BERLIN (AFP) - Zinédine Zidane n'est plus un joueur de soccer, il est désormais un joueur qui appartient à la légende, malgré une finale ternie par un geste de folie et une exclusion, dimanche contre une Italie qui l'a privé d'adieux en apothéose et d'une deuxième étoile de champion du monde (1-1 a.p., 5 tab à 3).

La carrière de +Zizou+ s'est donc terminée à Berlin, là où il rêvait d'en finir, là où le N.10 et capitaine français voulait que tout s'arrête. Mais pas de la cette façon-là, tête basse rentrant au vestiaire en regardant un Materazzi auquel il venait d'asséner un coup de tête dans le torse après que celui-ci lui ai dit des mots. Lesquels ? Peu importe. Ce fut le rouge direct.

Alors +Zizou+ s'éclipsa avec le maillot des Bleus sur le dos, comme il l'avait voulu, comme le symbole de son amour pour une équipe de France qui est un peu l'histoire de sa vie, lui l'homme du 12 juillet 1998, l'homme de la première étoile tricolore.

Il aurait pu devenir l'homme du 9 juillet 2006, avec ce penalty converti à la 7e minute d'une insolente balle piquée qui heurta la barre avant de rentrer. Mais le sort -et Materazzi- en décidèrent autrement.

Adieux gâchés

Etouffé par les Italiens en première période, comme ses coéquipiers, Zidane a quand même joué son rôle de capitaine à plein, en réunissant le conseil des anciens avec Makelele, Thuram et Vieira (33e), en parlant à Ribéry ou Abidal ou en rassurant tout le monde avec quelques gestes de classe, comme cette déviation de l'intérieur de la cuisse (43e).

Il rentra aux vestiaires en prenant soin de ne pas regarder le trophée dorée, posé sur un socle. Sûrement une superstition.

Ses roulettes devant Gattuso -qui ne le lâchait pas d'une semelle- enchantèrent les fans français qui scandèrent son nom à l'heure de jeu. Juste avant, il avait failli se muer en passeur décisif pour Malouda, séché dans la surface (53e).

Un frisson parcourut le stade quand il ne se releva pas après un choc aérien avec Cannavaro (79e). Il fit le signe du changement en montrant son épaule. Mais resta sur le terrain.

En prolongation, fatigué par ses efforts, on le vit rater quelques dribbles mais pas sa tête devant Buffon qui sortit une claquette magistrale (104e), gâchant ce qui aurait été le plus monumental des adieux, huit ans après les têtes victorieuses du 12 juillet.

Gâchés, ses adieux le furent quand même par sa -pour l'heure- inexplicable exclusion. Il laissa ses +potes+ finir à dix.

Pour sa 108e sélection, le capitaine de l'équipe de France aura donc vécu dans la tristesse sa petite mort de joueur. Une petite mort qui devait être un grand soir, le point final du roman d'une vie en bleu-blanc-rouge, que personne d'autre, aussi inspiré et imaginatif soit-il, n'aurait pu écrire.

Sauveur

Zidane, revenu en sauveur de la patrie en août 2005, avait décidé au printemps que sa carrière s'arrêterait à l'endroit où l'équipe de France s'arrêterait en Allemagne. Mais comment imaginer alors qu'il porterait ces Bleus en blanc aussi haut, presque tout en haut, à 34 ans, lui qui n'avait plus gagné un titre depuis 2003 (championnat d'Espagne) ?

En Allemagne, après des débuts timides accompagnés des railleries de la presse étrangère, il a failli connaître l'humiliation d'une sortie gâchée, indigne, avec la peur que son remplacement à la 91e minute de France-Corée du Sud soit la dernière image que l'on garde de lui: un regard noir perçant, une superbe ignorance pour le sélectionneur Raymond Domenech et un geste de rage.

Suspendu contre le Togo, il a vécu la qualification des Bleus pour les 8e de finale dans l'intimité du vestiaire français, laissant ses camarades se charger de son destin et lui offrir le jour de ses 34 ans un cadeau magnifique: jouer encore un match de football.

C'est après que Zidane est redevenu Zidane, dans un déluge d'éloges et de superlatifs. Respirant l'odeur des grands matches, "ZZ" a disputé chaque rencontre comme si sa vie en dépendait. Peut-être parce que, justement, sa vie -de joueur- en dépendait. Trois buts (Espagne, Portugal, Italie), deux passes décisives sur coups francs (Espagne, Brésil): il a eu un rôle direct sur cinq des six buts marqués par la France depuis des 8e à la finale.

Le monde entier, qui avait les yeux braqués sur Zidane dimanche, souhaitait une fin à mesure. Il aurait aimé s'en offrir une à sa démesure, avec deux étoiles sur son coeur bleu.