La vie de joueuse de soccer professionnelle pour KDFF, c’est environ 4 h par jour au complexe d’entraînement, 1 heure dans le gym quelques fois par semaine, et beaucoup de temps libre.
 

Pour quelqu’un qui a passé les cinq dernières années à porter le chapeau d’étudiante-athlète universitaire, cette quantité industrielle de temps libre était déroutante au cours de mes premières semaines en Suède. Seulement une semaine après mon arrivée à Kristianstad, j’avais déjà acheté tout le matériel nécessaire pour tricoter et peindre dans le but de me tenir occupée. Trois mois plus tard, être capable de ne pas être productive chaque heure de la journée sans me sentir coupable est un art que j’essaie toujours de maîtriser. Je suis heureusement entourée d’amies qui sont joueuses professionnelles depuis plus longtemps que moi et qui m’aident petit à petit à apprécier mon temps libre.

 

C’est d’ailleurs avec ces amies que je passe une grande partie de mes journées de repos. Entre aller à Copenhague, passer un après-midi à la plage et séjourner à Malmo, il nous arrive également de passer des journées plus tranquilles. Voici donc à quoi peut ressembler une journée sans soccer pour moi à Kristianstad.

 

 Il est 10 h du matin lorsque j’ouvre les yeux. J’aimerais dire qu’il m’arrive rarement de me réveiller si tard, mais je dois avouer que c’est une heure de réveil assez courante pour moi. Bref, il est 10 h un mardi matin, deux jours après avoir battu Linköping à la maison. À la suite d'un début de saison un peu cahoteux, cette victoire durement obtenue était nécessaire. Au programme aujourd’hui, une partie de scrabble dans notre café préféré, puis une visite à la plage pour une baignade glaciale dans la mer baltique pour aider nos jambes à récupérer après une longue semaine.Gabrielle Carle et ses coéquipières au café Conditori Duvander

 

Vers 11 h, Eve et moi pédalons 5 minutes jusqu’à Conditori Duvander. C’est un endroit que nous avons découvert lors de notre deuxième semaine à Kristianstad. Avec ses hauts plafonds, ses grandes fenêtres flanquées de rideaux de théâtre et ses moulures décoratives, on se croirait dans un café anglais du 18e siècle dès qu’on y met les pieds. Tabby et DB, nos deux amies américaines, nous attendent sur la terrasse extérieure.

 

Sans trop tarder, mes trois coéquipières entament leur partie de scrabble. Assise à côté d’Eve, j’observe la partie tout en travaillant sur mon ordinateur. Occasionnellement, j’essaie de l’aider à former des mots. Bien que nous soyons confortables avec la langue anglaise, il n’est pas facile de battre deux Américaines dans leur langue maternelle. Ça n’empêche pas Evelyne de tenter de surprendre ses adversaires avec des combinaisons innovatrices. J’ai pris en notes certaines d’entre elles: jitax (mot qui aurait fait 19 points si c’était un mot), playa (petite confusion entre l’anglais et l’espagnol), etc ( iff est un mot scrabble donc je la comprends d’avoir tenté sa chance). Au final, toutes ces tentatives ambitieuses sont accueillies par la phrase « oops, try again » dans le dictionnaire virtuel scrabble. Malgré nos efforts combinés et quelque peu désespérés, c’est DB qui gagne. Une vétérante de plus de 15 ans, il nous faudra plus d’expérience pour la déloger de son trône.

 

Nous retournons à la maison pour diner. La température est moins clémente qu’il y a quelques heures, et la sensation maintenant familière du vent qui me fouette le visage rend le court trajet de retour plutôt désagréable. Les nuages gris qui s’étalent à perte de vue me laissent croire que la température ne s’améliorera pas de sitôt, ce qui me pousse à reconsidérer notre excursion à la plage. Je sais toutefois très bien que ce n’est pas quelques nuages et le vent en provenance d’Antarctique qui arrêteront Evelyne dans sa quête de récupération, et je sais que je risque de la suivre malgré mon appréhension. Comme de fait, nous sommes en route vers la plage une heure plus tard.Plage

 

Une fois à la plage, j’ai à nouveau envie d’abandonner le projet. L’eau est agitée, les vagues sont tranchantes. Je cherche le drapeau rouge indiquant qu’il est interdit de se baigner, je ne le trouve pas. Je suis déjà en maillot de bain, il est trop tard pour reculer. Mon entrée dans l’eau est accompagnée de plusieurs mots qu’il ne serait pas sage de répéter. L’eau est si froide que deux minutes plus tard, je ne sens plus mes jambes, ce qui ironiquement rend le reste de la baignade plus supportable. Après 8 minutes de courage, nous sortons de la mer à la course. Mission récupération accomplie.

 

En soirée, nous suivons la même routine que nous avons établie dès nos premières semaines en Suède. Nous cuisinons ensemble, mangeons, puis nous installons dans notre salon pour regarder une émission de télévision québécoise. Je tricote un bandeau qui ne me sera d’aucune utilité durant les mois chauds qui approchent. Dans l’ensemble, cette journée m’a permis de récupérer autant mentalement que physiquement, et j’en ressors prête pour la semaine à venir.