Parfois la réalité dépasse la fiction. Qui aurait pu imaginer un tel scénario? Quelle façon d'entrer dans les quarts de finale! Avec le Portugal et l'Angleterre, on avait deux styles diamétralement opposés, deux écoles de pensées, un entraîneur de glace et un de feu…

Tout aurait pu se jouer très vite. Pris à contre-pied, les défenseurs du Portugal se sont fait prendre par Michael Owen qui marquait son premier but de l'Euro à la 3e minute de jeu. Peu habitués à contrer une attaque avec deux joueurs en pointe, on joue plutôt avec trois serveurs et un attaquant en "Super Liga", on a pu penser l'espace d'un instant que les Anglais avaient trouvé la recette pour éliminer rapidement la troupe de Figo.

Puis Rooney s'est blessé et on a senti une cassure dans le jeu anglais. Le jeune prodige de 18 ans est sorti en boitillant, emportant avec lui une partie des espoirs de l'Angleterre pour laisser entrer le doute. Son remplaçant Vassel est loin d'avoir la même complicité et les mêmes automatismes avec Owen et subitement l'attaque anglaise perdait de son tonus. D'autant plus que Beckham est resté tristement silencieux pendant tout le tournoi. Il fallait un réveil du capitaine pour lancer les troupes. Et ne surtout pas faire l'erreur des Espagnols contre les Grecs et de l'Italie contre la Suède; s'enfermer dans un score de un à zéro aussi confortable qu'un lit de fakir…

C'est pourtant ce qu'ils ont fait. Scolari, comme un vieux sorcier trafiquant ses potions magiques, a concocté des changements avec une intuition frisant la voyance. Postiga, à sa première présence à l'Euro, marque le but de l'égalisation sur une passe de Simao rentré 12 minutes avant lui. Quand on se rendra en prolongation, c'est encore un remplaçant, Rui Costa sur une course magnifique, qui placera les Portugais sur le chemin de la victoire… avant que Lampard ne vienne remettre le compte à égalité sur une reprise de corner étourdissante.

Deux prolongations, un but en argent annulé par l'égalisation, il fallait donc en venir aux tirs aux buts. Le moment dramatique par excellence qui fait frémir les amateurs de foot de toute la planète, mais qui fait porter l'odieux de la défaite sur un joueur, celui qui rate son tir au moment inopportun.

Qui n'a pas encore en mémoire ce tir de Roberto Baggio au-dessus du filet à la finale de la Coupe du monde 1994 et qui donnait ainsi la victoire ultime au Brésil. Peut-être que Baggio pourrait lâcher un coup de fil à Beckham ce soir pour le consoler d'avoir raté le premier tir de la série (son troisième penalty raté consécutif, il y a de quoi déprimer…).

De cris de joie en hurlements de désespoir, de moments d'exaltation suivis d'instants de pure terreur, il aura fallu un gardien pour en déjouer un autre et donner la victoire au Portugal. Encore une fois, les Anglais ne réussissent pas à passer la malédiction des tirs de barrage.

Pour le Portugal, le faux-pas contre la Grèce est oublié. Il s'est découvert une richesse et une profondeur qu'il nous avait bien cachées en entame de tournoi. Il sait maintenant qu'il a des atouts qui débordent de ses cadres réguliers que le vieux brigand de Scolari peut sortir de sa manche à sa guise. La victoire rien d'autre, disait-il. On serait bien tenté de le croire maintenant.