La première édition du Trophée Roses des Andes est maintenant terminée. Il n'y a eu que six jours de compétition, pourtant chacune des participantes a le sentiment d'être là depuis beaucoup plus longtemps. Et ce n'est certes pas parce que c'était ennuyant, mais plutôt parce que les journées étaient tellement denses qu'on avait l'impression d'en vivre trois à la fois!

rosesAinsi, la quatrième étape nous a réservé de nombreuses surprises. D'abord une montée impressionnante qui nous dévoilait un paysage magnifique au fur et à mesure qu'on prenait de la hauteur. Chaque courbe nous réservait son lot de frissons, tant par le spectacle qui s'offrait à nos yeux, que par le vertige de cette route qui s'entêtait à gruger la montagne en nous forçant à faire des virages en épingle au bord du vide. Puis, un rio, mais plein d'eau cette fois-ci, un rio qu'il nous a fallu franchir quatre-vingt-dix fois en lançant des gerbes d'eau sournoises si on oubliait de monter les vitres de l'habitacle. Plus d'une copilote ont vu leur roadbook éclaboussé et l'encre délayée ajouter de nouveaux détails à leurs savants calculs. Les pilotes, elles, s'en donnaient à coeur joie, comme des enfants qui sautent à pieds joints dans une flaque d'eau. Et si les premiers franchissements ont été un peu timides, elles ont pris de l'assurance au fils du cours d'eau.

Par la suite, il y aura eu un long passage d'herbes dures, très semblables à l'herbe à chameau du Maroc. Toutes ne s'y sont pas aventurées, mais celles qui l'ont fait ont dû lutter avec leur volant pour trouver les passages adéquats, tendues vers un cap qui les menait au pied d'une montagne, puis qui les poussait vers une immense dune aux flancs tendres qu'il fallait prendre en devers en gardant une vitesse constante pour éviter la glissade et l'enlisement. Puis les Roses sont passées dans un endroit à la fois étrange et magnifique, le champ de « piedras pomez » serti de ces formations rocheuses sculptées par le vent qui nous donnent l'impression d'être sur une autre planète.

Après cette étape magnifique, ce fut l'étape marathon, soit 440 kilomètres sur deux jours, en altitude. Quelques belles coupes à faire pour gagner des kilomètres précieux, des pistes plus risquées qui valaient tout de même la peine d'être empruntées malgré leur inclinaison parfois intimidante, des salars majestueux comme celui d'Arizaro avec son cône qui se dresse au milieu de l'étendue de sel. Un paysage lunaire qui accrochait néanmoins les rayons du soleil pour faire scintiller ses cristaux de mille feux.

rosesLe bivouac en altitude a été plus difficile pour certaines. Ce n'est pas facile de dormir à 3800 mètres au-dessus de la mer. Le froid et le court temps d'acclimatation y rendent le sommeil difficile.

Mais une belle surprise nous attendait le lendemain. D'abord une enfilade de pistes impossibles à couper, et je dois dire que même si ce l'eut été, nous n'aurions pas voulu le faire. Les fines dentelles d'herbes sèches qui poussaient courageusement dans cet univers sec et troublé ne méritaient pas d'être écrasées par les roues de nos bêtes de course... Je n'y ai vu aucune trace, toutes les équipes ont ressenti le même respect envers cette nature fragile et magnifique.

La surprise vint à Santa Rosa de los Campos grandes. Tout le village nous y attendait avec affiches de bienvenue, décorations sur le thème de la rose, café chaud ou mate, et surtout une gentillesse et un accueil à faire fondre les coeurs les plus endurcis. « C'est la première fois que des gens qui viennent de pays étrangers passent dans notre village », nous disait la jeune femme initiatrice de  cet accueil délirant. Nous les avons quittés à regret, mais sans nous presser tout de même, voulant savourer chacun des derniers kilomètres du rallye.

Le passage sous l'arche d'arrivée a certainement été empreint d'émotion pour chacune des équipes, pour des raisons toutes différentes. Chacune avait son histoire dans ce rallye. Chacune l'a vécu de façon différente. Certaines venaient pour y célébrer la rémission d'une maladie durement combattue, d'autres pour repousser leurs limites, plusieurs pour vivre l'aventure et quelques autres dans un esprit plus compétitif. Ce ne fut pas toujours facile bien sûr, si ce l'était, nous ne serions pas là. Mais malgré les embûches, parfois les déceptions et les moments de découragement, toutes reviennent avec un moment particulier qui les aura marquées et qu'elles garderont précieusement dans leur mémoire.

« Nous avions mis la barre haute, déclarait Jean-Jacques Rey, directeur de course, ayant fait lui-même cinq Dakar en 4 x 4 et en moto, et les femmes l'ont admirablement franchie. Nous savions qu'il y avait des éléments de risques, mais nous étions certaines qu'elles auraient ce qu'il fallait pour réussir. » Rey explique s'être inspiré du Dakar pour mettre sur pied ce rallye qui marche un peu dans les sentiers empruntés par son grand frère. « J'ai troqué le chrono pour la boussole, explique-t-il, sinon, les femmes sont dans les mêmes conditions que les participants du Dakar, avec un roadbook à suivre. »

Dans un pays où une femme a laissé sa marque, dans l'altiplano argentin et au coeur de la cordillère des Andes, les roses d'Evita se sont écloses en un bouquet magnifique aux accents de la France et du Québec. La première édition du Trophée Roses des Andes a rempli ses promesses.

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