On a coutume de dire qu'un Euro s'avère bien souvent plus difficile qu'une Coupe du Monde. Coquetterie? Exercice de style?

Peut-être... Mais à certains égards, un Championnat d'Europe présente une problématique différente d'un Mondial. Sur les forces en présence, tout d'abord. Au fil des éliminatoires et des phases finales de l'une ou l'autre des compétitions, les seize finalistes se connaissent tous quasiment par coeur. Et le grand brassage au sein des clubs européens accentue encore le phénomène. Ce qui rend la compétition toujours plus homogène. Et cet Euro 2008 apparaît peut-être comme la plus sévère, la plus abrupte des éditions à 16 finalistes (1996, 2000, 2004).

Homogène dans les styles, homogène dans la qualité. En Coupe du Monde, il y a généralement un, parfois deux matches proposant une opposition un peu plus tendre, un peu plus naïve. À l'Euro, ton adversaire le plus «prenable» est déjà d'un certain gabarit... Ce qui nous dirige vers une autre remarque: à l'Euro, pas question de «monter en puissance». Il faut être prêt tout de suite et tenir le rythme durant trois semaines et six matches. Si, comme les Pays-Bas, vos deux premiers matches de l'Euro sont coup sur coup face aux deux finalistes de la dernière Coupe du Monde (Italie puis France), vous avez pas mal intérêt à être dans le sujet dès le coup d'envoi.

Groupe C

Ce qui nous amène délicatement vers ce Groupe C, présenté comme le plus costaud de l'épreuve. À juste titre. Italiens et Français ne se sont pas déballonnés depuis deux ans. Les Azzuri ont subi un coup dur avec le forfait de Fabio Cannavaro, mais ont largement les moyens de compenser. Barzagli est une excellente solution de rechange, même s'il est tout à fait envisageable d'installer au coeur de la défense le métier, la vision et la sobriété d'un Panucci. Au mileu, Pirlo est enfin devenu le patron inconstestable de la sélection, dirigeant le jeu d'une position reculée, relayé par De Rossi et Perrotta. Devant, Luca Toni sort d'une formidable saison au Bayern et devrait être l'atout offensif numéro un de Donadoni. Surtout dans un système probablement organisé autour d'un seul attaquant.

De son côté, la France a multiplié les expériences dans son organisation offensive: elle s'amène avec trois attaquants très haut de gamme, Henry, Anelka et Benzema. Entourés de très bons animateurs de jeu, à commencer par Ribéry qui a prouvé cette saison qu'il pouvait être un leader. Derrière, sensiblement le même visage qu'il y a deux ans, avec cependant quelques joueurs qui ont assez peu joué cette saison (Sagnol, Thuram).

Face à ces deux là, la tâche des Pays-Bas et de la Roumanie est ardue. Les «Oranje» présentent une nouvelle fois une palette offensive explosive (RVN, Kuyt, Van Persie, Robben, Huntelaar, Vennegoor et les appuis de Van der Vaart et Sneijder). Mais n'ont pas montré durant les éliminatoires une grande cohésion, tandis que la défense (Mathijsen, Ooijer) laisse à désirer, et que Van Bronckhorst est moins à l'aise dans un rôle inédit de milieu défensif. Plus homogène, la Roumanie (qui a battu et devancé les Pays-Bas dans le même groupe éliminatoire) est une équipe séduisante, où les vedettes (Chivu, Mutu, Marica) sont entièrement à la disposition de l'équipe. Face à trois «cadors» européens, on peut cependant craindre que ce groupe manque un peu de l'expérience nécessaire.

Groupe A

Autre Groupe relevé, le A, qui ouvre le bal ce samedi. Si le Portugal en est le grand favori, il lui faudra cependant se méfier jusqu'au bout. Offensivement, l'équipe de «Big Phil» Scolari peut regarder n'importe qui dans les yeux. Ça joue, ça va vite, ça circule, Ronaldo, Quaresma, Simao, Nani, Deco, ça a «de la gueule». Reste à assurer la finition et ne pas perdre pied trop vite lorsque ça ne sourit pas. Derrière, avec Carvalho, Pépé, Bosingwa, Bruno Alves ou Jorge Ribeiro, peu de risques en perspective. Reste enfin à voir comment Ronaldo va digérer une saison de soixante matches (!) et gérer la mini-crise de son possible transfert au Real. Derrière le Portugal, la Suisse semble possèder les atouts pour passer le premier tour. Solide, hyper-solide, elle a travaillé dur depuis deux ans pour être à l'heure de son Euro. Avec un groupe qui se bonifie depuis deux ans (Magnin, Degen, Barnetta, Vonlanthen, Cabanas) et de nouveaux visages (Behrami, Inler, Derdiyok), la «Nati» ne va pas lâcher grand chose.

Plus incertaine, la République tchèque. Privée de Nedved et Rosicky, elle perd ses moteurs naturels en même temps que les patrons de l'équipe. Alors, oui, elle tient la route derrière (Rozehnal, Ujfalusi), mais on ne peut s'empêcher de voir l'énorme «trou» laissé derrière les attaquants, Baros et Koller (coté renouvellement, d'ailleurs, ce n'est pas miraculeux). Énorme point d'interrogation... Idem pour la Turquie de Fatih Terim, tellement fantasque qu'on ne saurait s'avancer sur son avenir. Elle a le potentiel d'un demi-finaliste, surtout dans ce tableau. Comme elle peut s'écraser au premier tour. Nihat a effectué une magnifique saison à Villarreal et sera son principal atout offensif. Avec Emre en meneur de jeu et Mehmet Aurelio (l'une des pièces maîtresses de Fenerbahçe en Ligue des Champions) en régulateur. Sans oublier les talents de Altintop, Tuncay, Senturk ou du jeune Arda Turan. Mais avec une défense loin d'être au même niveau de talent.

Groupe B

Le Groupe B semble promis à l'Allemagne. Quoique... D'accord la sélection de Joachim Löw est bourrée de talent. De Metzelder à Klose en passant par Lahm, Frings, Schweinsteiger, Trochowski, Gomez (futur attaquant-vedette), la Mannschaft semble tenir enfin le bon bout après le très gros travail effectué pour préparer le Mondial 2006. Löw l'a rajeunie, affinée, au point d'en faire l'une des quatre grandes favorites du tournoi. Même si elle n'est pas toujours à l'aise face à un adversaire qui lui «rentre dedans».

S'il y avait une équipe à surveiller dans ce tournoi, nous miserions bien sur la Croatie. Sous la direction de Slaven Bilic, elle a retrouvé un partie de son âme de 1998, un peu frondeuse, un peu flambeuse, énormément talentueuse. Au «niveau ballon», rien à envier aux autres poids lourds de l'Euro. Mais, cette fois, il semble que l'équipe soit devenue la vedette, plutôt que les individualités. Les frères Kovac sont toujours là, tout comme les Simic, Simunic, Srna, Leko... Mais l'arrivée des Rakitic (Schalke), Modric (le «Johann Cruijff croate») et la confirmation de Mladen Petric devant, apportent une nouvelle dimension à une sélection jeune et ambitieuse.

Groupe D

Un peu comme l'Allemagne, on imagine mal l'Espagne ne pas sortir du Groupe D. Extrêmement séduisante dans son jeu, la sélection de Luis Aragones fait un peu rêver lorsque l'on regarde son entre-jeu: Xabi Alonso, Xavi, Iniesta, Fabregas, Senna, Silva ou Cazorla. L'équilibre de base est bâti sur Xavi et Fabregas, reste à voir comment le reste se met en place. Un chose est sûre: quels que soient les choix d'Aragones, ce milieu offrira un nombre impressionnant d'options pour alimenter voire suppléer Torres et Villa en attaque. Derrière, c'est tout aussi solide (Sergio Ramos, Puyol, Capdevilla et Casillas dans les buts). Autant d'éléments qui font entrer l'Espagne dans le quatuor des favoris de «premier rang».

La Grèce, on le sait bien, ne bénéficiera plus de l'effet de surprise comme en 2004. Elle est bâtie autour du même noyau des Champions d'Europe en titre (Nikopolidis, Dellas, Seitaridis, Basinas, Katsouranis, Karagounis, Charisteas), mais s'est offert un «nouveau look» plus offensif avec les arrivées de Gekas et Samaras. Si elle n'est pas plus favorite qu'il y a quatre ans, elle n,en demeure pas moins un redoutable adversaire pour n'importe qui...

Avec le bon vieux Guus Hiddink aux commandes, la Russie est attendue comme une «curiosité». Elle s'est qualifiée de justesse mais peut se vanter de présenter l'une des meilleures «jeunes générations» du plateau. Basée sur la solidité défensive du CSKA Moscou et la vitesse d'exécution des «voltigeurs» du Zénit St-Petersbourg, elle offre un visage séduisant et talentueux. À condition que les «leaders» de l'équipe soient effectivement au rendez-vous: les Semak, Sychev, Pavlyushenko, Ignashevitch, Arshavin (suspendu pour les deux premiers matches après son expulsion lors de la dernière rencontre de qualifs) et le nouveau prodige Bilyaletdinov ont à coeur d'éclabousser cet Euro de leur talent. Reste la Suède, toujours aussi difficile à manipuler, et qui a elle aussi les moyens de sortir de ce groupe. Toujours avec Ljungberg, Mellberg, Ibrahimovic, Källström, Linderoth. Toujours avec Henrik Larsson, le «jeune vétéran» (il était au Mondial 94) à l'expérience irremplaçable.

Un Euro tout aussi ouvert que les autres. Tout aussi serré. Sans doute même plus relevé que les précédents. Et tout aussi improbable à décortiquer à quelques heures du coup d'envoi.