BERLIN (AFP) - La 18e Coupe du monde de football, qui s'achève avec la finale Italie-France à Berlin, dimanche, aura consacré une approche du jeu tactique, avec des équipes d'abord bâties pour ne pas encaisser de but, au détriment de formations portées sur le jeu et vite éliminées comme le Brésil.

L'Italie et la France, mais également l'Allemagne et le Portugal qui doivent s'affronter samedi pour la 3e place, ont bâti leur succès sur la maîtrise et la rigueur. Pour les deux finalistes, cela s'est en plus traduit par des défenses imperméables: 1 but (contre son camp) encaissé par l'Italie, 2 pour la France.

Les défenses sont-elles mieux armées, où les grands attaquants disparaissent-ils, toujours est-il qu'en 62 matches disputés, 141 buts ont été inscrits, soit une moyenne de 2,27 buts par match. L'édition 2006 ne restera pas dans l'histoire: il faut remonter au Mondial-90 pour trouver pire (2,21).

La rigueur était manifestement toute européenne, puisque pour la première fois depuis 1982 (et pour la 4e dans l'histoire), il n'y a pas eu de sélection sud-américaine en demi-finales.

Et les autres? A la trappe: l'Afrique, qui organisera pourtant le Mondial en 2010, n'a eu qu'un représentant en 8e (le Ghana), tandis que les équipes asiatiques n'ont pas franchi le 1er tour quatre ans après la demi-finale de la Corée du Sud. La tradition, bousculée en 2002 (Sénégal, Etats-Unis et Corée du Sud en quarts), a prévalu.

Le Brésil, champion du monde en titre - et quintuple vainqueur -, ainsi que son grand rival, l'Argentine, ont été les principales victimes de ce Mondial.

La Seleçao, venue en Allemagne avec le statut de "mais-qui-pourra-battre-le-Brésil?", a explosé dès lors qu'elle a dû se frotter à une équipe bien mieux organisée qu'elle, la France (0-1), sa bête noire dans l'épreuve (3 défaites en 1986, 1998 et 2006). Le "carré magique" - Kaka, Ronaldinho, Ronaldo, Adriano - qui devait tout casser a été asphyxié.

Retour de bâton

Trop sûr de lui, le Brésil a cru pouvoir se reposer sur ses phénoménales individualités, ne procédant pratiquement jamais, par exemple, à des réglages tactiques à l'entraînement. Mais cela s'est fait au détriment du collectif et le retour de bâton a été sévère.

Une notion de collectif que l'on retrouve chevillée au corps des Français - "Notre mot à nous, c'est: +on doit tous mourir ensemble+", a expliqué le capitaine Zidane après la demi-finale - et plus encore chez les Italiens qui ont puisé dans les sombres affaires du Calcio un surcroît de motivation. Signe complémentaire de solidarité pour la Squadra Azzurra: ils ont marqué 11 buts grâce 10 buteurs différents, et cinq fois grâce à des remplaçants.

L'Argentine avait elle aussi des airs de "dream team" avec Riquelme, Saviola, Tevez, Messi, Crespo ou Aimar. Mais après un 1er tour brillant, elle s'est heurtée à l'Allemagne (1-1, 2 t.a.b. à 4), victime, aussi, du coaching défaillant de son sélectionneur José Pekerman: alors que son équipe menait 1 à 0 contre les Allemands, ses changements ont désorganisé sa formation.

"Depuis le début de la Coupe du monde on voit que toutes les équipes qui jouent au ballon ont été éliminées: l'Argentine, l'Espagne, le Brésil... Sur des compétitions comme ça, l'organisation défensive est primordiale", analysait justement Willy Sagnol après France-Brésil.

"Rien ne sert de courir, il faut partir à point", aurait pu ajouter le défenseur français: franchement peu inspirés au 1er tour (0-0 face à la Suisse, 1-1 contre la Corée du Sud), les Bleus ont retrouvé leur football à partir des 8e de finale (3-1 contre l'Espagne).

La condition physique a également joué un rôle majeur. La leçon du Mondial 2002, où nombre de joueurs étaient apparus au bout du rouleau, a été retenue. L'Allemagne et, plus encore, la France ont été en pointe en ce domaine.

Les trentenaires Zidane, Makelele, Thuram et Vieira, dont l'état de forme laissait songeur en mai, pris en main par un préparateur physique, sont montés en puissance au fil de la compétition et ont été les moteurs de la réussite française. Idem pour le capitaine et défenseur italien Cannavaro.

Trentenaires en vogue

Les trentenaires n'auront jamais été autant en vogue d'ailleurs. Zidane aura crevé l'écran. A 34 ans, le champion du monde 98 peut s'offir un deuxième titre mondial pour le dernier match de sa carrière. D'idole des Français, il deviendrait légende planétaire.

Tout comme il n'y a pas eu de surprises au fil des tours - les huit têtes de série en 8e, six anciens champions du monde en quarts en plus de l'Ukraine et du Portugal -, aucun talent n'a ainsi éclaté comme Pelé ou Beckenbauer naguère.

Si le Français Ribéry a séduit par sa vitesse, tout comme l'Allemand Odonkor ou le Portugais Cristiano Ronaldo, si les attaques espagnole (Torres, Villa), argentine (Messi, Tevez) et néerlandaise (Robben, van Persie) ont de l'avenir, ce sont des valeurs sûres qui ont tiré leur épingle du jeu.

Et si l'Allemand Klose (5 buts) est bien parti pour terminer meilleur buteur, c'est pourtant Ronaldo qui a inscrit son nom dans l'histoire. Gros ou pas - les critiques n'ont jamais cessé à son égard -, l'attaquant brésilien a marqué 3 buts et battu un record mythique: avec 15 buts en quatre participations (mais il n'a pas joué une seule minute en 1994), il est devenu le meilleur buteur de l'histoire devant l'Allemand Gerd Müller. Une petite consolation pour le Brésil.