MONTRÉAL – Quand Evan Bush a répondu à l’invitation à souper de Troy Perkins juste avant de laisser derrière lui l’automne montréalais pour aller passer la saison morte dans son Ohio natal, il se doutait bien que c’était la dernière fois que les deux amis se voyaient en tant que coéquipiers.

Les signes ne mentaient pas. Quelques jours auparavant, lors du bilan de fin de saison de l’Impact, Perkins s’était vidé le coeur. Il avait l’impression d’avoir été injustement identifié comme le bouc émissaire pour les insuccès du club et ne se sentait plus désiré à Montréal. Puis, quand Bush avait franchi le seuil de l’appartement, il avait tout de suite vu les boîtes, remplies et scellées. Un déménagement était clairement dans l’air.

Il y avait aussi ce que Perkins ne savait pas. Bush ne pouvait en parler, mais l’organisation venait tout juste de lui consentir un nouveau contrat.

« Troy l’ignorait, personne ne le savait. L’équipe m’avait demandé de ne pas en parler pour l’aider dans ses négociations avec d’autres joueurs, alors je devais garder le secret. On n’avait pas vraiment parlé de sa situation non plus. C’était un peu bizarre », confiait ouvertement Bush, samedi, à la fin de la deuxième journée du camp d’entraînement de l’Impact.

Les indices ont finalement mené au dénouement attendu. Deux semaines avant Noël, l’Impact annonçait l’arrivée d’un nouveau gardien, Eric Kronberg, via le repêchage intra-ligue de la MLS. Un mois plus tard, Perkins trouvait du boulot chez les Sounders de Seattle.

Il n’y a donc plus d’ambiguïté. Après trois saisons passées à ronger son frein dans le rôle d’auxiliaire, d’abord derrière Donovan Ricketts et ensuite en s’élevant au niveau de Perkins, Evan Bush est le nouveau gardien numéro un de l’Impact.  

« S’il a atteint ce statut aujourd’hui, c’est qu’il le mérite. Il a travaillé fort et a prouvé à tout le monde qu’il est un numéro un avec son attitude et sa personnalité à l’extérieur du terrain », affirme l’entraîneur des gardiens de l’Impact, Youssef Dahha.

Bush, qui s’était progressivement immiscé dans son nouveau rôle en étant titularisé dans dix des douze derniers matchs de l’Impact en 2014, dit approcher sa quatrième saison en MLS dans un état d’esprit différent.

« Le message des entraîneurs et de la direction me procure la liberté d’entrevoir mon travail de la façon dont je veux réellement l’aborder. Quand on joue dans l’ombre d’un coéquipier, on n’a pas le choix d’être un peu plus patient. Maintenant, je ne peux plus me contenter de faire ma petite affaire. Il y a tout un travail d’adaptation à accomplir avec les gars devant moi. Ça exige une mentalité un peu différente, mais mon dévouement et ma concentration resteront les mêmes. »

« Bushy a toujours été très confiant. C’est un gars qui a du caractère, qui sait où il s’en va. Il a un plan de carrière, il se donne des objectifs et les atteint. Il sait que son rôle change, qu’il aura de plus grandes responsabilités sur le terrain et à l’extérieur de celui-ci, mais oui, je dirais que son niveau de confiance est plus élevé », a remarqué Dahha.

Pas de cadeau

Bush n’aura toutefois pas le luxe de s’asseoir sur ses lauriers. L’Impact veut créer un esprit de saine compétition à chaque position cette année, y compris celle de gardien de but. « Evan a tout fait pour mériter son poste, mais il doit le confirmer. C’est comme l’année dernière, insiste Dahha. Si Eric fait le travail, c’est sûr qu’on va y aller avec le meilleur, celui qui est prêt. »

Faites connaissance avec les petits nouveaux

Ne vous laissez pas endormir par la bouille sympathique de Kronberg. Le Californien de 31 ans, qui compte neuf années d’expérience dans la MLS, ne s’en vient pas à Montréal pour se la couler douce. Il a commencé 20 matchs pour le Sporting Kansas City la saison dernière, enregistrant sept blanchissages avant de subir une fracture à une main et il a l’intention de faire sa place avec sa nouvelle équipe.

« C’est un environnement compétitif très féroce, pas de doute là-dessus, a-t-il déjà pu constater. Evan est un très bon gardien, mais je dois lui faire la vie dure, le forcer à devenir meilleur. Pour moi, il n’y a pas de meilleur endroit qu’ici pour m’offrir le défi que je recherchais. »

Bush ne demande rien de mieux qu’un confrère qui le forcera à se surpasser. « C’est un besoin essentiel, croit-il fermement. C’était mon travail depuis trois ans. Un numéro un doit toujours se faire pousser par quelqu’un qui le garde sur le qui-vive, sinon il s’endort et ensuite c’est toute l’équipe qui s’endort. Et ça, on ne souhaite jamais ça. »

Kronberg se décrit comme un gardien qui aime se faire entendre et qui défend son espace avec autorité. À 6 pieds 4 pouces, il couvre bien son filet et se dit habile pour relancer l’attaque lorsque le ballon est à ses pieds.

« Je pense que tout le monde ici aura une chance égale de jouer. Si je joue mieux qu’Evan ou que Max (Crépeau, le troisième gardien) joue mieux que nous... je crois que tout le monde pourra faire ses preuves », anticipe le nouveau venu.

« J’ai déjà été dans sa position. Il voudra jouer des matchs, c’est normal. Il a été très actif l’an dernier, il a beaucoup d’expérience et c’est un très bon gardien. Et il y a aussi Max qui veut jouer. Mais malheureusement, on occupe une position unique. Ce n’est pas comme au baseball, où les lanceurs partants alternent. Il n’y a qu’un gars qui peut jouer », affirme Bush.

Et pour l’heure, du moins, la hiérarchie semble claire.

« On a trois profils de gardiens, expose Youssef Dahha. Un amateur qui devient professionnel, un jeune au sommet de son art et un autre qui, sans dire qu’il est en fin de carrière, a beaucoup plus de vécu en MLS. Mais quand on est allé chercher Eric, c’était vraiment parce qu’on avait besoin de son aide. Il est ici pour aider notre troisième et pousser le premier. Deuxième gardien, c’est un travail bien précis. Eric a occupé ce poste pendant plusieurs années, il sait comment s’acquitter de cette tâche. »

Une chimie à développer

La saison ne pourrait être plus jeune, mais Kronberg semble bien s’adapter à son nouveau milieu. « J’ai mes bottes d’hiver, pour la neige. Ça a été mon premier achat! », rigole-t-il. Mais plus sérieusement, le courant devrait bien passer entre les nouveaux partenaires parce que d’une certaine façon, Kronberg se reconnaît dans son jeune compatriote.

Prêts à travailler fort!

« Il est un peu plus habitué aux exercices de Youssef, j’ai encore un peu de rattrapage à faire de ce côté-là, mais sinon je crois qu’on est plutôt similaires. On a tous les deux dû trimer dur pour arriver où on est rendus. On travaille fort et on travaille bien ensemble. »

« Troy était très professionnel, il apportait une attention méticuleuse à tout ce qu’il devait accomplir sur une base quotidienne. J’ai toujours cru que c’était un point qu’on avait en commun et selon ce que je peux voir d’Eric jusqu’à présent, il semble posséder la même qualité, juge Bush. Troy et moi venons tous les deux de l’Ohio, on a été élevés de la même façon, avec les mêmes valeurs. Eric, lui, vient de la Californie, alors je ne sais pas trop si je découvrirai bientôt son petit côté plus libéral... On verra bien! »

Bush dit se faire un devoir de développer une bonne relation de travail avec ses compagnons de filets. « Ça rend la tâche de tout le monde beaucoup plus facile. Les entraînements sont ainsi plus agréables et tout le monde en sort gagnant », explique-t-il.

Mais ses patrons ne lui demandent que d’arrêter les ballons.

« Le reste, c’est mon travail! », s’exclame l’exubérant Dahha.