BERLIN (AFP) - Lilian Thuram, défenseur modèle, citoyen engagé, symbole de la France qui gagne, devrait tirer un trait sur sa carrière internationale après 121 sélections en équipe de France de football - un record - à l'issue de la finale du Mondial-2006 contre l'Italie, dimanche à Berlin.

Le Guadeloupéen, 34 ans, va se retirer avec des états de service irréprochables en bleu et, peut-être, un ultime sommet dans le stade Olympique de Berlin.

S'il reproduit la même performance qu'en demi-finale contre le Portugal, où il fut infranchissable - et élu Homme du match -, il ne devrait pas être loin d'un 2e titre mondial.

Mais, quoi qu'il arrive, "Tutu" restera surtout, et à jamais, associé à une date, le 8 juillet 1998.

L'instant, magique et un peu irréel, reste gravé comme une image forte du sacre mondial. A genoux, l'index sur la bouche, Thuram vient de marquer deux buts face à la Croatie en demi-finale de la Coupe du monde et semble se poser une question existentielle: "Pourquoi moi?".

"Pour l'instant je savoure cette Coupe du monde, je prends beaucoup de plaisir parce que je me dis que c'est la dernière, déclarait-il lundi, presque 8 ans après cet épisode magique. Après, si je vais continuer en équipe de France? Pour le bien de tout le monde, il faut que je m'arrête, parce qu'à cet âge-là..."

Thuram avait déjà pris sa retraite internationale après l'Euro-2004 avant de revenir à l'été 2005 à la demande du sélectionneur Raymond Domenech. Il est le joueur français le plus capé de l'histoire avec 120 sélections.

Centre d'intérêt

Défenseur infatigable, intraitable sans jamais se montrer violent, polyvalent au point de se voir longtemps positionné à droite de la défense un peu contre son gré, Thuram a toujours rallié les suffrages, même dans la tempête comme en 2002 et 2004.

L'Antillais a tout gagné en sélection: champion du monde (1998), d'Europe (2000) et vainqueur de la Coupe des Confédérations (2003).

En club, c'est un peu différent. Elu meilleur étranger du Championnat d'Italie en 1997, vainqueur de la Coupe de l'UEFA (Parme 1999), quadruple champion d'Italie (Juventus Turin 2002, 2003, 2005, 2006), il n'a pas encore le palmarès que son talent mérite. Il n'a jamais remporté la Ligue des Champions, par exemple.

Mais, de ce côté là, son avenir est très incertain. Non seulement parce que son âge, et la lassitude, pourraient l'inciter à arrêter complètement. Mais plus encore parce que son club, la Juventus Turin, a de fortes chances d'être relégué en 2e ou 3e division dans l'affaire des matches truqués du Calcio.

L'homme a cependant d'autres centres d'intérêt à approfondir, loin du monde égocentrique du football. Engagé auprès d'Amnesty international depuis 2000, notamment pour soutenir le combat contre les ventes d'armes légères, membre du Haut conseil à l'intégration en France, Thuram possède une image de sage.

Prêter sa notoriété est pour lui un moyen de comprendre et de faire comprendre. "Un joueur de football a une aura particulière, j'aide à faire passer un message, assure-t-il. Mais je fais ça aussi pour ma culture personnelle, j'essaie d'être attentif aux problèmes du monde pour avoir un jugement plus proche de la réalité."

"Racaille"

Dernièrement, il n'a de surcroît pas hésité à se faire entendre que ce soit pour défendre les mesures contre le racisme adoptées par la Fédération internationale (Fifa), inciter les jeunes à voter ou répondre au ministre de l'Intérieur. Ce dernier avait déclenché une polémique en France en qualifiant certains jeunes, en pleine crise des banlieues, de "racailles".

Il a ainsi effectué sa première grande "sortie" politique en novembre, à Fort-de-France (Martinique), pour s'adresser à Nicolas Sarkozy. "Moi aussi on me disait: +tu es une racaille+. Mais je ne suis pas une racaille. Ce que je voulais c'était travailler. Il n'a peut-être pas saisi cette subtilité", avait notamment déclaré un Thuram qui se disait "énervé".

Ses débuts face la République tchèque (2-2) le 17 août 1994 marquaient aussi la première sélection d'un certain Zinédine Zidane, autre "monument" dont la carrière épouse les hauts et les bas de Thuram et qui raccrochera définitivement ses crampons dimanche soir.

Après dix années en bleu, jalonnées de succès, Thuram est devenu une figure familière et sympathique pour le public, à l'image de ce grand bonhomme chaussé de fines lunettes venant chercher son équipement en chantonnant doucement "Allez les Bleus", le 12 juillet 1998, avant la finale du Mondial France-Brésil.

Lilian Thuram en bref

Nom: Thuram
Prénom: Lilian
Date de naissance: 1er janvier 1972
Lieu de naissance: Pointe-à-Pitre (Guadeloupe)
Nationalité: française
Taille: 1,85 m
Poids: 79 kg

Sport/poste: Football/défenseur

Clubs successifs: Monaco (1990-1996), Parme (ITA/1996-2001), Juventus Turin (ITA/depuis 2001)
1er match en 1re division: 22/05/1991, Toulon-Monaco (1-1)

Equipe de France:
Sélections: 120, record français (112 fois titulaire, 8 fois remplaçant, 3 fois capitaine)
Buts en sélection: 2
1re sélection: 17/08/1994, France-République tchèque (2-2)
1er but en sélection: 08/07/1998, France-Croatie (2-1)
Dernière sélection: 05/07/06, Portugal-France (0-1)
Dernier but en sélection: 08/07/1998, France-Croatie (2-1)

Palmarès:
Coupe du monde 1998
Championnat d'Europe des nations 2000
Coupe des Confédérations 2003
Championnat d'Italie 2002, 2003, 2005, 2006
Coupe d'Italie 1999
Supercoupe d'Italie 1999, 2002, 2003
Coupe de l'UEFA 1999