D'abord toutes mes excuses pour avoir un moment douté de Manchester United. Des huit quart-finalistes de la Ligue des Champions, c'est bien la prestation des joueurs de Sir Alex qui aura été la plus impressionnante, la plus complète, la plus aboutie. Et ce dans un contexte loin d'être évident…

On avait coutume, ces dernières années, de voir un MU essentiellement concentré sur sa palette offensive. Solide derrière, à l'occasion, mais si peu assidu sur son replacement, sa récupération et ses transitions que l'édifice pouvait s'écrouler à tout moment. Ce qui fut, d'ailleurs, assez régulièrement le cas ces dernières années (à Milan l'an passé, contre Benfica, Madrid ou Porto en remontant encore plus loin).

Au fil des semaines, au fil des matches, au fil des petites modifications dans l'organisation du jeu, cet United a accumulé cohésion, maturité et l'«in-quantifiable» savoir-faire sur la scène européenne qui permet de maîtriser à peu près n'importe quelle situation.

Digne du grand Milan

À Rome, ce n'est pas tant la qualité offensive de Man'U. qui aura marqué les esprits que son organisation exemplaire. Avant tout, son jeu sans ballon. Dans une configuration surprenante (Park et Anderson titulaires, Giggs, Hargreaves et Tevez sur le banc), Manchester s'est d'abord employé à mettre à profit les absences de Totti et Perrotta pour brouiller le système de jeu de la Roma, à commencer par ses organisateurs, De Rossi, Pizarro, voire Aquilani. Acceptant parfois de subir, mais de subir sans véritables conséquences. Des doublons Park-Brown et Rooney-Evra sur les cotés pour bloquer les solutions secondaires de Rome sur les ailes, une défense centrale axée sur deux concepts - ne pas reculer et limiter les appels de Vucinic. Une défense centrale à peine perturbée par la sortie de Vidic, bien remplacé par un O'Shea sobre et sûr.

C'est avec cet acquis que Manchester a pu ensuite placer son jeu. Jusqu'à ce premier but. Qui conclut une très longue phase de possession avec mouvements, avec un Scholes super-disponible, présent d'un bout à l'autre de l'action. Un magnifique geste de Rooney, contrôle orienté-feinte-coup de rein, qui élimine quatre joueurs de la Roma. Scholes décalé et le centre parfait pour le jaillissement de Ronaldo.

Ensuite, Manchester a joué une partition assez digne du Milan AC de ces dernières années. Tenir une phase de pression adverse assez soutenue, ponctuée de deux interventions décisives de Van der Sar. Et appliquer la deuxième couche, avec une grosse tonne d'opportunisme (Rooney). Sans oublier deux occasions supplémentaires pour Cristiano Ronaldo.

CRonaldo, maître du jeu

À son sujet, on dira qu'il est tout simplement en état de grâce cette saison. Tout ce qu'il entreprend, même le plus osé, fonctionne. Pas un hasard. En ce moment, il rayonne d'autorité, de confiance. Chacun de ses gestes est marqué de cette absolue certitude. Vrai qu'il ne s'est pas encore totalement départi de certains «gris-gris», même s'il s'est sérieusement calmé dans ce domaine. Il doit cependant faire terriblement attention. L'important n'est pas qu'il «chambre», volontairement ou non, ses adversaires. L'important est qu'un jour ou l'autre un défenseur puisse penser qu'il le fait sciemment, et décide de faire un puzzle 1000 pièces avec ses jambes. Ce qui serait un tragique gâchis pour un joueur appelé à rayonner sur le jeu de façon durable.

Fin de parenthèse. Sur sa lancée, MU peut sérieusement envisager une fin de saison en apothéose. Aussitôt après le match retour, ils accueilleront Arsenal en Championnat, avant de se rendre à Chelsea le 26. Titre anglais en jeu. Sur ce que l'on voit en ce moment, ce MU-là est bel et bien la génération la plus à-même de rejoindre celle de 99.

Arsenal frustrant

Ce qui nous envoie directement à l'autre choc de ces quarts de finale, Arsenal - Liverpool (1-1). Match ouvert, plus agréable qu'attendu. Essentiellement marqué par l'inefficacité récurrente d'Arsenal et l'à-propos tactique de Liverpool. Honnêtement, les «Gunners» auraient pu prendre un avantage, voire un avantage net, en deuxième mi-temps. Lancés vague après vague après vague sur la défense de Liverpool qui semblait au fil des minutes de plus en plus en difficulté sur les attaques de son adversaire.

Oui, il y a eu le contre de Bendtner à l'entrée du but de Liverpool qui prive sans doute Arsenal de la balle de match. Il y a peut-être un pénalty pour une faute de Kuyt sur Hleb. Mais au-delà, il y a cette énorme domination d'Arsenal, dans la possession comme dans le territoire, incapable d'être concrétisée de façon nette, franche, décisive.

Cette équipe possède, sans doute mieux qu'une grosse majorité de «poids lourds» européens, une insolente aisance technique, dans son jeu au sol, ses mouvements collectifs, à une, deux touches de balle, et l'implication de cinq, six, voire sept joueurs à la fois sur certains mouvements offensifs. Qu'elle ne parvienne pas à transformer plus souvent cet avantage en buts demeure un petit mystère. Lié peut-être à la nature de son jeu, léché à l'extrême - parfois jusqu'à la parodie dans son obstination à «picoter» autour de la surface adverse. Rarement aura-t-on vu une équipe aussi à l'aise dans son approche, dans ses phases de domination, et aussi timorée au moment de prendre ses chances, tirer au but.

Gerrard dans la tourmente

En Ligue des Champions, Arsenal nous régale d'étincelles depuis des années, sans jamais parvenir à allumer le feu de joie. Manque, peut-être, tout simplement, de ce savoir-faire, de ce métier que Manchester semble aujourd'hui avoir apprivoisé et qui aura toujours été la seconde nature de Liverpool. Car même à la peine, même au bord de l'asphyxie en fin de rencontre, les joueurs de Rafa Benitez ont toujours eu en tête un objectif final. Tenir ce 1-1 pour se retrouver à Anfield avec un pas d'avance. Tenir, subir, sans oublier d'aller chercher à l'occasion chaque possibilité de contre capable de faire trembler Arsenal. De l'amener, insidieusement, à ne pas s'ouvrir complètement, à ne pas jouer à fond par crainte d'un retour de bâton, comme sur l'égalisation.

Dans ce domaine, celui de la maturité, de la sérénité dans la tourmente, Benitez possède deux maîtres du genre, avec Gerrard et Mascherano, énormes mercredi dans des registres différents. Si Liverpool a gagné un léger avantage de ce match aller, rien ne dit qu'un Arsenal en pleine possession de ses moyens n'est pas capable d'inverser la tendance à Anfield.

Barcelone éteint le feu

N'ayant pas encore vu les deux autres rencontres en intégralité, il m'est un peu difficile d'en parler trop longuement. Barcelone semble avoir choisi d'éteindre le feu né de sa dernière défaite en championnat. Face à un adversaire d'entrée sur la défensive, les Catalans ont poussé le peu de temps qu'il a fallu pour marquer, par Bojan. Ensuite, ils ont choisi de contrôler, sans trop s'exposer, même si Schalke s'est offert quelques occasions en deuxième mi-temps. À 1-1 comme à 1-0, le Barça se serait retrouvé en assez solide position avant le retour et pour le moment cela suffit à son bonheur.

Chelsea de son coté a grillé son droit à l'erreur à Istanbul. Menant 1-0 et avec deux ou trois occasions nette de plier la rencontre, les joueurs d'Avram Grant ont finalement laissé Fener' revenir dans la partie, l'équipe de Zico prenant même l'avantage (2-1) face à une défense qui lui a finalement laissé beaucoup trop de place (trop sûrs d'eux?). Si les «Blues» demeurent favoris avant le retour, leur marge de manœuvre demeure on ne peut plus restreinte, Séville l'ayant appris à ses dépens au tour précédent. Encore une fois, Grant ne sortira pas grandi de cet affrontement, ses choix (Essien en latéral, Malouda titulaire, Anelka entré pour seulement 4 minutes) apparaissant de plus en plus passifs, toujours en réaction et jamais avec un temps d'avance - ce qui était l'une des grandes qualités de Mourinho.