PARIS - Entre François Gabart et Armel Le Cléac'h, respectivement 1er et 2e du Vendée Globe, le divorce a été prononcé samedi dans l'Atlantique sud, les deux skippers suivant des routes différentes pour la première fois depuis les îles Kerguelen, dans l'océan Indien.

Au 56e jour de mer, les deux Français -qui naviguaient bord à bord ou presque depuis plusieurs semaines- progressaient au près (contre le vent) et seront confrontés à des conditions musclées pendant la nuit.

Au classement de 19 h GMT, Gabart (Macif) devançait Le Cléac'h (Banque Populaire) de 53,5 milles (99 km).

C'est Le Cléac'h qui a engagé les hostilités en virant de bord à la mi-journée, à quelque 630 milles dans le nord-est des Malouines, pour faire de l'ouest en direction des côtes argentines. Pendant ce temps là, Gabart continuait sa route au nord/nord-est.

« Cette partie-là de l'Atlantique entre le cap Horn et le Brésil, ce n'est pas ce qu'il y a de plus simple au niveau de la stratégie », a déclaré Le Cléac'h à la mi-journée, affichant une barbe bien fournie. « Ça change pas mal tous les jours au niveau des fichiers météo. Il faut trouver le meilleur chemin pour aller rejoindre les alizés au niveau du Brésil, ce n'est pas facile ».

« Je fais ma route, je ne m'occupe pas trop de ce que fait François, a-t-il ajouté. Pour l'instant ça avance, c'est bien, on fera les comptes dans une semaine ».

Pendant que les meneurs s'expliquent, le Franco-Italien Alessandro di Benedetto (Team Plastique), qui ferme la marche à près de 5000 milles de Gabart, a fêté son 42e anniversaire dans la joie et la bonne humeur. Champagne, pâtes au cèpes et foie gras rehaussé à la fleur de sel du Pacifique au menu, le tout dans 40 noeuds de vent à la hauteur de la « porte » Nouvelle-Zélande.

« Plutôt que de souffler les bougies, c'est le vent qui a soufflé sur le bateau », a-t-il raconté à la vacation quotidienne, avant de signaler « un petit souci avec le moteur. Il ne marche pas donc je vais voir. Ça fait quelques jours que je n'ai pas dormi comme je voudrais donc je vais dormir et essayer de le remettre en route demain. Il va falloir faire avec mais le moteur c'est très important, notamment pour les ballasts ».

Dick revient sur les deux premiers

Le Français Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), 3e, et dans une moindre mesure le Britannique Alex Thomson (Hugo Boss), 4e, devraient logiquement profiter de la laborieuse progression contre le vent du tandem Gabart/Le Cléac'h. A chaque classement, Dick réduit son écart sur le duo terrible et pointait samedi soir à 250,7 milles de Gabart.

Les autres concurrents étaient encore samedi soir dans le Pacifique, soumis à des conditions de navigation assez difficiles : vents instables avec rafales, mer croisée avec des vagues de 4 à 5 mètres.

Le Français Jean Le Cam (SynerCiel), 5e, devrait être le premier de ce groupe à passer le cap Horn à son tour, lundi matin.

Le Suisse Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat), était de loin le plus rapide depuis 48 heures. Après avoir doublé le Français Arnaud Boissières (Akena Vérandas), 10e, il n'a fait qu'une bouchée de l'Espagnol Javier Sanso (Acciona), 9e.

Le jury a reçu samedi matin le rapport du bateau russe auquel Cheminées Poujoulat s'était amarré lors de son escale le 23 décembre dans l'île néo-zélandaise d'Enderby, dans le Pacifique. Il va maintenant l'examiner avant de prendre une décision concernant une réouverture du dossier de sa disqualification.

Du nouveau dans le dossier Stamm

Le jury international du Vendée Globe, qui a disqualifié le Suisse Bernard Stamm pour avoir reçu de l'aide d'un navire russe lors d'une escale forcée dans une île du Pacifique, a reçu le témoignage d'un membre de l'équipage et va rouvrir le dossier, a-t-on appris samedi.

« Il peut s'agir d'une pièce importante », a déclaré à l'AFP le président du jury, le Français Bernard Bonneau. « Pour cette raison, nous avons reculé l'éventuelle prise de décision » sur une modification de la sanction.

Mais à ce stade, « on ne peut pas dire si ce témoignage, en anglais, contient ou non des faits de nature à modifier notre décision », a-t-il poursuivi dans un entretien téléphonique.

« Potentiellement, ça peut amener une modification, mais je ne suis pas apte à le dire à ce jour, car une instruction est en cours », a souligné M. Bonneau. Aucune date n'a encore été fixée pour rendre publique la décision, car « les membres du jury sont dispersés géographiquement et ça peut prendre un petit peu de temps ».

« On ne sait pas non plus si on doit réinterroger Stamm ou le témoin », a encore indiqué le président du jury. « Ce n'est pas très simple. On veut être soigneux et sûrs de notre décision, car c'est l'ultime recours ».

Le jury international du Vendée Globe est composé, outre M. Bonneau, du Français Georges Priol, de l'Espagnole Ana Sanchez, du Britannique Trevor Lewis et du Néo-Zélandais Jack Lloyd.

Deux infractions

Stamm est accusé d'avoir enfreint le règlement lors de son escale le 23 décembre à l'île néo-zélandaise d'Enderby, dans le Pacifique. Il s'y était arrêté pour réparer ses hydrogénérateurs, des petites hélices immergées à l'arrière de son bateau et fournissant l'électricité du bord.

L'ancre de son bateau « Cheminées Poujoulat » ne crochant pas sur le fond, le Suisse s'était mis à couple d'un navire scientifique russe, le « Professeur Khoromov », mouillé près de lui, après l'avoir prévenu par radio.

Sans être sollicité par Stamm, un membre de l'équipage était monté à bord et y était resté pendant toute l'opération.
Le jury international du Vendée Globe a estimé que « s'amarrer sur un autre bateau » constituait une première infraction et que le fait de ne pas demander « à la personne sur son bateau de quitter le bord quand il l'a découverte » en était une deuxième.

La disqualification de Stamm a provoqué l'incompréhension de la plupart des skippers du Vendée Globe, certains ne cachant pas leur irritation face à une sanction jugée très sévère.

Classement à 19 h GMT :

1. François Gabart (FRA/Macif) à 5.914,6 milles de l'arrivée

2. Armel Le Cléac'h (FRA/Banque Populaire) à 53,5 milles du premier

3. Jean-Pierre Dick (FRA/Virbac-Paprec 3) à 250,7

4. Alex Thomson (GBR/Hugo Boss) à 659,4

5. Jean Le Cam (FRA/SynerCiel) à 1.871,3

6. Mike Golding (GBR/Gamesa) à 2.234,6

7. Dominique Wavre (SUI/Mirabaud) à 2.315,5

8. Bernard Stamm (SUI/Cheminées Poujoulat) à 2.360,6

9. Javier Sanso (ESP/Acciona) à 2.416,8

10. Arnaud Boissières (FRA/Akena Vérandas) à 2.462,1