MONTRÉAL – Pierre Lamothe veut que ça soit clair, il adore jouer sous les projecteurs du Wanderers Grounds à Halifax. « S’il y a une chose que j’aime de notre stade, c’est l’ambiance qu’y mettent nos fans. Ils apportent une belle énergie. C’est toujours difficile pour les équipes adverses de venir jouer chez nous. »

Mais le jeune homme de Longueuil ne pourrait être plus candide sur ce point : c’est à l’étranger qu’il aurait préféré jouer le match de Championnat canadien que ses coéquipiers et lui attendent depuis un mois

« Honnêtement, j’aurais aimé le jouer à Montréal devant ma famille et mes amis, admet l’ancien membre de l’Académie de l’Impact. Ce n’est pas à tous les jours qu’on joue contre son ancienne équipe. Pour moi, c’est le plus grand match que je vais jouer jusqu’à maintenant dans ma jeune carrière. Je suis très excité. »

Les Wanderers, un club qui évolue en Première Ligue Canadienne (CPL), ont mérité le droit d’affronter le CF Montréal en quarts-de-finale du Championnat canadien lorsqu’ils ont battu l’AS Blainville à la mi-août. Dès lors, une certaine frénésie s’est emparée de l’effectif néo-écossais, qui compte un impressionnant total de neuf Québécois dans ses rangs.

Outre Lamothe, on y retrouve les attaquants Samuel Salter, Stefan Karajovanovic et Mamadi Camara ainsi que les milieux de terrain Jérémy Gagnon-Laparé, Jems Geffrard, Alessandro Riggi et Omar Kreim. Le défenseur Kareem Sow a aussi porté l’uniforme cet été avant de retourner sur les bancs d’école. Sept d’entre eux sont passés par la structure de développement financée par Joey Saputo.

« Avant d’affronter Blainville, on avait tous pris pour acquis qu’on jouerait à Montréal en cas de victoire, raconte Riggi, qui a marqué 15 buts en 47 matchs avec l’équipe réserve de l’Impact en 2015 et 2016. Le Stade Saputo, je pense que c’est notre stade préféré à tous. Après, on a entendu dire que ça se déciderait sur un tirage au sort. On s’est dit : "Voyons! Pourquoi?" On pensait même que c’était une blague. Quand le résultat est sorti, on a tous ri parce qu’on venait de gagner un match à la maison, mais on était tous un peu déçus. »

« C’est bittersweet disons, conclut Riggi. C’est bien pour nos partisans et pour le club qui va faire de l’argent, c’est bon pour la ville. Mais c’est dommage. Jouer là-bas, ça aurait été quelque chose de spécial. »

Les deux coéquipiers ont passé la majeure partie de leur adolescence à rêver d’atteindre un jour la première équipe de l’Impact de Montréal. Lamothe a intégré l’Académie à l’âge de 14 ans après avoir été repéré aux sélections régionales par un certain Wilfried Nancy, l’actuel entraîneur-chef du CF Montréal. Il l’a quittée de force à 19 ans lors de la dissolution subite de l’équipe réserve.

Son chemin a bifurqué vers le circuit universitaire canadien. Il a représenté les Carabins de l’Université de Montréal tout en poursuivant des études en éducation physique, avec des stages estivaux au sein de la Première Ligue de Soccer du Québec (PLSQ). À la veille de se retrouver en face d’amis et d'anciennes connaissances comme Mathieu Choinière et Zorhan Bassong, il ne peut s’empêcher de penser aux embranchements qui auraient pu le mener de l’autre côté des tranchées.

« Aujourd’hui, je me rends compte encore plus que ce qui est arrivé est dommage parce que je pense vraiment que j’aurais pu atteindre mon plein potentiel, particulièrement au niveau physique, et aller chercher un contrat pro. À cet âge-là, je n’y croyais pas vraiment, mais avec les années, j’ai vu la progression dans mon jeu et je crois que j’aurais pu grandir davantage si j’avais continué en USL. On ne saura jamais où ça m’aurait mené. »

Riggi était déjà à Halifax depuis un an quand Lamothe s’est greffé à l’équipe en juin dernier. Le petit ailier, exilé en Arizona après la disparition du FC Montréal, avait justement été séduit par la perspective que lui offrait la CPL de potentiellement affronter son ancien club. La matérialisation imminente de cet objectif l’enveloppe d’une enivrante fébrilité.

« C’est un peu étrange, constate l’Italo-Montréalais de 27 ans. On a supporté ce club-là, on a joué pour ce club-là et maintenant d’aller jouer contre ce club-là... Il y a beaucoup d’émotions. On a tous très hâte. »

« Bien sûr qu’on y croit »

Battus en finale du championnat de la CPL l’année dernière, les Wanderers peinent à répondre aux attentes depuis le début de la présente saison. L’équipe dirigée par l’ancien l’entraineur de la sélection nationale Stephen Hart n’a gagné que deux de ses huit premiers matchs avant d’arriver à redresser la barre. Depuis sa victoire contre Blainville, elle est invaincue en sept parties avec un dossier de deux gains et cinq matchs nuls. Son rendement lui confère le sixième rang du tableau sur les huit équipes qui y sont inscrites.

« Au niveau du classement, on n’est pas où on voudrait être, reconnaît Lamothe. On a une saison frustrante parce qu’il y a certains matchs où on ne va pas chercher les points qu’on pourrait. Dernièrement, on n’a pas perdu de points, mais on annule beaucoup aussi. On n’arrive pas toujours à trouver le fond du filet. Mais on est encore dans la course pour les séries, alors on reste positifs. »

« On a réalisé qu’on dépensait trop d’énergie à penser à ces matchs-là. Maintenant, on le voit comme un positif. On n’a pas perdu depuis huit matchs et on se concentre sur le prochain en se disant que même avec toutes les erreurs qu’on a faites, on est encore en très bonne position pour prendre un spot dans les playoffs », s’encourage Riggi, qui commence lui-même à trouver son rythme après avoir été ralenti par une vilaine commotion cérébrale en début de campagne.

La tâche qui se présente devant les Wanderers n’est pas mince. Sur le papier, ses effectifs ne devraient pas lui suffire pour rivaliser avec une équipe de la MLS. Mais il y a une raison pour laquelle le CF Montréal a fait le voyage à Halifax plutôt que d’envoyer une suggestion de pointage par la poste. Les petits miracles, après tout, sont monnaie courante dans le monde du sport.

Le mois dernier, le Pacific FC, un autre club de CPL, a causé la surprise en éliminant les Whitecaps de Vancouver du Championnat canadien grâce à une victoire de 4-3. Les joueurs des Wanderers ne voient pas pourquoi ils ne pourraient pas réaliser un exploit similaire.

« Bien sûr qu’on y croit, clame Alessandro Riggi. On l’a vu nous-même contre Blainville, ça n’a pas été aussi facile qu’on pensait que ça allait être. Quand t’es l’underdog, c’est toujours comme ça. Il y a une équipe qui pense que ça va être un peu plus facile et l’autre équipe a une énergie complètement différente d’un match de saison. C’est quelque chose qu’on n’a pas la chance de goûter souvent. Je pense que notre énergie va être plus élevée que celle du CF Montréal, alors ça peut être un avantage. »

« Si on marque tôt dans le match, ça les choque un peu, on se retire derrière, tout est possible, rêvasse-t-il. Même si on égalise, on va directement aux penalties et ça devient quelque chose qu’on peut jouer. Il y a beaucoup de manières qu’on peut l’avoir, la victoire. »