L'Euro de trop pour la France
Soccer samedi, 26 juin 2004. 12:06 mercredi, 11 déc. 2024. 07:46
LISBONNE (AFP) - Deux ans après l'alerte du Mondial-2002, l'élimination en quarts de finale de l'Euro-2004 au Portugal a confirmé pour la France le déclin d'une génération exceptionnelle et la nécessité de tourner le plus vite possible la page la plus glorieuse de son soccer.
Physiquement et psychologiquement usés par des saisons interminables et des matches à répétition, Zidane et consorts ont d'abord fait illusion au Portugal en trouvant des solutions, se reposant sur leur seul talent individuel.
Mais ils n'ont pas su assurer la transition entre deux générations, mettre en place un nouveau collectif ambitieux alors que les qualifications pour le Mondial-2006 débutent dès demain (1er match le 4 septembre contre Israël).
En prenant les rênes de l'équipe en juillet 2002, Jacques Santini avait décidé de mettre tout le monde sur un pied d'égalité. Cette formule avait fouetté l'orgueil des cadres et permis de relancer une machine que l'on croyait grippée.
"Protéger le groupe"
Mais, paradoxalement, comme l'analysait Santini, le match référence contre l'Allemagne (victoire 3-0 en amical en novembre 2003) "a peut-être réinstallé les joueurs dans une trop grande confiance". Officiellement, "il n'y a pas eu fracture entre joueurs mais des discussions". En fait, les jeunes n'ont pas eu droit à la parole.
Contre l'Angleterre (2-1), les deux exploits individuels de Zidane dans le temps additionnel ont fait croire que tout était reparti comme avant. Mais il n'en était rien. Santini le savait. Pourtant, il a préféré se taire: "J'ai essayé de protéger le groupe, d'apporter un peu d'harmonie. Aurait-il fallu les invectiver publiquement?"
L'Euro a basculé pour les Bleus contre la Croatie. En six minutes au début de la seconde période, les Croates instillaient le doute en prenant à la gorge une équipe qui se croyait déjà qualifiée. Le but litigieux, consécutif à une main de Trezeguet, permettait de sauver la face (2-2). Auparavant, après le deuxième but croate, Zidane avait pris le pouvoir en fustigeant ses troupes.
Les "vieux" de l'Euro-96 (Zidane, Desailly, Thuram et Lizarazu), échaudés par l'absence coupable de dialogue avec l'ancien sélectionneur Roger Lemerre, sont allés voir Santini dans la foulée pour réclamer des aménagements à son 4-4-2. "Je n'ai pas à m'épancher là-dessus. On ne peut pas tout maîtriser sur la vie de 23 joueurs, même si je me suis efforcé de mettre de l'huile dans les rouages", a juste lâché le sélectionneur, qui a accepté de faire des concessions au moment où il aurait peut-être fallu trancher dans le vif.
En fait, deux points principaux illustrent le déclin programmé d'un groupe de cadres repus de titres.
Déjà, sur le terrain, il manquait un pilote. Marcel Desailly, successeur désigné de Didier Deschamps, sans jamais en avoir eu l'aura, n'aura servi à rien. Sa seule présence à l'Euro, après une année blanche à Chelsea, relève déjà du mystère.
Lourde responsabilité
Par ailleurs, la relation Zidane-Henry, phénoménale en théorie sur le papier, n'a jamais existé dans la réalité. Ce n'est pas pour rien si depuis 1997, Zidane n'a jamais réussi à faire une passe décisive au buteur d'Arsenal. Le Madrilène, dans son rôle de meneur, a une tendance naturelle à mettre le pied sur le ballon pour jouer dans un petit périmètre alors qu'Henry se nourrit de ballons en profondeur et base son jeu sur la vitesse.
Pour compliquer l'équation, Trezeguet évolue lui aussi dans un registre différent et s'est cette fois contenté d'attendre, souvent en vain, des ballons sur mesure, tandis que Saha affichait beaucoup plus de complémentarité et de fraîcheur à chacune de ses rares apparitions.
Enfin, derrière, le sélectionneur n'a jamais trouvé la bonne solution, multipliant les changements au fil des matches, tout en refusant de faire une croix sur Desailly. En misant sur la polyvalence au détriment de spécialistes des couloirs, le futur entraîneur de Tottenham porte une lourde part de responsabilité. Il n'a en effet vu que le côté défensif alors que dans le soccer moderne les latéraux font souvent la décision.
Le nouveau sélectionneur va être confronté au même problème que celui de Santini il y a deux ans: un groupe de qualification relativement facile pour le Mondial-2006 et des cadres qui hésitent encore à tourner la page.
Le jeu de l'équipe de France était devenu triste et ennuyeux depuis quelques mois mais il s'en sortait grâce à la fameuse "culture de la gagne". En 2002, la thèse de l'accident de parcours avait prévalu. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Après 1998 (victoire en Coupe du monde) et 2000 (victoire en Championnat d'Europe), il est temps de passer à autre chose.
Physiquement et psychologiquement usés par des saisons interminables et des matches à répétition, Zidane et consorts ont d'abord fait illusion au Portugal en trouvant des solutions, se reposant sur leur seul talent individuel.
Mais ils n'ont pas su assurer la transition entre deux générations, mettre en place un nouveau collectif ambitieux alors que les qualifications pour le Mondial-2006 débutent dès demain (1er match le 4 septembre contre Israël).
En prenant les rênes de l'équipe en juillet 2002, Jacques Santini avait décidé de mettre tout le monde sur un pied d'égalité. Cette formule avait fouetté l'orgueil des cadres et permis de relancer une machine que l'on croyait grippée.
"Protéger le groupe"
Mais, paradoxalement, comme l'analysait Santini, le match référence contre l'Allemagne (victoire 3-0 en amical en novembre 2003) "a peut-être réinstallé les joueurs dans une trop grande confiance". Officiellement, "il n'y a pas eu fracture entre joueurs mais des discussions". En fait, les jeunes n'ont pas eu droit à la parole.
Contre l'Angleterre (2-1), les deux exploits individuels de Zidane dans le temps additionnel ont fait croire que tout était reparti comme avant. Mais il n'en était rien. Santini le savait. Pourtant, il a préféré se taire: "J'ai essayé de protéger le groupe, d'apporter un peu d'harmonie. Aurait-il fallu les invectiver publiquement?"
L'Euro a basculé pour les Bleus contre la Croatie. En six minutes au début de la seconde période, les Croates instillaient le doute en prenant à la gorge une équipe qui se croyait déjà qualifiée. Le but litigieux, consécutif à une main de Trezeguet, permettait de sauver la face (2-2). Auparavant, après le deuxième but croate, Zidane avait pris le pouvoir en fustigeant ses troupes.
Les "vieux" de l'Euro-96 (Zidane, Desailly, Thuram et Lizarazu), échaudés par l'absence coupable de dialogue avec l'ancien sélectionneur Roger Lemerre, sont allés voir Santini dans la foulée pour réclamer des aménagements à son 4-4-2. "Je n'ai pas à m'épancher là-dessus. On ne peut pas tout maîtriser sur la vie de 23 joueurs, même si je me suis efforcé de mettre de l'huile dans les rouages", a juste lâché le sélectionneur, qui a accepté de faire des concessions au moment où il aurait peut-être fallu trancher dans le vif.
En fait, deux points principaux illustrent le déclin programmé d'un groupe de cadres repus de titres.
Déjà, sur le terrain, il manquait un pilote. Marcel Desailly, successeur désigné de Didier Deschamps, sans jamais en avoir eu l'aura, n'aura servi à rien. Sa seule présence à l'Euro, après une année blanche à Chelsea, relève déjà du mystère.
Lourde responsabilité
Par ailleurs, la relation Zidane-Henry, phénoménale en théorie sur le papier, n'a jamais existé dans la réalité. Ce n'est pas pour rien si depuis 1997, Zidane n'a jamais réussi à faire une passe décisive au buteur d'Arsenal. Le Madrilène, dans son rôle de meneur, a une tendance naturelle à mettre le pied sur le ballon pour jouer dans un petit périmètre alors qu'Henry se nourrit de ballons en profondeur et base son jeu sur la vitesse.
Pour compliquer l'équation, Trezeguet évolue lui aussi dans un registre différent et s'est cette fois contenté d'attendre, souvent en vain, des ballons sur mesure, tandis que Saha affichait beaucoup plus de complémentarité et de fraîcheur à chacune de ses rares apparitions.
Enfin, derrière, le sélectionneur n'a jamais trouvé la bonne solution, multipliant les changements au fil des matches, tout en refusant de faire une croix sur Desailly. En misant sur la polyvalence au détriment de spécialistes des couloirs, le futur entraîneur de Tottenham porte une lourde part de responsabilité. Il n'a en effet vu que le côté défensif alors que dans le soccer moderne les latéraux font souvent la décision.
Le nouveau sélectionneur va être confronté au même problème que celui de Santini il y a deux ans: un groupe de qualification relativement facile pour le Mondial-2006 et des cadres qui hésitent encore à tourner la page.
Le jeu de l'équipe de France était devenu triste et ennuyeux depuis quelques mois mais il s'en sortait grâce à la fameuse "culture de la gagne". En 2002, la thèse de l'accident de parcours avait prévalu. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Après 1998 (victoire en Coupe du monde) et 2000 (victoire en Championnat d'Europe), il est temps de passer à autre chose.