LONDRES (AFP) - L'Angleterre, la nation qui a inventé le soccer, s'est réveillée avec une solide gueule de bois vendredi après l'élimination de son équipe par le Portugal (2-2, 6 t.a.b. à 5) en quart de finale de l'Euro-2004, jeudi soir à Lisbonne.

"Seule l'extase du Portugal peut être comparée à la détresse des supporteurs de l'Angleterre", résumait The Independent vendredi.

La potion est d'autant plus amère, poursuit ce quotidien habituellement réservé, que c'est "un drame familier" qu'on a joué au stade da Luz. Le Onze anglais, excusez du peu, avait été "sorti" aux tirs au but au Mondial-90 en Italie, à l'Euro-96 à domicile et au Mondial-98 en France.

L'abattement était sensible vendredi matin dans le métro londonien et dans les bus. Des visages renfrognés, comme après une mauvaise nuit, étaient plongés dans les journaux ouverts aux nombreuses pages relatant le crève-coeur portugais sous toutes ses coutures.

"Volés!"

Si tous relevaient un nouveau coup du sort, la presse populaire n'a pas oublié d'accabler l'arbitre helvétique Urs Meier.

"Volés!", ont titré le Daily Mirror et le Daily Express, en référence au but refusé à Sol Campbell.

Dans sa première édition, leur grand rival The Sun, plus fort tirage du pays, avait associé la défaite à la sortie prématurée du nouveau buteur-miracle Wayne Rooney. Mais en début de matinée, le Sun a fini par honorer sa réputation chauvine et xénophobe en fustigeant à la Une le soi-disant "banquier suisse".

Les "boys" étaient épargnés dans l'ensemble. Leur capitaine, David Beckham, recueillait de mauvaises notes pour sa prestation jeudi, mais pas de commentaire rageur ni méprisant.

L'entraîneur (suédois) Sven Goran Eriksson et ses joueurs, attendus en fin d'après-midi à l'aéroport de Luton au nord de Londres, pouvaient s'attendre à un accueil compatissant.

Quelques échauffourées ont été relevées, notamment sur l'île anglo-normande de Jersey, où la police a dû disperser environ 1.500 supporteurs qui intimidaient des fans du Portugal. Incident comparable dans le Norfolk (ouest de l'Angleterre), où de nombreux supporteurs portugais se sont trouvés assiégés dans un pub appartenant à des compatriotes. Onze personnes ont été arrêtées et plusieurs policiers blessés.

Enfin, sept personnes ont été interpellées à Boston (Lincolnshire, ouest de l'Angleterre), où des bagarres de grande ampleur avaient éclaté le 13 juin après France-Angleterre (2-1).

"Courage!"

Depuis début juin, l'Angleterre, toutes catégories sociales confondues, s'était littéralement couverte de drapeaux anglais, la croix de Saint George rouge sur fond blanc. Du chauffeur-livreur à la "Jag" du cadre de la City en passant par les "black cabs", les célèbres taxis noirs, tout le monde arborait fièrement son drapeau.

L'idée que cette année serait la bonne, après 38 ans de disette depuis le sacre mondial de 1966, était entretenue par les articles parfois délirants à la gloire de Beckham, Rooney, Owen et les autres dans les tabloïdes.

Tôt vendredi, la marée de drapeaux avait déjà largement reflué, peut-être pour mieux ressortir en 2006.

"Courage! Il n'y a que 684 jours avant la Coupe du monde", écrivait ainsi le tabloïde Daily Star.

Dès vendredi en tous cas, les supporteurs anglais ont eu l'occasion de reporter leur ferveur sur le joueur de tennis Tim Henman, immense vedette du sport en Grande-Bretagne.

La tête de série N.5 du tournoi de Wimbledon affrontait Ivo Heuberger, un joueur relativement anonyme. Et suisse, comme M. Meier, ce que les journaux anglais ne semblaient pas avoir relevé.