Un nouveau monde de possibilités pour les joueuses d'ici avec la Super Ligue du Nord
La première fois que j'ai réalisé qu'il était possible de jouer au soccer pour son pays, j'avais huit ans. C'était en regardant l'équipe nationale canadienne jouer à la Coupe du monde de 2007 à la télévision. Après cette découverte, je rêvais de porter le maillot canadien, d'à mon tour participer à une Coupe du monde, aux Jeux olympiques. Ce que je ne me voyais pas devenir, par contre, c'était une joueuse de soccer professionnelle.
Pendant mon adolescence, la seule possibilité pour moi de tracer mon chemin dans le monde du soccer était via l'équipe nationale. En faisant partie des équipes nationales U17, U20, j'avais de meilleures chances d'être recrutée par une équipe collégiale américaine compétitive, et éventuellement avoir l'opportunité d'intégrer l'équipe nationale senior.
Les débouchés professionnels, je ne les voyais pas vraiment en grandissant, et lorsque j'ai enfin réalisé que c'était une possibilité, disons que mes options n'étaient pas vraiment locales. Pour y arriver, j'ai d'abord dû m'exiler aux États-Unis lors de mes années collégiales, pour par la suite me retrouver en Scandinavie pendant ma première année professionnelle. Je ne regrette pas du tout ces choix, qui m'ont autant permis de grandir comme joueuse de soccer que comme personne. Mais c'étaient des choix nécessaires. Si j'étais restée au Québec pour poursuivre mes études universitaires, il y a fort à parier que je n'aurais pas représenté le Canada aux Jeux olympiques, et que je ne jouerais présentement pas en NWSL.
Mais les nouvelles des dernières semaines viennent tout changer. Un nouveau chemin s'ouvre pour toutes les jeunes joueuses canadiennes qui rêvent elles aussi de gagner leur vie grâce à leur passion: la Super Ligue du Nord.
Ce projet, c'est le résultat du travail acharné de notre ancienne coéquipière de l'équipe nationale Diana Matheson. Après plusieurs années passées à travailler dans l'ombre, sa vision est maintenant réalité, avec six équipes ayant confirmé leur existence pour la saison inaugurale en 2025 : Halifax, Montréal, Ottawa, Toronto, Calgary et Vancouver. C'est une nouvelle ère qui commence.
Je repense à mes coéquipières du Centre National de Haute-Performance, avec qui j'ai passé une majeure partie de mon adolescence. Plusieurs d'entres elles avaient le talent et la passion pour jouer professionnel, mais les opportunités n'étaient pas là. La Super Ligue du Nord permettra à beaucoup de jeunes femmes de vivre de leur passion et elle permettra aussi à notre équipe nationale de croître encore davantage. Combien de talents cachés n'ont jamais été découverts, faute de visibilité ou d'opportunités?
Le projet montréalais
Cet hiver, j'ai reçu un coup de fil d'Isabèle Chevalier et Jean-François Crevier, les deux fondateurs de la franchise montréalaise de la SLN. Deux personnes d'affaires extrêmement compétentes qui se sont lancées dans le projet avec passion, mais surtout avec beaucoup de respect pour le sport féminin.
Pendant notre entretien, qu'ils ont également eu avec quelques autres joueuses québécoises de l'équipe nationale, ils ont cherché à comprendre ce qui était le plus important pour une joueuse dans une équipe professionnelle, et les facteurs qui poussent une équipe professionnelle à avoir du succès.Gabrielle Carle
Photo : Gabrielle Carle dans son enfance
Du début à la fin, ils ont été à l'écoute, et j'ai eu un excellent contact avec eux.
Durant cette rencontre, j'ai compris que pour Isabèle et Jean-François, ce n'était pas une question d'argent, mais plutôt une question de réussite.
Et Québec?
Dans tout ça, je ne peux m'empêcher de penser à la jeune Gabrielle ou à la jeune Evelyne Viens.
Je m'imagine, du haut de mes 8 ans, traverser les tourniquets du stade au Parc Victoria dans le quartier Saint-Roch, ou à Sainte-Foy, ou à Lévis, pour aller voir les meilleures joueuses professionnelles au Canada.
Ça aurait rendu le rêve tangible.
Malgré le travail ardu, nous avons été privilégiées de réussir à nous rendre là où nous sommes.
Mais dans un futur pas si lointain, les opportunités seront multipliées et des milliers de jeunes filles pourront voir un chemin éclairée vers leur rêve.