Que cette Allemagne peut être laborieuse quand l'envie lui en prend (ou, dans ce cas précis, lui fait défaut)! Tout était pourtant réuni pour lui proposer ce genre de match dans lesquels elle sait exceller. Un adversaire déterminé mais sérieusement amoindri sur suspensions et blessures.

Un adversaire obligé de bricoler une compo d'équipe totalement inédite pour une demi-finale et manquant forcément de repères dans le jeu.

En reconduisant le onze de départ qui avait dominé le Portugal en quart de finale, Joachim Löw avait pourtant annoncé la couleur: une Allemagne prête au combat au milieu du terrain, prompte à «avaler» les relances de son adversaire et à prendre le jeu en main pour développer ses actions tout autour de la défense turque.

Multiplier les gains de ballon au milieu, pour mettre en mouvement le plus de joueurs possibles et faire aboutir les actions par des attaques placées, en les appuyant le plus possible sur les ailes.

La Turquie tout-terrain

En fait, cette Allemagne fut vite et totalement surprise par la densité de son adversaire dans ce même secteur de jeu. Bien organisé autour d'Aurelio (devant la défense) et Altintop (à la distribution des phases offensives), le milieu de terrain turc fut longtemps le principal acteur de cette demi-finale. Capable d'aller gagner le ballon dans les pieds adverses, organisant un pressing redoutable autour du porteur et lui interdisant toute progression rapide vers l'avant. Et à partir de cet avantage, développer les actions jusque sur la défense allemande, qui voyait arriver sur elle quatre, cinq, parfois six joueurs turcs en mouvement et toujours prêts à se libérer pour le partenaire.

Le double-pivot mis en place face au Portugal (Rolfes - Hitzlsperger) a ainsi vite volé en éclat, dépassé dans sa vitesse de réaction et régulièrement mis en infériorité par les mouvements turcs. Les Allemands ne gagnaient aucun ballon et arrivaient même à le redonner aux joueurs de Terim dans un grand élan commun d'impuissance.

Désorganisée, l'Allemagne, et surtout pas préparée à affronter un adversaire qui viendrait lui manger le ballon dans les pieds et gicler aussitôt sur les ailes où Ugur Boral, Kazim-Richards et Sabri allaient continuellement créer le déséquilibre.

Schweinsteiger tout seul

En écartant de la sorte, les Turcs brisaient ce bloc défensif allemand qui avait plutôt bien fonctionné en quart. Des espaces s'ouvraient devant Lehmann, pris à chaque fois par des milieux turcs venant de l'arrière et jamais «tenus» par leur adversaire. Un Lehmann lui-même incapable de «commander» sa défense, de remettre de l'ordre et quelques fondamentaux dans le placement et la capacité de réaction de ses partenaires. C'est ainsi que survint le premier but, avec au minimum trois fautes de défense aboutissant au tir de Kazim et la reprise victorieuse d'Ugur.

Si les Allemands restent dans le match jusqu'à la mi-temps, ils le doivent avant tout à l'énorme travail de Schweinsteiger, présent sur tous les mouvements de son équipe, prompt à revenir donner un coup de main, une solution au milieu, un tacle en défense, jusqu'à reprendre le centre de Podolski sur l'égalisation. Ils le doivent aussi peut-être à un certain manque de maturité ou d'expérience de leur adversaire qui n'aura pas su reconnaître et mettre à profit plus vite sa domination des 45 premières minutes.

L'entrée de Frings à la mi-temps redonne aux Allemands une meilleure assise au milieu, par sa capacité à aller aux duels et à rechercher aussitôt une solution tranchante vers l'avant (Schweinsteiger, Podolski et un peu plus tard Friedrich, lorsque celui-ci put enfin monter). L'Allemagne ne prenait pas plus le contrôle des débats, mais elle donnait l'impression de moins souffrir, de pouvoir ressortir quelques actions et les amener au bout.

Lahm «à la turque»

Ce qu'elle fit à deux reprises en fin de rencontre, sur deux montées tranchantes et décisives de Lahm (passe décisive pour Klose, le premier ballon que l'attaquant allemand put jouer dans la surface de Rüstü - et but vainqueur sur une percée et un relais avec Hitzlsperger à deux minutes de la fin, sorte de scénario «à la turque»).

Entretemps, l'inévitable Semih avait rallumé l'espoir turc sur une montée arrachée de l'excellent Sabri et une nouvelle hésitation de Lehmann. Peut-être emportés par cet élan qui les a vus bouger quelques éléphants depuis deux semaines, les joueurs de Terim, peut-être pour la première fois, oubliaient quelques principes de base de replacement. Peut-être aussi étaient-ils arrivés au bout de ce qu'ils pouvaient offrir, dans la générosité, la dépense, l'effort ultime.