Par Claudine Douville - C'était un match attendu, mais surtout une équipe attendue. L'Espagne, l'une des grandes favorites du tournoi, championne d'Europe, alignant des joueurs de première catégorie à tous les postes sur le terrain, invaincue en phase de qualification, faisait son entrée dans le tournoi…une entrée où aura retenti le plus gros coup de tonnerre de la Coupe du monde jusqu'à maintenant.

La Suisse, qui n'a pas passé le cap des huitièmes de finales depuis 1954, a fait exactement ce qu'il fallait faire devant un tel adversaire : défendre et attendre. Patiente, réglée comme un métronome, la Suisse a profité de l'occasion qui lui était offerte pour marquer l'unique but de la rencontre. Et pourtant…

On a assisté à tout un ballet espagnol, un flamenco éblouissant où les Ibères, refusant de partager le ballon avec leurs adversaires, ont tout fait…sauf marquer. Avec cinq joueurs du Barcelone et trois du Real Madrid sur le terrain, l'entente des joueurs était parfaite. Le milieu de terrain tenu par Xavi et Iniesta se plaçait en distributeur de jeu efficace et alimentait les avants, dont Torres entré à l'heure de jeu, qui ont décoché pas moins de 24 tirs dont 8 cadrés sur le but de Benaglio, très sollicité dans les dernières minutes alors que les artilleurs espagnols tiraient avec l'énergie du désespoir. Une possession de balle effarante, frisant les 80%-20% à l'occasion pour terminer sur une statistique de 63%-37%, 12 coups francs, 12 corners…que fallait-il à l'Espagne pour l'emporter? Il fallait surtout que la Suisse craque, ce qu'elle n'a pas fait.

Déjà entrer au vestiaire à la mi-temps en ayant gardé le marqueur à 0-0, c'était une victoire morale…et quand au retour Gelson Fernandes a scoré à la 52e minute, les Suisses pacifiques se sont transformés en gardes pontificaux, en corps d'élite redoutable qui résista aux attaques répétées et incessantes, mais toujours infructueuses, des conquistadores espagnols…

L'Espagne n'est pas sortie, loin de là. Mais alors qu'elle pouvait s'offrir une balade tranquille, elle devra plutôt se lancer dans de nouvelles corridas. Avec la terrible perspective d'affronter éventuellement le Brésil en huitième de finale si elle termine deuxième (et si le Brésil sort premier de son groupe), elle n'a plus droit à l'erreur, plus droit à l'hésitation. Mais pour ce soir elle est jusqu'au cou dans le chocolat. Suisse bien sûr.

En ouverture de journée, le Chili et le Honduras se sont livré un duel intéressant, vivant et enthousiaste. Ce n'était pas le match le plus parfait d'un point de vue technique, mais les deux équipes ont montré un engagement qui a fait défaut à plusieurs formations de plus grande réputation. Le but de Beauséjour à la 34e minute de jeu fut le seul du match. Mais même si le Chili n'a pas su se mettre à l'abri malgré quelques occasions franches, les trois points récoltés valent maintenant leur pesant d'or, surtout au terme de la rencontre Suisse-Espagne. Et justement le prochain match dans ce groupe sera entre les deux meneurs. Ils auront gros à jouer!

Enfin, l'Afrique du Sud revenait dans le tournoi pour le dernier match du jour, contre l'Uruguay. Les deux équipes ont un point au classement dans un groupe où figurent le Mexique et la France. Certains ont fait grand cas du statut de pays hôte de l'Afrique du Sud, alléguant que jamais un pays hôte avait raté le passage au deuxième tour. Portés par les vuvuzelas en match d'ouverture contre le Mexique, les Sud-Africains avaient plutôt bien paru démontrant une belle vitesse et beaucoup d'envie. Scénario très différent aujourd'hui…L'Uruguay s'était bâti une confiance en tenant tête à la France et cette confiance a pris de l'ampleur avec le but de Forlan sur une frappe de loin à la 24e. Un tir qui a surpris le gardien sous la barre transversale.

Du coup l'équipe locale était secouée et n'a jamais pu trouver dans son cahier de charge, un argument qui pourrait lui permettre de revenir au score. Tous les espoirs se sont envolés quand l'arbitre suisse Massimo Bussaca a sifflé un pénalty contre l'Afrique du Sud et le gardien Khune qui a accroché du bout du pied le dangereux Suarez qui n'a pas été ménagé dans le match. Khune était en position de dernier défenseur et à partir du moment où M.Bussaca décidait de punir le geste, il n'avait d'autre choix que d'appliquer le règlement à la lettre : penalty et expulsion du gardien. Ce fut le seul moment dans cette Coupe du Monde où les vuvuzelas se sont tues… En marquant contre Moneeb Josephs entré à froid dans cette situation chaude, Diego Forlan, l'homme du match, prenait la tête des buteurs de la Coupe. Le dernier but a été réussi alors que l'âme des Bafana Bafana avait déjà déserté le terrain, comme des centaines de spectateurs d'ailleurs. L'Uruguay se place donc en bonne position en soignant sa différence de buts tandis que l'Afrique du Sud devra affronter la France, privée de son gardien partant et de son milieu Dikgacoi pour accumulation de cartons. Le chant de la vuvuzela risque de sonner comme un chant de clairon…

Jeudi six autres équipes feront leur deuxième tour de piste. L'Argentine contre la Corée du Sud en lever de rideau, puis la Grèce et le Nigéria pour ensuite arriver au débat France-Mexique. On a tous les scénarios : deux gagnants qui s'affrontent dans le premier match, deux perdants dans le second et deux tenants de match nul dans le troisième. Mais pour tous un point commun. C'est leur avenir dans cette Coupe du Monde qui se joue demain.