Alors que le visage ravagé de Georges St-Pierre fait la une de tous les médias sportifs, je me pose bien des questions. Où est la ligne de départage entre la folie et la lucidité, entre le courage et l’aveuglement, entre le sport et la barbarie, entre le combat dans un octogone et une arène de gladiateur? Sur ce dernier point c’est facile, dans une arène de gladiateur il s’agissait de mise à mort, dans l’octogone ce n’est pas (encore) le cas.

Je n’ai pas regardé le combat de Georges St-Pierre, ce qui ouvre la porte à bien des critiques envers moi, j’en suis consciente. Si je n’ai pas vu, pourquoi j’en parle? Samedi soir, j’étais à un party d’huîtres chez des amis. Pendant que nous sirotions du vin en jasant autour de la table, la télé était allumée dans le salon et les deux ados de la place avaient les yeux rivés sur la soirée de combats en prélude à celui tant attendu. L’un de nos amis s’est joint à eux et ils se sont mis à commenter, encourager, saliver devant les coups qui s’échangeait dans l’arène. À crier en regardant deux hommes s’entre-déchirer, tout en restant bien à l’abri dans les fauteuils confortables du salon avec l‘écran de télé qui mettait une distance avec la réalité.

Ça m’a rappelé ces films futuristes qu’on nous présente, allant de « la Forteresse » ou, plus récent, de « Hunger’s games » où des individus, jeunes ou prisonniers, doivent amuser la populace, ou satisfaire le pouvoir, en se livrant à des épreuves ou des combats où un seul doit en sortir vivant. Ça, c‘est de la fiction. Mais dans la vie bien réelle, Georges St-Pierre est en train d’y laisser sa peau et on en fait un spectacle… Il a dit : « Mon cerveau s‘est promené à droite, à gauche, dans mon crâne.» À l’heure où on dresse un portrait terrifiant des commotions cérébrales dans le sport, le pronostic pour St-Pierre n’est pas très optimiste. Il a avoué devoir garder la lumière allumée quand il se couche parce que les démons qui viennent le visiter dans le noir sont trop terrifiants. Il vit des moments de profonde dépression, oublie de grands pans du combat qu’il vient pourtant tout juste de livrer. Est-ce vraiment ça qu’on veut promouvoir comme valeurs? Si votre fils venait vous dire qu’il voulait faire des combats libres, comment réagiriez-vous? Si votre fils vous disait qu’il veut se battre dans une cage contre un adversaire qui veut le démolir, y assisteriez-vous?

Georges St-Pierre a mis son avenir dans l’octogone en veilleuse. Les loups autour de lui grognent et veulent plus de sang. Cèdera-t-il aux pressions malgré les risques terribles qu’il prend? Aura-t-il la sagesse de prendre le recul nécessaire pour comprendre que si à 32 ans, il commence à sentir les effets et les contrecoups de la voie qu’il a choisie, il en paiera peut-être le prix réel dans 10, 20 ou 30 ans?

Georges St-Pierre a gagné des millions semble-t-il, à se faire taper dessus. Tout ce que je lui souhaite, c’est de pouvoir en profiter.