Depuis son arrivée avec l’Impact la saison dernière, Troy Perkins a permis de perpétuer la tradition de gardiens de premier plan de l’organisation montréalaise et sa contribution est indéniable cette année.

Outre quelques passages moins reluisants, l’Impact a pu s’appuyer sur des gardiens fiables pour récolter d’intéressants résultats et l’entraîneur des gardiens, Youssef Dahha, mérite beaucoup de crédit pour son travail dans l’ombre.

Cependant, pour ceux qui ont la chance de côtoyer l’Impact à l’occasion, Dahha est loin de passer inaperçu. Au contraire, sa voix résonne souvent en arrière-plan des entraînements alors qu’il est fidèle à son intense personnalité.

«J’essaie d’utiliser ma personnalité pour aider les gardiens dans leur travail. C’est vrai que je suis une personne qui donne beaucoup et j’attends autant en retour. Je ne suis pas du style à seulement me présenter, j’aborde chaque jour comme mon dernier et on travaille fort des deux côtés de l’équation», a confirmé Dahha.

«À un niveau aussi élevé que la MLS, il faut être intense pour que ça fonctionne. Si je me négligeais seulement une ou deux journées, les gardiens le sentiraient. Il faut les rendre minables durant la semaine avec l’effort pour qu’ils puissent faire les arrêts difficiles dans les matchs», a enchaîné Dahha sur un ton fort respectueux.

«Il insiste pour que nous soyons à un niveau d’intensité tous les jours. Même quand tu es vraiment bon, ça lui importe peu et il te ramène sur terre. Mais il est tout de même un entraîneur de joueurs parce qu’il te supporte et pousse pour toi. J’ai déjà joué pour un entraîneur semblable en Norvège, mais il ne parlait pas aussi fort!», a décrit Perkins en riant.

L’entraîneur marocain vit sa première saison dans cette fonction en MLS puisque Jesse Marsch avait préféré choisir ses adjoints l’an dernier et il avait été relégué avec l’Académie. Il n’a donc pas dirigé Donovan Ricketts dont le style plutôt décontracté aurait fait contraste avec le sien.

Avec un dossier de 4-1 et le premier rang dans l’Est, l’Impact attire les regards tout comme les prestations de Perkins qui donne l’impression de présenter le meilleur soccer de sa carrière.

«Je pense que je m’approche de cet objectif», a-t-il humblement jugé. «Je veux m’améliorer, mais tout ce que je veux c’est soulever la coupe à la fin de l’année.»Troy Perkins

«J’apprécie que mon jeu est à l’image de ce que j’aime représenter : un gardien constant qui contribue aux succès de son équipe», a ajouté l’athlète de 31 ans qui dispute sa huitième saison en MLS.

Perkins cadre à merveille avec Dahha qui le respecte à plusieurs chapitres.

«Avant tout, Troy possède d’excellentes valeurs humaines. De plus, il ne compte pas ses heures de travail, il ne triche pas dans ses efforts et il est fidèle à son métier. Au niveau sportif, sa concentration constitue sa plus grande qualité.»

De par son rôle et sa situation sur le terrain, le poste de gardien nécessite un leadership auprès de ses coéquipiers et il doit communiquer – souvent en criant - une panoplie de directives à sa troupe durant les matchs.

Certains partenaires nécessitent plus d’encadrement et c’est le cas aussi au sein de l’Impact, mais qui est ce joueur qui exerce davantage les cordes vocales de Perkins?

«Je dirais Hassoun (Camara), tu dois le garder concentré parce qu’il devient très impliqué dans la partie et parfois très émotif. Mais je dois parler à tous les joueurs et ce n’est jamais négatif parce que c’est un plaisir de travailler avec une telle brigade», a spécifié le vétéran.

Menée par Alessandro Nesta et Matteo Ferrari, l’unité défensive de l’Impact exécute un peu le rôle d’une ligne offensive au football américain qui veille sur son quart-arrière. Le quatuor défensif et les milieux de terrain protègent Perkins qui apprécie leur brio.

«Nesta et Ferrari m’aident aussi pour lire le développement du jeu. Ils ont joué à de si hauts niveaux avec d’excellents gardiens que j’essaie d’apprendre d’eux.»

Justin Mapp, qui a été son cochambreur pour les matchs à l’étranger, ne s’est pas fait prier pour vanter et … taquiner son ami.

«C’est un vrai professionnel! Les jeunes joueurs, surtout les gardiens, peuvent définitivement s’inspirer de lui au niveau du comportement.»

«Mais c’est un peu difficile d’être cochambreur avec un gardien. Tous ceux que j’ai rencontrés sont un peu particuliers. J’ai apprécié sa compagnie même s’il est un peu spécial!», a-t-il ajouté en riant.

Un deuxième gardien numéro un 

Loin d’être flamboyant ou de vouloir attirer les réflecteurs, Perkins impose sans le vouloir une mission plus discrète à Evan Bush, son adjoint.

Membre de l’Impact depuis la saison précédant le saut en MLS, Bush a réussi à merveille la transition selon Dahha.

«En trois ans, j’ai vu une amélioration de 300 % dans son cas. C’est un gardien qui se forgera un grand nom dans la MLS que ce soit ici ou ailleurs, il sera un excellent gardien.» 

Evan Bush«Il est déjà un gardien numéro un, c’est juste qu’on ne peut pas mettre deux personnes sur la même chaise», a illustré l’entraîneur.

Conscient de son potentiel, l’Impact a décidé de confier les matchs du championnat canadien à Bush pour le récompenser et le placer dans des situations importantes.

Se plaisant à Montréal, Bush comprend qu’il doit patienter.

«Je me suis bien développé ici et je suis confortable dans cette organisation et la ville. Je me suis forgé des racines, mais c’est sûr que j’ai toujours voulu être le partant dans toutes mes équipes et ça ne changera pas», a répondu Bush sans vouloir faire de vagues. 

Guidé par Dahha et observateur aux premières loges de Perkins, Bush réalise que tous les outils sont à sa disposition pour peaufiner son art.

«Techniquement, Troy est probablement le meilleur gardien que tu peux trouver en MLS. Je peux apprendre de lui sur plusieurs aspects comme le contrôle du ballon, le jeu de pieds, le positionnement et des techniques d’arrêt. D’ailleurs, j’ai emprunté quelques éléments de son jeu», a remercié Bush.

«Youssef fait ressortir tellement d’éléments positifs de nous en travaillant avec autant d’énergie. Tu ne peux pas retrouver cela avec tous les entraîneurs de gardiens et c’est précieux», a valorisé Bush en plus de souligner son travail sur l’aspect mental du sport.

Mariage heureux avec l'Impact 

Youssef DahhaMarié depuis 17 ans, Dahha vit aussi une union heureuse avec l’Impact depuis 2004 et au fil de cette décennie, il a notamment contribué aux succès de Greg Sutton, Matt Jordan, Bush et Perkins.

Le père de deux garçons ressent de belles émotions par rapport à cette longévité, mais il s’empresse de lancer des fleurs à ses partenaires.

«Je dis souvent qu’une main n’applaudit pas, ça prend deux mains», a-t-il imagé en faisant référence à la complicité nécessaire des athlètes. «Les gardiens, je ne les forme pas, je les aide à continuer leur chemin et leur développement. Ils arrivent déjà avec des qualités et je dois les mener à 100 % de leur potentiel et les aider à rester au sommet, ce qui est exigeant.»

«Avant tout, je dois être à l’écoute de la personne avant l’athlète. Parce que si l’humain va bien, le sportif ira bien et on devient des psychologues à certains égards», a confié celui qui a participé aux Jeux olympiques de Séoul en 1988 comme gardien pour le Maroc.

Toutes les relations vivent des bas à travers les hauts et Dahha a traversé une telle période l’an dernier quand l’embauche de Marsch lui a imposé un détour avec l’Académie, mais ce revirement s’est révélé salutaire.

«C’était très difficile parce que je n’acceptais pas la décision, mais c’est devenu très bénéfique. J’ai redécouvert le côté formateur de l’Académie et ça m’a ramené vers les bases que j’avais quasiment oubliées avec l’exigence des résultats professionnels», a admis Dahha en remerciant Philippe Eullaffroy pour son aide.

Arrivé au Québec en 1990 en tant qu’étudiant, Dahha est demeuré parce que le milieu du soccer lui convenait. Après une année avec le Supra de Montréal, il s’est forgé un nom et un caractère durant 14 saisons semi-professionnelles. Au moment de sa retraite, Nick De Santis lui a ouvert les portes de la famille de l’Impact.

«Il a été mon mentor parce que je n’avais aucune idée de la réalité du sport professionnel. J’ai appris comment me comporter dans le vestiaire à l’image d’un nouveau joueur. C’est gros, c’est comme une jungle à apprivoiser avec les athlètes, les voyages …»

«Je devais être à la hauteur pour conserver cette chance. Comme gardien, j’étais un numéro un et je voulais l’être comme entraîneur donc j’ai travaillé très fort pour y parvenir. J’apprécie beaucoup le côté famille du club et je suis très fidèle même si des offres sont venues d’ailleurs», a conclu celui qui s’est bâti une solide réputation.