GENEVE, AFP - L'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'est associée à plusieurs autorités sportives internationales afin de lancer une campagne "pour le sport sans tabac", initiative de longue haleine destinée à éliminer les publicités pour les cigarettes lors des manifestations sportives.

Cette campagne a été lancée, jeudi à Genève, au moment où s'est ouvert entre les 191 pays membres de l'OMS, une troisième série de négociations sur l'élaboration d'une convention anti-tabac à l'horizon 2003, une première en matière de santé publique.

Un des principaux points en discussion est l'interdiction de la publicité et du parrainage par les fabricants de cigarettes, en particulier lors des grandes compétitions sportives.

Le tabac tue plus de 4 millions de gens chaque année, et ce chiffre devrait atteindre 8,4 millions d'ici 2020, accuse l'agence de l'ONU.

Incompatibles

Dans une première démarche commune le Comité international olympique (CIO), la Fédération internationale de l'automobile (FIA) et la Fédération internationale de football (FIFA) ont insisté sur le fait que sport et tabac étaient "incompatibles".

Le président de la FIA, Max Mosley, a confirmé que sa Fédération introduirait une interdiction de la publicité et du parrainage par l'industrie du tabac dans le sport automobile à compter de la fin 2006.

Aussi bien M. Mosley qu'un responsable de la Fédération internationale de soccer (FIFA), Keith Cooper, ont exprimé leur détermination à oeuvrer à un monde sportif sans tabac, sans cacher les difficultés pratiques existantes.

Ainsi, comme cela a été le cas après 1986, la prochaine Coupe du monde de soccer, l'été prochain, en Corée du Sud et au Japon, sera sans tabac, même si "des zones spéciales et restreintes pour fumeurs" seront prévues, selon M. Cooper. Il est impossible, a-t-il ajouté, d'empêcher un entraîneur énervé d'allumer une cigarette sur un banc de touche. "Notre approche est réaliste", a-t-il dit.

Max Mosley a aussi appelé au réalisme en avertissant que la cohésion du sport automobile serait compromise si une interdiction de la publicité et du parrainage par les cigarettiers n'entrait pas en vigueur au même moment dans tous les 191 Etats membres, au cas où un traité anti-tabac voyait le jour en 2003.

"Une approche diversifiée" par les 191 Etats membres encouragerait les équipes à aller courir dans des pays où il n'y aurait pas d'interdiction, selon M. Mosley.

Maladie

Pour sa part, l'OMS par l'intermédiaire de sa directrice générale, Gro Harlem Brundtland, a relevé que "le tabagisme est une maladie propagée par la publicité et le parrainage dans les stades", et que les jeunes, en Chine ou ailleurs, en sont les premières victimes.

Des données récentes permettent, selon l'OMS, de penser qu'un jeune sur trois commence à fumer avant l'âge de dix ans.

"Les cigarettiers prétendent parrainer des activités sportives par philanthropie, mais ce n'est pas ce que disent leurs documents internes", a accusé Mme Brundtland.

L'OMS accuse les cigarettiers d'être mus par le profit au détriment de la santé, et de manoeuvrer contre ses efforts afin d'endiguer leur propre discrédit, depuis que les liens entre tabagisme et cancer sont bien établis.

Elle a ainsi critiqué une initiative récente de British American Tobacco, Philip Morris et Japan Tobacco, affirmant vouloir prendre des mesures d'autorégulation pour éviter que leur marketing s'adresse aux non-fumeurs. Pour l'OMS, c'est une opération de relations publiques voué à l'échec.

Il s'agit pour l'OMS d'inverser une tendance profondément ancrée dans la jeunesse: "chemises, casquettes, sacoches, T-shirts, stades, voitures marqués de l'emblème des cigarettes contribuent à associer le tabac à la force, à la vitesse, à l'élégance, au succès, au plaisir et à l'enthousiasme, tout ce qu'implique le sport", note un document de l'OMS.