ZURICH - Sepp Blatter a été reconduit à la présidence de la FIFA à la suite de l'abandon d'Ali ben al-Hussein.

Le Suisse de 79 ans se voit ainsi confié un cinquième mandat à la présidence de la fédération internationale de football, frappée par le plus important scandale de ses 111 ans d'histoire.

Blatter a aisément remporté le premier tour du scrutin par une avance de 60 voix (133-73, trois bulletins invalidés) sur le Jordanien de 39 ans, mais il devait obtenir les deux tiers des voix, soit 140, pour l'emporter directement.

Avant que le deuxième tour de scrutin ne soit amorcé - à l'issue duquel une majorité simple aurait été suffisante pour couronner le gagnant - al-Hussein a consulté son entourage avant d'annoncer qu'il concédait la victoire à son adversaire.

Russie et Qatar à l'origine du scandale

En matinée, Blatter avait déclaré que le pire scandale de corruption de l'histoire du football trouvait son origine dans la décision de la FIFA d'octroyer les deux prochaines Coupes du monde à la Russie et au Qatar.

Blatter a refusé de démissionner après que la FIFA eut été la cible des autorités américaines et suisses, qui ont mené deux enquêtes distinctes sur des allégations de corruption.

En 2010, la Russie a été choisie pour accueillir le Mondial 2018 et le Qatar s'est vu confié l'organisation du tournoi de 2022 dans la tourmente, alors que plusieurs estimaient que des actes répréhensibles avaient été commis pour truquer ces deux votes.

« Si les noms de deux autres pays étaient sortis de l'enveloppe, je pense que nous n'aurions pas tous ces problèmes aujourd'hui, a déclaré Blatter. Mais nous ne pouvons pas revenir en arrière. Nous ne sommes pas des prophètes. Nous ne pouvons dire ce qui serait arrivé. »

Les États-Unis cherchaient à obtenir la Coupe du monde de 2022. Mercredi, le FBI a accusé 14 personnes de corruption, de faude et de blanchiment d'argent pour des événements qui remontent jusqu'au années 1990. Sept de ces personnes, dont deux vice-présidents de la FIFA, ont été arrêtées à Zurich mercredi.

« Je ne vais pas utiliser le mot 'coïncidence', mais je me pose la question », a remarqué Blatter au sujet du moment choisi pour mener ce raid.

« Aller FIFA! »

Les deux enquêtes criminelles ont jeté une ombre sur le règne de 17 ans de Blatter à la tête de la FIFA. Jeudi, le président de l'UEFA, Michel Platini, a exigé la démission de Blatter, mais ce dernier a refusé.

« Je suis prêt à accepter que le président de la FIFA soit responsable de tout, mais je voudrais au moins partager cette responsabilité avec tout le monde, a dit Blatter dans son adresse présidentielle de vendredi matin. Nous ne pouvons superviser tout le monde d'une façon constante. (...) Vous ne pouvez pas demander à tout le monde de se comporter de façon éthique. »

Blatter a également prévenu que de rétablir la réputation de la FIFA prendrait du temps.

« Les événements de mercredi ont donné lieu à une tempête. Ce congrès et son agenda ont même été remis en question. Aujourd'hui, j'en appelle à notre unité et à notre esprit d'équipe afin que nous puissions aller de l'avant ensemble. Ça ne sera probablement pas toujours facile, mais c'est pour cette raison que nous sommes réunis ici aujourd'hui. »

 Et à la fin c'est Blatter qui gagne

Depuis 1998, l'élection présidentielle à la Fifa est souvent agitée, et le cru 2015 a fait très fort avec un scandale planétaire de corruption, mais, comme d'habitude, Joseph Blatter, l'a emporté, pour un mandat de quatre ans, à 79 printemps.

"Blatter, c'est Blatter!", a résumé Jérôme Valcke, secrétaire général de la Fifa, soit le No 2 de l'instance.

 1998 - Blatter No 1, aidé par Platini. Certaines archives télé font sourire aujourd'hui: Blatter, entré à la Fifa en 1975 et devenu secrétaire général (No 2) en 1981, vante sa jeunesse (62 ans à l'époque) face à son adversaire suédois Lennart Johansson, alors président de l'UEFA et âgé de 68 ans.

Le Suisse devient le 8e président de la Fifa lors d'un scrutin à Paris le 8 juin 1998. Il a été épaulé par un grand nom du foot, Michel Platini. Qui, cette semaine, a demandé à son ancien allié "Sepp" de démissionner...

Très ému au moment du sacre, Blatter, après avoir trébuché, enlace alors sa fille Corinne, sa principale collaboratrice pendant sa campagne. Blatter succède au Brésilien Joao Havelange (82 ans), qui ne se représentait pas, après 24 ans de présidence.

 2002 - En plein "Blattergate" Accusé d'indélicatesses financières et de comportement dictatorial, le "Blattergate", le président en exercice, 66 ans, se joue des critiques en se faisant triomphalement réélire le 29 mai à Séoul face à son concurrent, le Camerounais Issa Hayatou, 55 ans, président de la Confédération africaine (CAF).

Dès sa victoire proclamée, Blatter lance un vibrant appel à restaurer l'unité de la "famille du football" après une campagne électorale qu'un de ses partisans avait qualifié de "sale guerre".

 2007 - Seul au monde. Cette fois, le 31 mai 2007 à Zurich (la périodicité électorale a changé pour ne pas coïncider avec un Mondial), personne n'a osé contester son pouvoir. C'est par un véritable plébiscite, sans vote et par acclamation, que Blatter est reconduit à son poste. La page des tourments de 2002 semble alors tournée et Blatter, 71 ans, peut désormais s'atteler à ce qui sera le point culminant de son troisième mandat, le Mondial-2010 en Afrique du Sud, le premier sur le continent africain.

 2011 - Tempête. La petite phrase est restée dans les mémoires. "La crise? Quelle crise?" lance par bravade Blatter devant la presse, deux jours avant l'élection du 1er juin 2011 à Zurich.

L'instance du football mondial est pourtant au coeur d'une tempête depuis une semaine, cernée par les accusations de corruption et minée par des enquêtes internes.

Les soupçons de pots de vin autour de l'attribution du Mondial-2022 au Qatar connaissent un pic. Et le président de la Confédération asiatique, Mohammed Bin Hammam, seul adversaire de Blatter, a été contraint de se retirer quelques jours avant l'élection, suspendu pour des achats de voix dans sa campagne. Le Qatari de 62 ans sera quelques temps après radié à vie du monde du foot.

La veille de l'élection, Blatter use d'une métaphore dont il ne se sépare plus, celle du "capitaine qui ne quitte pas le navire dans les eaux agitées". Et, spectacle hallucinant, Grace Jones, en guêpière et masque de carnaval vénitien, ouvre ensuite la cérémonie d'ouverture nocturne du congrès en chantant "La vie en rose".

Seul candidat, Blatter demande toutefois un vote un lendemain et récolte 186 voix sur 203 suffrages exprimés. A 75 ans il promet alors que c'est son dernier mandat...

 2015 - Tsunami. Si la Fifa croyait avoir vécu le pire en 2011, elle se trompait. L'instance se retrouve en plein film policier quand sept responsables sont arrêtés au petit matin dans un hôtel luxueux de Zurich à deux jours du scrutin. L'action est orchestrée par la justice américaine, enquêtant sur des faits de corruption depuis 1990. Et les locaux de la Fifa sont même perquisitionnés le même jour dans le cadre d'une procédure pénale suisse distincte pour soupçon "de blanchiment d'argent et gestion déloyale" entourant les attributions des Coupes du monde 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar.

La déflagration a été planétaire. "Sepp", critiqué en Europe, mais populaire ailleurs dans le monde, a usé des éléments de langage habituels -"il faut que le bateau ne tangue plus et avance tranquillement"; "la Fifa a besoin d'un leader fort, expérimenté". Le Prince Ali s'est retiré avant le second tour (73 voix contre 133 pour le Suisse au premier) et Blatter est donc président jusqu'à 2019. Il aura 83 ans quand il donnera "une Fifa plus forte" à son successeur, selon sa promesse.