BANGKOK (AP) - Des vallées enneigées de l'Himalaya aux villes saunas de la côte, l'Asie est saisie par la fièvre du ballon rond. Beaucoup d'amateurs restent éveillés la nuit pour suivre les matches de l'Euro 2004 et parient sur les rencontres.

A cause du décalage horaire, des employés -et parfois leur patron- arrivent au bureau dans un état second, quand toutefois ils se rendent au travail, après avoir regardé la télé jusqu'à fort tard dans la nuit. Le phénomène cause même des tensions dans certaines familles.

Selon un sondage réalisé auprès de 3.357 Chinois à Shanghaï, un tiers des personnes interrogées comptaient demander du temps libre à leur employeur pour pouvoir assister à au moins une partie des matches. Environ 19% disent avoir décidé d'acheter un poste de télévision plus grand pour mieux profiter du spectacle.

"Si vous vous couchez tard pour regarder une retransmission en direct, assurez-vous de pouvoir aller travailler et de ne pas arriver en retard", a recommandé la ministre malaisienne des sports, Azlina Othaman. Dans tout le pays, de nombreux clubs, restaurants et commerçants restent ouverts tard dans la nuit pour servir les noctambules passionnés.

Les courtiers à la Bourse de Malaisie notent une baisse de l'intérêt des investisseurs pour les cours des actions. "Les yeux fatigués à cause de l'Euro, beaucoup préfèrent rester en dehors du marché", souligne un courtier de Kuala Lumpur.

Le championnat d'Europe est aussi l'occasion pour beaucoup de s'adonner à un hobby illégal: les paris clandestins. Le Centre pour la suppression des paris sur le football créé par la police de Bangkok a annoncé avoir arrêté 37 bookmakers dans la capitale thaïlandaise ces trois dernières semaines, ainsi que 347 parieurs.

A Hong Kong, la police a arrêté neuf bookmakers non autorisés, et à Shanghaï, elle a démantelé un important réseau de paris sur Internet qui avait collecté plus de 20 millions de yuans (2 millions d'euros), ont rapporté les journaux.

Même si le football asiatique a du mal à percer sur le plan international, beaucoup d'amateurs sur le continent sont de véritable supporteurs d'équipes ou de joueurs européens ou sud-américains. "Je ne suis pas vraiment folle de foot mais j'aime David Beckham", explique Wiyada Ngamsom, une avocate thaïlandaise de 33 ans.

La France semble l'équipe favorite des exilés tibétains de Dharamsala, dans le nord de l'Inde, où les salons vidéo qui retransmettent les rencontres sont bondés. "Je pense que l'équipe française est très bonne. Zidane est un joueur excellent qui rend le jeu vivant avec son excellente technique", déclare Tsering Dolma, une Tibétaine de 26 ans, qui suit le tournoi toutes les nuits avec son mari.

Le football laisse toutefois indifférent dans le reste de l'Inde, pays où le cricket est roi. Un désintérêt qu'est loin de partager un Malaisien, dont la passion pour le ballon rond est même à l'origine d'une querelle conjugale.

Yap, 46 ans, s'était relevé du lit subrepticement en pleine nuit pour regarder le choc France-Angleterre. Il poussa un cri de dépit lors du premier des deux buts de Zinédine Zidane à la fin du match, mais n'eut pas le temps de ruminer sa déception.

Sa moitié, réveillée en sursaut, lui a arraché la télécommande des mains et lui a martelé le crâne avec. Elle a également confisqué la carte d'accès à un service de télévision payant pour l'empêcher de voir d'autres matches de l'Euro. "Ma femme ne comprend pas ma passion pour le football", s'est lamenté l'infortuné.