BREST - Francis Joyon s'apprête à pulvériser de près de 12 jours le record du tour du monde à la voile en solitaire que détient depuis trois ans l'Anglaise Ellen MacArthur, en 71 jours, 14 heures, 18 minutes et 33 secondes sur le trimaran Castorama.

A la barre de son trimaran IDEC (29,70 mètres), il pourrait franchir la ligne d'arrivée dans la nuit de samedi à dimanche au large de la Bretagne après 58 à 59 jours de navigation. Un exploit appelé à résonner durablement dans le monde de la voile.

Dans sa circumnavigation en solo par les caps de Bonne Espérance (Afrique du Sud), Leeuwin (Australie) et Horn (Chili), le solide skipper morbihannais de 51 ans a raflé tous les records intermédiaires et établi de nouveaux temps de références, notamment la traversée de l'océan Indien (9 jours, 12 heures et 3 minutes) puis de l'océan Pacifique (10 jours 14 heures et 30 minutes).

Joyon a même été plus vite seul qu'Orange 2, skippé par Bruno Peyron et tout un équipage en 2003, lors de leur tour du monde victorieux sur le même parcours (Trophée Jules Verne: 50 jours, 16 heures, 20 minutes et 4 secondes), entre Bonne Espérance et Leeuwin.

Autre accessit, le plus grand nombre de milles parcourus en une journée, 616,7 milles à la vitesse d'un peu plus de 25 noeuds. Il en a été dépossédé quelques jours plus tard par Thomas Coville (619,3 milles soit 1115 milles à la vitesse de 25,8 noeuds) parti lui aussi en quête du même record sur le trimaran Sodébo avant d'abandonner après une collision avec un growler, petit morceau de glace détaché d'un iceberg.

"Il était en conditions de course tout le temps, il n'a fait aucun compromis" pour aller le plus vite possible, a expliqué Jean-Yves Bernot, routeur-météo du skipper. Même dans le Pacifique, le skipper de Locmariaquer (Morbihan) est descendu tout près des glaces, jusqu'à 58 degrés Sud, "pour éviter des vents forts qui barraient le Nord", a précisé le navigateur à terre du skipper.

"Ca, c'est tout Francis, à fond, à fond tout le temps", a reconnu Roland Jourdain, skipper du monocoque 60 pieds (18,28 mètres) Véolia qui, par le passé a réalisé avec lui une saison complète en multicoques 60 pieds.

"C'est sur ces parcours au large et contre le chronomètre, que Francis s'exprime pleinement".

Ce n'est qu'à la sortie du Pacifique, puis lors de sa remontée de l'Atlantique que Francis Joyon a ralenti sa course échevelée.

D'abord pour raisons météo, puis à cause de l'usure d'une pièce des haubans qui maintiennent le mât debout, et qui risquait de le faire chuter. Joyon a ralenti pour faire ses réparations à 32 mètres de hauteur. Ce vendredi, il filait à 20 noeuds en direction de Brest, mais toujours avec la crainte d'une casse de dernière minute.

Ce record (presque) accroché au tableau de chasse de Francis Joyon, c'est la marque de la "simplicité, (de) l'efficacité et (de) la performance. Je n'ai qu'un mot à dire, bravo!", a témoigné Jean Le Cam, skipper du monocoque de 60 pieds VM Matériaux, en préparation pour le prochain Vendée Globe qui s'élancera sur le même parcours au départ et à l'arrivée des Sables d'Olonne (Vendée), à l'automne prochain.

Dès la conception, tout a été fait pour que le bateau soit simple à piloter, et léger. Pas de groupe électrogène qui peut tomber en panne, donc pas de chauffage à bord, mais des éoliennes et des panneaux solaires pour fournir l'électricité nécessaire au pilote automatique et aux outils de communication. Au final, un gain de poids évident. Selon son service de presse, le skipper breton devrait franchir la ligne d'arrivée fictive située entre l'île d'Ouessant et le Cap Lizard au milieu de la nuit de samedi à dimanche, et rallier le port de Brest dans la matinée.