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La première chose qui frappe en regardant le tableau des quarts de finale de cette Coupe du monde est la sévère homogénéité des participants. Au premier coup d’oeil, on va dire « États-Unis contre Europe ». C’est vrai, mais l’analyse demande à être poussée au-delà : il s’agit avant tout d’un tableau de pays riches (on vous laisse aller encore plus loin, il y a  d’autres couches à gratter).

Il existe aujourd’hui un « club » d’une douzaine de pays capables d’investir de façon conséquente (et régulière) dans leur programme national féminin et il est exclusivement représenté dans ces quarts de finale. Aux huit encore en course on ajoutera Japon, Espagne, Canada et Australie (toutes présentes en huitièmes) et voilà que se dessine une « Première Division » internationale qui devrait perdurer.

En tête, des pays comme les États-Unis ou l’Angleterre peuvent dépenser au bas mot 20 millions de dollars annuels sur leur programme. Les autres membres de ce club investissent entre 7 et 10 millions. Les chiffres ne sont pas toujours disponibles (certains n’indiquent qu’une somme globale incluant équipes nationales masculines, féminines, jeunes, futsal et beach-foot). Mais il existe une tendance forte et destinée à durer.

Pour en revenir au jeu, le tableau des quarts est intéressant à défaut d’être vraiment original, même si Pays-Bas - Italie est une première à ce niveau. On a pu voir nos huit qualifiées varier leur présentation au cours du tournoi, laissant souvent planer quelques questions. Maintenant qu’elles ont fini leurs devoirs, il est temps de l’examen, de voir celles qui sortiront au mieux sur leurs qualités.

Du tableau ressort avant tout ce France - États-Unis, le choc entre les deux équipes généralement présentées comme les favorites du tournoi. Les Françaises connaissent un parcours un peu plus compliqué qu’attendu. Le projet de jeu de Corinne Diacre est bien défini, résolument offensif et tourné vers la création d’espaces, mais manque encore de liant et de variété devant le but. Il serait ainsi nécessaire d’impliquer un peu plus une attaquante comme Le Sommer, trop souvent en périphérie lors des deux derniers matches. L’autre point gênant entrevu face au Brésil est un manque de conquête dans l’entrejeu : les Françaises peuvent dominer le milieu avec une très bonne circulation de ballon, elles ont été parfois dominées dans les duels au moment de le regagner. Ce qui peut les laisser perméables à des accélérations autour de leur défense centrale, Norvège et Brésil l’ont montré.

Les Américaines ont connu un premier test important contre l’Espagne qui leur a posé des difficultés avec un pressing assez agressif sans être trop haut. La distribution du jeu en a souffert et elles ont beaucoup moins créé dans le jeu que d’habitude. Ce qu’elles ont montré, c’est qu’elles demeurent toujours capables de débloquer quelque chose sur une action individuelle (Rapinoe, Lavelle) et sont elles aussi capables de hausser le volume dans le duel au milieu. Les Espagnoles ont cependant su les pousser un peu plus bas et les Françaises auront noté les problèmes que Garcia aura su générer sur son aile droite. Sa présence a grandement empêché Dunn de participer au jeu d’attaque, ce qui aura beaucoup manqué. Et comme les attaquantes américaines ne font pas toujours les efforts pour défendre, elles peuvent être vite exposées par des attaquantes rapides et incisives (ce que les Françaises possèdent). Naeher et sa défense demeurent aussi une valeur inconnue dans l’équation, lorsque soumises à une pression soutenue.

Les quarts débutent cependant jeudi avec Norvège - Angleterre. On revient vite sur les clichés, mais la Norvège possède avant tout une excellente organisation, solide au milieu où Boe Risa et Engen sont discrètes, mais essentielles pour fermer vite les espaces, ralentir les mouvements adverses et récupérer le ballon. La valeur ajoutée est assurément devant avec des individualités (Graham Hansen, Herlovsen, Reiten) habiles balle au pied et sachant se mettre vite en position de frappe. C’est une équipe qui sait remarquablement bien contrer, tout en étant capable aussi de développer du jeu d’attaque plus classique.

L’Angleterre n’a pas non plus montré toute l’étendue de ses capacités. Et il est difficile de prendre ses deux derniers matchs comme référence. Contre le Japon, elle s’est fixé pour objectif de casser les lignes de jeu de l’adversaire - le faisant avec efficacité, au point d’empêcher les Japonaises d’attaquer -, mais clairement au détriment de son propre jeu, alors réduit à quelques accélérations, très efficaces c’est vrai. Face au Cameroun, le match n’a jamais vraiment pris de rythme et il est difficile d’en tirer des conclusions, à commencer par une défense qui s’est régulièrement déconcentrée en deuxième mi-temps, ce qui ne devrait pas être le cas contre les Norvégiennes. Ce quart est sans doute l’occasion de voir un peu plus Jill Scott et Fran Kirby prendre le contrôle au milieu et d’utiliser les courses toujours bien pensées de Tony Duggan.

Allemagne - Suède est une nouvelle page au chapitre d’une des rivalités les plus anciennes sur la scène internationale. Elles se croisent avec régularité au Mondial, aux J.O., à l’Euro. Tournoi après tournoi, elles semblent destinées à se retrouver à un moment ou un autre. Les Suédoises ont montré face au Canada l’essentiel de leurs atouts: excellente organisation, fermeture des espaces, solidarité (jamais une joueuse n’est laissée à elle-même dans une situation de duel). Et un excellent jugement des moments où jaillir, les quelques accélérations (et le but) face au Canada l’ont montré. Kosovare Asllani démontre enfin l’étendue de son talent, maintenant qu’elle évolue dans un rôle un peu plus reculé (qui l’isole moins que lorsqu’elle jouait en pointe). Avec deux joueuses rapides devant (Jakobsson, Blackstenius), la Suède ne varie pas vraiment son jeu d’une rencontre à l’autre.

Les Allemandes font pour le moment profil bas. On ne parle pas trop d’elles, elles ne font pas les gros titres. et ça leur va très bien, merci. Et sans qu’on s’en rende pleinement compte, voilà une équipe qui progresse, qui gagne en confiance au fil du tournoi. Tranquillement, elle règle ses problèmes d’efficacité devant le but. Le retour de Marozsan, absente depuis le deuxième match en raison d’une blessure à un orteil, pourrait être la pièce nécessaire: sa technique et sa distribution balle au pied peuvent varier les attaques allemandes et sa présence devrait du même coup résoudre le casse-tête de la distribution des rôles au milieu de terrain, avec la présence de deux vraies défensives derrière elle. Les Allemandes ont été perméables aux contres et généralement aux attaques rapides face au Nigeria, cette réorganisation au milieu devrait leur être profitable dans le contrôle du jeu.

Reste enfin Italie - Pays-Bas, deux invitées un peu moins habituées que les autres, mais clairement venues là pour rester durablement. Les Néerlandaises proposent un modèle « breveté », en vigueur dans toutes les sélections nationales, à savoir un 4-3-3 qui se transforme en 2-4-4 en phase offensive, les latérales montant haut, souvent en même temps, combinant avec les ailiers pour élargir le terrain tandis qu’une joueuse supplémentaire (généralement Van de Donk) vint se glisser au coeur de la ligne d’attaque, souvent pour jouer en remises courtes et rapides sur Miedema ou, le cas échéant vers Martens ou Van de Sanden, celles-ci pouvant revenir très vite vers l’intérieur. Au centre du système, Spitse et Groenen assurent la distribution vers l’avant. Sans ballon, une première ligne de pression est offerte par les attaquantes, visant dans un premier temps à empêcher une transition rapide de l’adversaire et permettre le replacement du bloc. C’est l’essentiel de la contribution défensive du trio et si l’adversaire peut enchaîner vite, les Pays-Bas peuvent peiner et laisser leur défense centrale exposée.

C’est arrivé face au Japon et c’est un domaine où l’Italie peut trouver de quoi développer son jeu. C’est une équipe que l’on a vu clairement tiraillée entre une excellente organisation défensive (Gama - Linari, sans doute l’une des meilleures paires du tournoi, complété par Giugliano juste devant elles) et une volonté de ressortir très vite vers Bonansea, Giacinti et Girelli. Cette dernière n’est pas tant une attaquante qu’un milieu créatrice très avancée. Dont la position à mi-distance pose problème aux défenses: aller la chercher et risquer de laisser un espace libre derrière ou la laisser venir et permettre aux Italiennes d’attaquer en nombre avec un soutien arrivant de l’arrière? Cette envie de jouer vers l’avant a failli leur coûter cher contre la Chine, perdant peu à peu le contrôle du milieu (avant un rééquilibrage tactique en cours de match qui en dit long sur leur flexibilité) et qu’un adversaire un peu plus habile devant aurait pu mieux exploiter.

Ces quarts sont somme toute bien équilibrés: la balance peut a priori légèrement pencher d’un côté avant le coup d’envoi, on a pu voir que chacune des huit a les moyens de rétablir un certain équilibre et de pouvoir aller jouer sur ses qualités. C’est bien ce qu’on demande maintenant, de les voir sortir toutes au maximum de leur potentiel.