BUENOS AIRES (AFP) - Une vaste enquête judiciaire a été ouverte par le juge d'instruction Mariano Berges pour déterminer le rôle que jouent les différents acteurs du soccer -joueurs, entraîneurs, dirigeants, politiques- dans le développement préoccupant du hooliganisme dans les stades argentins.

Mariano Berges veut comprendre comment le phénomène des "barrabravas" (hooligans argentins) a pris une telle ampleur et, surtout, éclaircir les liens éventuels qu'il peut entretenir avec des dirigeants du soccer ou des hommes politiques.

Cette enquête intervient alors que le Championnat d'Argentine vient tout juste de reprendre. Toutes les compétitions nationales avaient été suspendues suite à des incidents le 31 août lors du match entre Boca Juniors et Chacarita, au cours duquel 71 personnes avaient été blessées.

L'enquête veut cependant dépasser le cadre strict de cet épisode pour s'intéresser à l'énorme influence qu'exercent les hooligans dans le soccer argentin. Lors des deux dernières décennies, les "barrabravas" ont en effet acquis -le plus souvent par la terreur- un pouvoir considérable, agissant comme une sorte d'assemblée illégale qui prend en otage les clubs et les autres supporteurs.

Pourcentage

Face à cette force souterraine, certains dirigeants et hommes politiques sont suspectés de financer les groupes d'"ultras" pour acheter une sorte de paix sociale et fuir d'éventuelles "représailles", mais également à des fins électorales.

Ainsi, le vice-président de Chacarita, Armando Capriotti, est actuellement sous les verrous, accusé d'avoir entretenu des liens compromettants avec certains groupes de supporteurs. L'affaire pourrait même remonter jusqu'au président du club, le sénateur péroniste Luis Barrionuevo, allié politique de l'ex-président argentin Carlos Menem et accusé à plusieurs occasions d'irrégularités électorales.

Pour analyser ces relations particulières, le juge Berges a notamment convoqué cette semaine l'ex-entraîneur de Boca Juniors Carlos Bianchi. Celui-ci a comparu pendant deux heures avant de repartir visiblement énervé. Selon des sources judiciaires, il venait d'avouer qu'il n'a jamais financé les "barrabravas", mais que ceux-ci ont, à certaines occasions, réclamé un pourcentage sur son salaire.

Hôtel de luxe

Trois joueurs, Carlos Navarro Montoya (Chacarita), Roberto Abbondanzieri et Alfredo Cascini (Boca Juniors), ont également été interrogés parce que leurs noms figuraient dans un agenda trouvé au domicile de Rafael Di Zeo, un des chefs des hooligans de Boca Juniors.

L'hypothèse d'un rapport entre le milieu des "barrabravas" et celui des politiques a été confortée après que l'on ait découvert que Santiago Lancry, un hooligan de Boca Juniors arrêté il y a une semaine, était employé au service de sécurité au sein du Gouvernement autonome de la ville de Buenos Aires.

De plus, selon la presse locale, un ancien "ultra" repenti, Carlos Amenedo, a explicitement dénoncé au juge Berges les liens qui unissent les supporteurs de Boca Juniors au président du club Mauricio Macri, par ailleurs candidat malheureux au poste de chef du gouvernement de Buenos Aires, et à Carlos Menem.

Amenedo a notamment déclaré que Macri avait offert aux "ultras" 1200 billets par match et même payé un hôtel de luxe pour assister à la finale de la Coupe Libertadores face au club brésilien de Santos en juillet.