COLLABORATION SPÉCIALE

Récemment, j’ai découvert qu’il vaut mieux inspecter sa chaise de plage avant de s’y affaler. Une déclaration plutôt aléatoire vous direz, mais tout à fait justifiée.

 

Alors que je me cherchais un siège pour siroter ma limonade dans un café extérieur à Stockholm, je me suis naïvement laissée tomber sur une chaise en tissu qui n’était clairement pas prête à me recevoir. Ledit tissu n’était plus attaché au bas de la chaise, et je me suis retrouvée au sol, limonade toujours en main mais pieds en l’air, en un clin d’oeil. Comme les Suédois sont maîtres en matière de se mêler de leurs affaires, tous les clients autour de moi ont fait comme si de rien n’était.

 

Sauf Evelyne. Elle en pleurait de rire.Gabrielle Carle

 

Elle et moi avons profité de nos deux journées de congé à la suite de notre victoire de 5-1 contre AIK pour visiter la capitale suédoise, située à 1 h de vol (6 h de route) de Kristianstad. Ce voyage improvisé à la dernière minute nous a permis de prendre une pause de soccer pendant 48 h. Maintenant de retour, nous avons 5 jours pour nous préparer pour notre match contre Umea.

 

Lorsque je me réveille mercredi matin, le silence présent dans l’appartement m’indique qu’Evelyne est déjà partie au gym. Elle est de retour avant même que j’aie terminé de déjeuner, ce qui offre une réponse assez claire à la question « qui est la plus matinale entre vous deux? ». Vers midi, je prends mon vélo pour me diriger à mon tour vers le gym, et je suis de retour 1 h 30 plus tard.

Avant l’entraînement, nous avons une rencontre d’équipe d’environ 45 minutes où nous faisons un retour sur notre performance défensive contre AIK, et où le plan défensif pour notre prochain match est présenté.

On débute l’entrainement avec des répétitions de sprints sur courte distance. On enchaîne avec différentes formes de jeux réduits. Le dernier exercice de l’entraînement est surnommé “ killer football ”, et comme son nom l’indique, il a pour but de nous pousser au bout de notre capacité aérobique. À la suite de ce jeu, Beta nous rassemble en cercle. Je m’attends à ce qu’elle nous donne le mot de la fin. Elle opte plutôt pour une phrase aussi agréable à entendre que le bruit d’ongles crissant sur un tableau: mettez-vous sur la ligne. Selon elle, nous n’avons pas assez couru durant l’entraînement. Huit sprints d’une boîte de réparation à l’autre plus tard, il est plus que temps que j’aille retrouver mon divan.

Le jour suivant, on met l’emphase sur notre jeu offensif. Nos actions offensives du dernier match sont mises en revue, et le plan offensif pour notre match contre Umea nous est révélé. Bien que l’entraînement ne soit pas aussi demandant que celui de la veille, les 4x 5 minutes de 11 contre 11 ont raison de mes jambes qui, à ce point, se sentent surexploitées.

L’entraînement du vendredi est optionnel, et Eve et moi n’hésitons pas à prendre une journée de repos.

L’entraînement du samedi matin vient mettre un frein à notre préparation habituelle. Meli, notre première gardienne, se blesse. Normalement, nous ferions appel à notre seconde gardienne, mais elle est également blessée. Notre 3e gardienne? Elle a pris la décision d’arrêter le soccer la semaine dernière. Nous avons également une quatrième gardienne, notre entraîneur adjointe de 36 ans, et une cinquième gardienne, une jeune joueuse prometteuse de 16 ans, en cas d’urgence. Exceptionnellement, notre entraîneur assistante est à l’extérieur du pays cette fin de semaine, et la jeune gardienne a contracté la varicelle. Donc, contre toute attente, nous n’avons présentement personne pouvant s’aligner dans les buts lundi. C’est le début de 48 h d’enfer pour nos entraîneurs, qui se démènent pour tenter de trouver une solution.

 

Le dimanche, à la suite de plusieurs heures de négociations et très peu d’heures de sommeil pour Beta et Lovisa, nous nous envolons vers Umea avec Meli, notre première gardienne blessée, ainsi qu’une gardienne fraîchement acquise d’un club avoisinant. Le problème, c’est que son transfert ne peut être accepté qu’un jour de semaine. Il faudra donc attendre à demain, jour du match, pour savoir si elle pourra jouer.

 

À 16 h 30 lundi, 2 h 30 avant le match, le transfert est refusé. Nous nous rapprochons de plus en plus de notre scénario de dernier recours : une joueuse de terrain devant nos filets. Avant que cela ne devienne réalité, Meli tentera d’abord de se réchauffer. Si elle s’en sent capable, c’est elle qui défendra notre but.

 

Après l’échauffement, nous avons la confirmation que Meli pourra prendre part au match, mais qu’elle ne pourra ni courir ni dégager le ballon. Je m’aligne au centre de notre ligne défensive avec comme seule directive de ne rien laisser passer derrière. Vingt minutes après le début du match, Beta réalise que la ligne offensive d’Umea ne pose pas de réelle menace pour nous en profondeur, elle me fait donc passer latérale gauche. Quelques minutes avant la fin de la première mi-temps, nous marquons sur corner. En seconde mi-temps, notre objectif est de créer un écart plus confortable entre nous et nos adversaires.

 

Je ne m’attendais pas à être celle qui concrétise cet écart.
 

À la 76e minute, je termine un centre dévié en deux touches, et je saute dans les airs avant de me retrouver dans les bras de notre capitaine Sheila, soulagée que ce match soit presque hors de portée pour Umea et heureuse d’avoir marqué mon premier but professionnel.

 

Quinze minutes plus tard, les trois coups de sifflet de l’arbitre viennent confirmer notre victoire et mettent fin à 48 heures d’incertitude pour nous.

 

Il y a certains jours où tout se déroule comme sur des roulettes, et d’autres jours où les roulettes sont soudainement carrées et plus rien ne semble vouloir avancer. Cette fin de semaine a su tester notre capacité d’adaptation, et malgré nos roulettes carrées, nous avons trouvé un moyen de gagner.