Gabrielle Carle : L'organisation de notre vestiaire
COLLABORATION SPÉCIALE
Après quelques semaines de pause, les joueuses de KDFF sont de retour à l'entraînement. Depuis deux semaines déjà, nous nous préparons pour la seconde moitié de notre saison, qui débute le 6 août contre Kalmar IF. Puis, le 18 août, nous jouons notre premier match (et préférablement pas notre dernier) en Champions League contre le club hollandais Ajax.
Lors de la reprise de l'entraînement il y a deux semaines, je suis entrée dans notre vestiaire environ 45 minutes avant le début de l'entraînement, après un mois sans y avoir mis les pieds. Quelques secondes plus tard, je me suis retrouvée face à mon vestiaire, aussi en ordre que si une tornade y était passée. La tornade, c'est moi après notre match contre Pitea le 19 juin, laissant tous mes vêtements dans une petite pile désorganisée sur mon siège. Malgré le désordre, j'étais heureuse de retrouver la familiarité de notre vestiaire. Avec son plancher vert, ses 24 sièges et son sauna (essentiel pour survivre au froid des hivers scandinaves), nous y passons pratiquement autant de temps que nous en passons sur le terrain. C'est un endroit où l'humain et le joueur de soccer cohabitent, où les rires comme les larmes sont accueillies, où les conversations les plus sérieuses comme les plus loufoques sont échangées. L'atmosphère présente dans un vestiaire est un reflet des personnalités qui l'habitent, chaque vestiaire est donc unique et en dit beaucoup sur la dynamique de son équipe. En voici donc plus sur l'organisation de notre vestiaire, sur les rôles pris en charge par certaines joueuses dans celui-ci et sur l'énergie l'habitant à différents moments.
Dans notre équipe, 7 nationalités différentes sont représentées, et 4 langues peuvent être parlées simultanément. On pourrait donc penser que, pour éviter la formation de clans isolés et promouvoir la création de nouvelles connexions, il serait préférable que les joueuses internationales parlant la même langue ne soient pas assises côte à côte dans le vestiaire. Pourtant, Evelyne et moi sommes voisines de casiers, nos deux jeunes joueuses islandaises sont également l'une à côté de l'autre et plusieurs joueuses suédoises sont assises près des joueuses avec lesquelles elles passent le plus de temps en dehors du soccer. En vérité, je ne sais pas à quel point l'assignation des places dans le vestiaire est faite de façon délibérée, mais si j'avais à formuler une hypothèse, je dirais que Beta est entraîneur chef depuis trop longtemps pour que ce genre de détail soit décidé aléatoirement. Personnellement, lorsque je suis arrivée à KDFF en janvier, avoir Evelyne près de moi dans le vestiaire m'a aidé à me sentir plus confortable dans ce nouvel environnement. En général, je pense qu'avoir une voisine de casier avec qui on s'entend bien aide à créer une atmosphère détendue dans le vestiaire. Bien sur, ce n'est pas le seul facteur contribuant à une ambiance de vestiaire saine, et il est très probable que pour certaines équipes une organisation différente soit préférable, mais pour nous, c'est une disposition qui semble être avantageuse.
Parlons maintenant des rôles non officiels assignés à certaines joueuses dans le vestiaire.
La personne qui ressent le plus de pression est sans aucun doute celle qui occupe le rôle de « DJ », c'est-à-dire la personne en charge de la musique avant et après les entraînements et les matchs. Dans notre vestiaire, deux joueuses se séparent cette responsabilité: DB, une de nos deux joueuses américaines, et Harry, une défenseure suédoise. Les deux nous offrent des styles de musique différents, mais en général, leur musique est appréciée de tous. Le rôle le moins agréable, selon moi, est celui de « mère du groupe ». C'est la personne qui s'assure que le vestiaire reste en ordre. Au besoin, c'est elle qui lave les douches et qui balaye les planchers. Ce poste est occupé par Mia, une de nos vétérantes, qui volontairement veille à ce que notre vestiaire soit toujours présentable. Finalement, un rôle qui demande beaucoup d'énergie et d'entregent est celui de rassembleur. C'est incontestablement Evelyne qui occupe cette position. Avec son énergie contagieuse, elle sait comment inclure toute personne présente dans une conversation, créant une atmosphère ouverte et propice aux interactions dans notre vestiaire.
Le niveau d'énergie présent dans notre vestiaire varie grandement. En général, l'ambiance avant un entrainement est plutôt joviale et décontractée, à l'exception des entraînements du matin, où la moitié de l'équipe, moi incluse, n'est pas encore tout à fait réveillée. Sans surprise, aucune ambiance n'est comparable à celle des jours de matchs, où énergie et anticipation sont palpables. Chaque joueuse se prépare physiquement et mentalement à sa manière, connectées par le rythme de notre playlist d'avant-match. Le vestiaire maintient généralement son caractère jovial, mais la concentration requise pour le match à venir amène également un certain sérieux à l'ambiance. Bien évidement, l'énergie présente après un match varie en fonction du résultat du match. Après chaque victoire, membres du personnel et joueuses se rencontrent dans le vestiaire pour célébrer ensembles le temps d'une chanson, la même à chaque fois: On The Floor, de Jennifer Lopez. Après une défaite ou une nulle décevante, l'atmosphère dans le vestiaire est naturellement beaucoup moins enjouée, mais le blâme de la défaite n'est jamais attribué à une ou quelques joueuses, nous savons que nous sommes toutes responsables de la performance collective que nous venons de livrer. Donc, le vestiaire est silencieux, mais il maintient son environnement accueillant et sans jugement pour ses joueuses.
Pour terminer, la performance d'une équipe sur le terrain est en partie dictée par sa chimie hors du terrain. Cette connexion entre les joueuses d'une équipe n'est pas nécessairement instantanée, c'est un atout qui se bâtit en y accordant temps et effort. Avoir un vestiaire où toutes se sentent incluses et qui cultive une atmosphère propice au développement de l'équipe offre donc un énorme avantage, et je considère que c'est un avantage dont notre équipe bénéficie.