MONTRÉAL – Patrice Bernier l’a évoqué lui-même, on aurait pu facilement écrire un livre basé sur la saison rocambolesque qu’il vient de traverser, mais il en retiendra les plus belles pages, celles sur l’appui inconditionnel du public à son égard.

Pratiquement relégué aux « oubliettes » durant le régime de Frank Klopas, Bernier a gardé une place dans le cœur des partisans qui peinaient à comprendre le sort qui lui était réservé.

Il aura fallu l’ascension de Mauro Biello, son ancien coéquipier, au poste d’entraîneur pour qu’il puisse étaler le soccer de grande qualité qui se cache encore en lui. Son retour en force a culminé avec ses deux buts éliminatoires alors qu’il a pu ressentir l’ampleur de l’affection qu’il a tissée avec les amateurs.

Plutôt réservé dans ses émotions, le capitaine n’a pas caché que ce mouvement d’amour l’a touché droit au cœur.   

« C’était particulier cette année. Au final, pour cette saison, je regarde le positif et c’est le support que j’ai obtenu des gens. Je ne vais pas oublier cette saison pour tout ce qui est arrivé, mais surtout pour ça ! C’est difficile à expliquer avec des mots », a témoigné celui qui a la cote.

Cela dit, ça n’empêche pas que l’année 2015 a été remplie d’obstacles personnels à travers des réussites collectives.

« Ce fut rempli de hauts et de bas. Au moins, j’ai pu contribuer et vivre de grandes émotions à la fin. Quant au plan collectif, ce fut la meilleure des quatre saisons pour les émotions et les accomplissements », a convenu Bernier en rappelant que ce n’était pas évident de relancer la machine pour le calendrier MLS après l’euphorie de la Ligue des champions de la CONCACAF.

Durant ce tour de montagne russe, Bernier s’est réjoui d’avoir pu prouver qu’il était encore capable de s’illustrer sur le terrain. Cependant, il regrette encore que l’équipe ait échappé une participation à la Coupe du monde des clubs de la FIFA au Japon.

À 36 ans, Bernier comprend qu’il ne pourra pas réaliser ce rêve. Par contre, le numéro 8 ne se dirige pas pour autant vers la retraite ce qui en rassurera plusieurs. En effet, le capitaine a confirmé que le club avait exercé l’option sur son contrat.

Étrangement, c’est survenu cet été en plein tumulte.

« C’était déjà convenu qu’on devait en parler avec les dirigeants durant la saison, mais je ne voulais pas penser à 2016 parce que je sentais qu’on pouvait faire quelque chose de bien avec ce groupe. On mise sur une belle équipe, un bel état d’esprit et on a prouvé notre potentiel », a expliqué Bernier qui avait préféré demeurer discret sur cette nouvelle.

La suite est connue, l’entrée en scène de Didier Drogba et la confiance déplacée vers Biello ont métamorphosé le club. Bernier a toutefois rappelé que le changement ne provoque pas toujours les puissantes étincelles remarquées dans le paysage montréalais.

« J’ai déjà été dans d’autres équipes dans lesquelles des changements sont survenus sans que ça fonctionne. On s’est réveillé et, même nous, on a réalisé qu’on pouvait aller plus loin », a décrit Bernier qui place le championnat parmi les objectifs réalistes.

Mais pourquoi bon écrire un livre si le travail n’est pas complété et qu’il pourrait mener à une fin heureuse.

« Je ressens plus le sentiment de 2012 quand on avait le vent dans les voiles. Mon côté compétiteur me disait qu’on aurait pu accomplir davantage, mais on a vraiment bien fait. Le cycle qui s’en vient est prometteur. On a remis la locomotive en marche pour placer de grandes attentes envers la prochaine saison », a-t-il rédigé comme scénario.

Que faire pour mousser la relève de l’Académie?

Jusqu’à présent, les joueurs issus de l’Académie de l’Impact ont procuré certaines prestations inspirantes. On peut songer aux meilleures parties de Wandrille Lefèvre en défense centrale, aux contributions notables de Maxim Tissot à l’occasion et au but marqué par Anthony Jackson-Hamel.

Toutefois, les produits de l’Académie ont été limités à un rôle de spectateur durant les trois parties éliminatoires de l’Impact. Ces jeunes joueurs devront trouver une manière de percer l’effectif lors des rendez-vous d’envergure, mais ce n’est pas une mince tâche.

« C’est très important pour nous comme projet, mais ces joueurs doivent mériter leur place sur le terrain et sur le banc. Certains joueurs ont quand même contribué à quelques occasions. Oui, ils veulent jouer plus et on veut des joueurs de l’Académie sur le terrain sauf que notre Académie est jeune comparativement à celles qui existent depuis 40-50 ans », a exposé le directeur technique Adam Braz.

Biello est finalement récompensé

«  Je crois énormément en l’Académie, mais c’est certain qu’il faut équilibrer le développement de ces joueurs avec les victoires recherchées en MLS. Ça fait seulement trois ans que l’Académie est en place et je veux plus voir ce que nous allons accomplir dans les trois, quatre et cinq prochaines années. Si dans cinq ans, il n’y pas un seul joueur dans le grand club, je dirai qu’on a échoué. C’est trop tôt pour juger, même si on aimerait avoir des joueurs qui obtiennent plus de minutes », a ajouté le président Joey Saputo qui y investit des sommes colossales.

Le gardien Maxime Crépeau se retrouve aussi parmi les joueurs qui attendent leur tour. Ce produit de l’Académie s’inspire notamment de Wil Trapp (Crew) et Gyasi Zardes (Galaxy) pour croire à ses chances et celles de ses confrères issus du programme de développement.

« Franchement, je pense que tu dois saisir l’opportunité de te prouver peu importe c’est où. Il faut montrer qu’on peut être à la hauteur avec les gens de la première équipe. Trapp et Zardes ont été bâtis dans les Académies de leur club, ce sont des exemples que l’on peut suivre », a-t-il proposé.

Depuis qu’il se retrouve dans l’entourage de l’Impact, Crépeau n’a pas hérité d’une seule minute en MLS se contentant d’un poste de troisième gardien. Même si rien ne presse pour l’athlète de 21 ans, il désire se battre pour le rôle d’adjoint à Evan Bush en 2016. Cette fonction revenait à Eric Kronberg en 2015, mais il ne semblait pas enchanté par une autre utilisation aussi limitée.

« C’est mon objectif même si je n’ai pas encore eu de réunion avec les dirigeants. Je présume que ce sera le sujet principal de notre discussion. Je me sens prêt à relever le défi puisque côté football, je ne me sens pas derrière les autres pour me retrouver encore comme troisième gardien », a fait savoir l’élève de Youssef Dahha.

Lors du bilan, Crépeau était accompagné de Tissot, Jackson-Hamel et Cameron Porter. Même s’ils ont foulé le terrain, les deux premiers le comprennent très bien et ils ont hâte de jouer un rôle plus significatif.

L’Académie n’a pas encore formé un joueur d’exception, mais Bernier a lancé ce message aux jeunes qui rêvent d’une carrière professionnelle dans l’univers du soccer.

« Maintenant, nous avons une équipe professionnelle du plus haut standard à Montréal. L’Europe est toujours un rêve, mais tu peux avoir une belle carrière ici. Si vous m’aviez dit il y a 15 ans que je jouerais avec Di Vaio, Nesta, et Drogba, j’aurais dit que vous êtes fous. Avec l’Académie, il y a une voie pour développer ces jeunes et probablement permettre à certains de connaître une plus grande carrière que les nôtres », a déclaré Bernier.

Camara a testé la « dureté de son mental »

Pour son bilan, Bernier était accompagné de son bon ami Hassoun Camara devant les journalistes. Ce dernier a gardé le sourire devant la presse malgré une saison particulièrement éprouvante le limitant à neuf parties en MLS.

« Il faut être lucide sur cette année qui a été paradoxale pour moi alors que ce fut un grand parcours collectif, mais j’ai loupé beaucoup de matchs en raison d’une accumulation de blessures. C’est ma première expérience de la sorte et je peux dire que j’ai beaucoup appris. Je vais m’en servir pour être meilleur qu’avant. Heureusement, j’ai confiance en mes qualités donc je vais arriver en force la saison prochaine », a admis Camara qui espère revenir avec l’Impact pour rivaliser au poste de latéral droit ou de défenseur central.  

« C'est un grand moment pour moi »

Quant aux qualités collectives, elles ont été rehaussées par l’apport de l’entraîneur Enzo Concina.

« Il a été très important, j’ai envie de lui rendre ce qu’il a apporté à l’équipe. Dès son arrivée, on a vu qu’il avait l’intention d’élever le niveau du club à ce plan. Malgré plusieurs changements dans l’effectif, ça fonctionnait presque tout le temps. Donny (Toia) a réussi une saison extraordinaire, Ambroise a été très bon, Wandrille s’est avéré monstrueux à mon goût et il a été été aussi important que Laurent (Ciman) et Victor (Cabrera) même s’il a été moins mis en valeur. On a établi un standard qu’on veut garder », a-t-il félicité.

Celui qui est inspiré par les fondations érigées en 2015 a au moins contribué à dynamiser le climat au sein de l’effectif. Les preuves ont été nombreuses sur les réseaux sociaux avec de la musique, de la danse et surtout beaucoup de plaisir.

« L’ambiance était excellente à l’arrivée de Mauro. On a vu beaucoup de solidarité entre les joueurs dans le moment difficile d’un changement d’entraîneur. Avec l’arrivée de Didier, la présence d’Ambroise Oyongo, nos affinités avec l’Afrique et la musique, on a un peu réveillé le vestiaire. C’est une bonne chose, c’est à nous de construire une ambiance de groupe et ça aide à la cohésion. Ça nous donne l’impression de quitter une colonie de vacances, on a envie de revenir et partager d’autres bons moments », a conclu le sympathique athlète de 31 ans.