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RÉSULTATS

La vie d'athlète au temps du ramadan

Mohamed Farsi Mohamed Farsi - Getty
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MONTRÉAL – À la 19e minute du match entre le Crew de Columbus et le Real Salt Lake, samedi dernier, une caméra d'Apple TV capte une scène insolite au banc de l'équipe locale. Dans son objectif, le Québécois Mohamed Farsi, agenouillé, profite d'une brève trêve dans le jeu pour mâcher frénétiquement une substance inconnue qu'il engloutit avec une bonne lampée d'une boisson énergisante.

L'équipe de commentateurs, d'abord confuse, finit par éclairer le téléspectateur interloqué. La rencontre vient d'être interrompue par les officiels pour permettre aux joueurs observant le ramadan de briser leur jeûne.

Le ramadan est le neuvième mois du calendrier islamique. Durant cette période, les personnes de confession musulmane s'abstiennent de manger et de boire entre le lever et le coucher du soleil. Les enfants, les femmes enceinte ou les gens affectés par une condition médicale, notamment, sont exemptés de cette pratique.

Parce que les exigences de leur métier peuvent être jugées incompatibles avec une telle privation, il n'est pas rare de voir des athlètes de haut niveau s'en soustraire. Farsi, pour sa part, n'y a jamais dérogé même à mesure qu'il montait les échelons du soccer professionnel.

« Pour être honnête, ce n'est pas aussi difficile qu'on le pense, juge le Montréalais de 23 ans, amusé lorsqu'on évoque son récent caméo gastronomique sur les lignes de touche. Les gens qui ne le font pas pensent que c'est vraiment, vraiment dur, mais non. »

Le matin du match contre RSL, comme à tous les jours depuis l'ouverture du ramadan le 22 mars, Farsi s'est réveillé à 5 h pour prendre le déjeuner avant l'apparition des premiers rayons lumineux. « Pour moi, c'est un petit "dej" sucré : crêpes, fruits, smoothie, un shake protéiné et deux toasts », partage-t-il. Ensuite, ça a été le retour au lit jusqu'à ce qu'il soit l'heure de partir pour l'entraînement.

Lors du premier rassemblement du Crew après le début du ramadan, l'entraîneur-chef Wilfried Nancy a pris la peine de s'adresser à ses joueurs pour leur expliquer ce que Farsi et son coéquipier Steven Moreira s'apprêtaient à vivre. La discussion a porté sur l'ouverture d'esprit, celle que le personnel d'entraîneurs entendait démontrer à l'égard des deux joueurs, mais aussi celle qui était attendue de leurs compagnons.  

« On nous a clairement fait comprendre que s'il y avait une journée où on se sentait moins bien, on n'avait qu'à le dire », raconte Farsi. Il arrive que le préparateur physique Jules Gueguen leur accorde un allègement lors d'un exercice trop exigeant. « C'est toujours apprécié de travailler avec un groupe qui est ouvert d'esprit... qui te laisse vivre, en vérité. »

« Je n'ai pas moins d'énergie »

Farsi, qui se décrit lui-même comme un adepte de la sieste, passe généralement une partie de l'après-midi au lit. La protection du sommeil, dans une période où les réveils sont plus précoces et où on se met la tête sur l'oreiller plus tard qu'à l'accoutumée, est un aspect à ne pas négliger pour minimiser les pertes d'énergie.

« C'est un truc auquel on ne pense pas forcément, mais c'est vrai. Pour moi, c'est vraiment important d'avoir mes trois repas. Mais si je coupe le jeûne à 20 h, personnellement je ne peux pas manger de nouveau à 21 h ou 21 h 30. Mon gros souper, je le prends vers 23 h. »

Bien repu, Farsi n'est toutefois pas au lit avant minuit. « La nuit, je dors peut-être un peu moins, mais j'essaie de compenser pendant la journée. »

Farsi a observé le ramadan il y a trois ans lorsqu'il portait les couleurs du Cavalry de Calgary en Première Ligue Canadienne. Même chose la saison dernière alors qu'il cartonnait en MLS Next Pro avec la réserve du Crew. Il assure que malgré les longues heures sans ingérer de calories, les jours de matchs ne lui ont jamais causé problème.

« Des fois, j'ai l'estomac qui gargouille et j'ai faim, forcément. Mais en terme d'énergie, je trouve que je ne cours pas moins que si je ne jeûnais pas. Je me sens bien et apte à fournir les mêmes efforts. Peut-être que je suis un peu plus fatigué, que je m'essouffle un peu plus vite, mais je ne pense pas que ça se voit », dit, sourire en coin, le dynamique défenseur latéral.

À Columbus, Farsi reçoit l'aide de Kyla Cross, la nutritionniste de l'équipe, pour établir un plan nutritionnel adéquat. Mais les années d'expérience lui ont aussi appris à connaître son corps et à bien identifier ses besoins.

« J'aime bien manger des dattes pour ouvrir. [Au moment de la pause contre RSL], j'en ai pris deux ou trois. J'ai aussi pris un peu d'électrolytes et des petits bonbons pour ajouter un peu d'énergie. C'est ma façon à moi d'ouvrir mon estomac. Je sais, par exemple, que si je prends une banane, je vais probablement prendre une crampe au ventre. Alors j'essaie d'y aller un peu plus léger. À la mi-temps, je refais la même chose. »  

Lorsqu'il n'y a pas de match, le premier repas de Farsi est généralement composé de dattes, d'une soupe et de lait. Trois heures plus tard, il optera pour quelque chose de plus consistent comme des pâtes, du poisson et du riz.

« Je ne trouve pas ça trop difficile, répète-t-il. Il y a des jours qui sont plus durs que d'autres, mais à la fin de la journée, je mange comme si de rien n'était. Je jeûne pendant 12-13 heures... ensuite j'ai 11-12 heures pour manger. »

Le Crew disputera deux autres matchs, contre D.C. United et le Revolution de la Nouvelle-Angleterre, avant la fin du ramadan le 20 avril.