MUNICH (AFP) - La tendance des arbitres à dégainer plus vite que leur ombre au Mondial-2006 de soccer a déjà permis à certaines équipes de jouer sur cette peur de l'avertissement en quart de finale, grâce à un coaching pertinent, et devrait jouer un rôle clé dans les demi-finales à venir.

Les entraîneurs ont maintenant intégré dans leur gestion le déluge d'avertissements de cette Coupe du monde, poussé jusqu'à la caricature par l'arbitre russe Valentin Ivanov, nouveau détenteur du record en la matière en Coupe du monde avec 16 cartons jaunes et 4 rouges lors de Portugal - Pays-Bas en 8e de finale.

Ainsi, la rentrée dans les rangs allemands d'Odonkor (62e minute) en quarts face à l'Argentine, n'a pas été seulement déterminante sur un plan offensif, même si tout le monde se souviendra que ce "super-sub" (super-remplaçant en anglais) est à l'origine de l'action de l'égalisation de la Mannschaft (1-1 a.p., victoire des Allemands 4 t.a.b. à 2).
La fougue d'Odonkor a surtout permis de neutraliser le capitaine argentin Sorin, sous le coup d'un avertissement depuis la 42e minute et qui a été obligé de se retenir dans les contacts avec l'impétueux ailier allemand.

Gattuso indifférent

José Pekerman, le sélectionneur argentin, aurait-il dû sortir Sorin? Difficile à dire. Au début du tournoi le match Tunisie-Arabie Saoudite (2-2), qui n'avait pas le même enjeu et n'opposait pas deux gros calibres, a offert le parfait contre-exemple.

Persuadé que "quand un joueur prend un carton jaune en Coupe du monde, ce n'est plus le même", le sélectionneur des Tunisiens, Roger Lemerre, a sorti trois de ses quatre joueurs avertis, pour son plus grand malheur: deux de ses changements ont entraîné deux buts de l'adversaire dans les deux minutes suivantes.

Pour ce qui est de l'avenir, le sélectionneur allemand Jürgen Klinsmann ne pourra peut-être pas utiliser la même ficelle face à l'Italie, en demi-finale mardi à Dortmund. Il existe ainsi des joueurs pour qui la peur du carton n'existe pas, comme Gennaro Gattuso, le milieu de la Squadra Azzurra, qui pourrait être pourtant privé de finale en cas de nouveau jaune.

"A vrai dire, ça n'a pas d'importance, si je prends un nouvel avertissement et si c'est pour le bien de l'équipe", assure le joueur de l'AC Milan. De toute façon, si je ne joue pas la finale, d'autres joueurs la joueront à ma place et pourront faire aussi bien".

Zidane sous la menace

L'équipe du Portugal a quant à elle montré dans ce Mondial qu'elle avait des ressources pour surmonter les suspensions. Les deux cartons rouges et les neuf cartons jaunes reçus en 8e de finale face aux "Oranje" n'ont pas empêché les Lusitaniens d'éliminer l'Angleterre en quart de finale.

Les Portugais ont même habilement manoeuvré avec l'abitre après la faute de Rooney (sur Ricardo Carvalho), finalement exclu.

Une caméra a ainsi capté un étrange sourire sur les lèvres de Cristiano Ronaldo après ce carton rouge pour l'Anglais, pourtant son partenaire à Manchester United.
Les cartons seront sans doute déterminants pour France-Portugal en demi-finale mercredi à Munich.

Alors que le rusé Luiz Felipe Scolari, sélectionneur brésilien des Portugais, exalte depuis le début du tournoi "l'esprit guerrier" de ses troupes, la France se présentera avec cinq de ses onze titulaires -Willy Sagnol, Lilian Thuram, Patrick Vieira, Franck Ribéry et Zinédine Zidane- sous le coup d'un avertissement. Sans oublier Louis Saha, entré en jeu et également averti.

Et contrairement à Gattuso, "Zizou" tient plus que tout au monde à jouer une éventuelle finale, pour tirer en beauté le rideau sur sa formidable carrière.