MONTRÉAL – L’ancienne définition de tâche de Patrick Leduc lui demandait de ratisser large. 

Dans son rôle de directeur administratif des opérations soccer de l’Impact, l’ex-joueur de 42 ans voyait notamment à la gestion du centre d’entraînement, à l’équilibre de différents budgets et à la consolidation des relations avec les fédérations provinciale et nationale. Il avait aussi été à l’avant-scène lors de l’annonce du lancement du nouveau Centre d’identification et de perfectionnement (CIP) du club.

« Mais je ne mentirai pas. Dans la dernière année et demie, les moments où j’ai été le plus enivré, le plus passionné par ce que je faisais, c’est quand j’ai accompagné des équipes dans des déplacements », confesse celui qui était aussi, selon la description offerte par son employeur, « le principal lien avec la première équipe par rapport aux joueurs développés au sein de la structure du club ». 

« Je n’ai pas coaché, je n’ai pas non plus joué au conseiller, précise-t-il. J’ai plutôt observé, pris moi-même des notes. Lorsque venait le temps d’échanger, j’étais ferme. Mais franchement, aller voir les U15 dans un tournoi en Italie ou aller aux États-Unis avec nos plus vieux en décembre dernier et voir leur progression sur une année, c’est sûr que c’était là que je me sentais le plus accompli. Je voyais que ce qu’on faisait pouvait contribuer au club. C’est ce qui m’appelle! » 

Il y a une semaine, Leduc a hérité d’un nouveau titre qui lui permettra de se consacrer entièrement à cette cause qui lui est chère, celui de directeur de l’Académie de l’Impact. Il s’agit d’un changement de garde important au sommet de la structure de développement du club, dont Philippe Eullaffroy avait été l’architecte et le principal cerveau au cours de la dernière décennie. 

Leduc dit avoir une « énorme admiration » pour le travail accompli par son prédécesseur, qui laisse derrière lui une fondation solide sur laquelle reposent des standards de qualité élevés. Il ne s’agit pas ici de tout raser et de reconstruire sur les cendres, mais de remettre quelques poutres à niveau avant d’asseoir la croissance de l’édifice sur une nouvelle vision.

« Je pense qu’on a déjà démontré qu’il y avait beaucoup de choses qui fonctionnaient dans l’Académie, estime son nouveau patron. Je ne pense pas qu’on ait besoin de tout arrêter et de recommencer, bien au contraire. Mais dans le fonctionnement, il y a des choses qui étaient en place que je ne pense pas qu’on doive remettre en question.  Si on veut s’améliorer dans notre détection [de talent], dans notre fonctionnement et peut-être faire face à une nouvelle dynamique, oui il y a des choses qui doivent être restructurées, des choix qu’on va devoir faire à l’avenir. Mais par rapport aux valeurs qu’on a et à tout ce qui a fait partie du curriculum, dans l’enseignement, je ne remets pas nécessairement ça en question. »

Une loupe élargie

Pour Leduc, la base de toute réflexion consiste à établir de nouvelles priorités pour un organe qui a pour mission de former une relève pour l’équipe première, mais aussi potentiellement de renflouer les coffres du club par le biais de transferts. L’ancien défenseur devenu gestionnaire conserve le mystère sur les changements qu’il entend apporter, assurant que les grandes lignes de sa vision deviendront plus claires au fil d’annonces à venir. 

Ce qu’il peut confirmer, c’est qu’il gardera les rênes du CIP, qu’il a aidé à mettre au monde et dont il supervisera maintenant la croissance en tant qu’outil phare dans la recherche et l’extraction de nouvelles pépites.   

« Je pense que c’est logique, parce qu’il y a un élément de détection à ce programme-là et ça, ça fait partie de mes tâches. C’est super important. On veut s’améliorer là-dedans, on fait des efforts. On veut se donner les moyens pour avoir plein de mécanismes pour identifier les joueurs et les faire entrer dans notre structure. »

Dans l’ancien système, les nouveaux Académiciens étaient sélectionnés au terme de courtes auditions auxquelles seuls une poignée de privilégiés pouvaient assister. « Tu avais juste ceux qui venaient à toi. Mais parfois, il faut aussi que tu ailles vers les autres », explique Leduc.  Le CIP permet à l’Impact de créer des alliances avec des clubs amateurs de partout en province afin d’y transmettre la philosophie du club, mais aussi, par la bande, d’y étendre son réseau de contacts. 

« Plus tu connais les joueurs, plus te es confiant dans les choix que tu fais, raisonne celui qui a aussi déjà été impliqué dans l’Association régionale de soccer de la Rive-Sud. Si tu évalues un joueur sur un essai d’une, deux ou même trois journées, tu vois juste le sommet de l’iceberg, tu ne vois pas le portrait complet. Si tu le vois pendant des semaines, tu peux avoir assez de visibilité pour prendre des décisions plus éclairées et ensuite y aller par étapes. Tu as des recommandations des entraîneurs avec qui tu travailles toute l’année. Ça ne peut pas être mauvais. »

L’équipe réserve

Leduc prend la tête d’un département qui a été mis à mal au cours des dernières années. Depuis qu’il s’est délesté de son équipe réserve avec la dissolution du FC Montréal en 2016, l’Impact projette l’image d’un club qui néglige le polissage de ses jeunes espoirs. Les entraîneurs qui se sont succédé à la barre de la première équipe ont tous affirmé avoir à cœur la contribution du talent local, avec des résultats mitigés. L’arrivée d’un président étranger au monde du soccer a pu contribuer à entretenir, à tort ou à raison, cette impression. 

À l’aube d’embrasser ce nouveau défi, Leduc croit fermement qu’on lui donnera les moyens d’arriver à ses fins. 

« Je suis convaincu qu’on fait cette restructuration pour être meilleurs, pour être prêts pour la suite. Tu n’embarques pas dans un projet si tu n’y crois pas. Et moi j’y crois à 100%. »

Cette suite pourrait inclure le retour d’un pont couvrant le gouffre qui sépare présentement l’équipe U18 du niveau professionnel. 

« Je pense qu’il y a un désir d’avoir un échelon qui te donne cette marge avec des joueurs dans la post-formation. Quand on parle d’une équipe réserve de la catégorie U23, la MLS veut aller de l’avant avec ça et nous, on est prêt à le faire. On s’en va dans cette direction », laisse flotter Leduc.  

Mais avec ou sans cette équipe réserve, la définition du succès de l’Académie en tant que pourvoyeur de talent mûr pour les projecteurs du Stade Saputo pourrait être révisée par son nouveau directeur. Quelques mois avant la disparition du FC Montréal, Philippe Eullaffroy mentionnait dans une entrevue à RDS qu’il caressait l’objectif de faire graduer trois Académiciens chez les pros par tranche de deux ans. L’équation plaît plus ou moins à son successeur.  

« Je pourrais te donner un chiffre, un pourcentage, mais c’est risqué de faire ça parce que tu peux mal interpréter le résultat. Tu peux penser que tu vises juste alors que dans le fond, tu aurais pu faire beaucoup mieux. Ou à l’inverse, tu peux en placer seulement deux sur les trois que tu avais visés, mais ce sont deux étoiles. »

« C’est se mettre une pression inutile. On a tous de la pression, je ne pense pas que c’est ce qui manque. Je ne pense pas que c’est parce qu’on ne se fixe pas un chiffre qu’on va moins travailler. Alors là-dessus, je n’ai pas vraiment de réponse. Mais on veut qu’il y ait une contribution, ça c’est sûr. On pense que c’est souhaitable pour l’équipe. On pense que dans le contexte de la MLS, il y a un avantage, une économie à faire sur ton plafond salarial quand tu as des joueurs que tu n’as pas besoin d’aller chercher ailleurs. Mais la marche est haute avec la première équipe. À la fin, il faut que ce joueur contribue et soit déterminant. Mais ça on s’en reparlera à l’heure du bilan! On pourra dire si on a atteint nos objectifs. »