« Il bouge comme peu de gars dans cette ligue sont capables de le faire, encense Oduro. Robbie Keane est le premier comparatif qui me vient en tête. Je crois que je placerais Jack McInerney dans cette catégorie. On ne peut pas vraiment jouer au plus malin avec un gars comme ça. Leur façon de se déplacer est vraiment particulière. Ça ne s’enseigne pas. »

Mancosu a terminé la saison régulière avec trois buts et quatre mentions d’aide en 15 matchs, dont sept départs. Son apport a été si important qu’il a provoqué un petit incident diplomatique dans l’entourage de l’équipe. Incapable d’inventer une bonne raison de se passer de son indispensable buteur, l’entraîneur Mauro Biello a dû se résoudre à garder une légende sur le banc, quitte à devoir gérer un égo meurtri.

L’Italien a depuis fait passer son coach pour un génie : il a inscrit quatre buts et ajouté une passe décisive en quatre matchs depuis le début des séries éliminatoires. Où serait aujourd’hui l’Impact sans la contribution de cette acquisition estivale qu’on croyait surtout destinée à l’après-Drogba?

Le pif de Biello

Mancosu a fait son apparition sur le radar du Bleu-blanc-noir il y a deux ans. Avant d’accéder au poste d’entraîneur-chef de l’équipe, Biello, dans ses fonctions d’adjoint, avait comme mandat de se rendre à l’étranger afin d’évaluer des prospects potentiels. Mancosu est tombé dans son collimateur au moment où il était en voie de connaître une saison de 26 buts avec l’équipe de Trapani, en Serie B.

« Même si c’est la deuxième division, au niveau tactique, en Italie, c’est très difficile de compter des buts. Toutes les équipes sont bien préparées. Alors quand un joueur en marque 26, c’est impressionnant. On savait que c’était un joueur qui pouvait venir ici et nous aider », affirme Biello.

Mais malgré toute la confiance qu’il avait en sa nouvelle trouvaille, Biello admet du bout des lèvres qu’il a été surpris par la vitesse avec laquelle Mancosu s’est fondu dans le décor à son arrivée à Montréal.

« On dit toujours que l’adaptation est difficile en MLS et que ça peut prendre du temps. Mais lui, il s’est adapté très rapidement. Tout de suite, il s’est intégré au groupe. Les joueurs aiment sa personnalité. C’est un gars calme qui fait des efforts pour comprendre la culture d’ici. Je pense que son immersion dans la ville s’est bien faite et sur le terrain, il a compris ce qu’on attendait de lui, que ce soit quand il joue ou quand il amorce un match sur le banc. Il a été capable d’être très efficace. »

Oduro le traducteur

Oduro, qui a retrouvé son rôle de partant au même moment où Mancosu a confirmé le sien en fin de saison, profite probablement plus que quiconque de la présence du vétéran italien à Montréal.

L'importance de Dominic Oduro

Sur le terrain, une belle chimie s’est développée entre les deux partenaires et l’Argentin Ignacio Piatti. Les membres du trio se sont occupés de huit des dix buts de l’Impact depuis le début des séries.

« On se parle sans cesse, explique sans se faire prier Oduro, assurément le plus volubile du groupe. Avant un match ou un entraînement, on se rassemble toujours pour se dire : "Aujourd’hui, il faut connecter!" Je crois que c’est le mot clé entre nous. »

Quand on lui demande comment il dit « connecter » en italien, Oduro fige, éclate de rire et se voit dans l’obligation de révéler ses secrets.

« Ok, on n’utilise pas vraiment le mot ‘connecter’! Mais je sais qu’on dit toujours ‘One!’ Quand il m’entend crier ‘One!’, il sait que ça veut dire que je veux le ballon une fois. Avec Nacho, par contre, je ne peux pas vous le dire. Mais on a un code! »

Et en Mancosu, Oduro a aussi trouvé un compagnon à l’extérieur du terrain.

« On habite dans le même immeuble, alors on a développé une belle amitié. On se voit toujours dans le quartier, parfois on sort, on va prendre une bière ou deux. Ça nous a aidés à nous rapprocher... et à connecter! »